Quand les seniors mettent la souris au tapis
CONSTANCE DE BUOR
Pour de nombreux retraités, il semble plus simple de se mettre au russe que de se risquer à envoyer un e-mail. Pourtant, avec un peu de détermination et de patience, l’accès à Internet ou aux facilités d’une messagerie est à la portée de tous. Des formateurs nous ont ouvert les portes de leurs cours seniors.
Pour de nombreux retraités, il semble plus simple de se mettre au russe que de se risquer à envoyer un e-mail. Pourtant, avec un peu de détermination et de patience, l’accès à Internet ou aux facilités d’une messagerie est à la portée de tous. Des formateurs nous ont ouvert les portes de leurs cours seniors.
À qui s’adressent les cours seniors ?
À ceux qui ont envie de s’y mettre et en ont concrètement éprouvé le besoin. « Mes petits-enfants vivent à l’étranger et je ne sais pas utiliser Skype. » « La moindre publicité vous renvoie à un site, on ne trouve plus de numéro de téléphone où appeler. » « Comment retrouver une émission que j’ai ratée à la télévision ? » Dans les cours et les cafés internet, on rencontre de tout jeunes retraités, des septuagénaires, mais aussi quelques personnes de plus de 85 ans décidées « à ne pas rater le train ».
À Paris, l’association Ramage accueille des « élèves » de 50 à 95 ans ! « Ces rencontres permettent aux plus âgés d’apprendre grâce à de jeunes seniors – les formateurs, explique le président, Yves Hussenot. Manque de pédagogie ou de patience, le cadre de la famille se prête mal à l’initiation par les enfants ou petits-enfants. Chez nous, celui qui peine est rassuré par le fait que son voisin éprouve la même difficulté, et tous deux en plaisantent. » Il n’est pas nécessaire d’être équipé : les associations prêtent le plus souvent ordinateurs et tablettes. « Les initiations doivent d’abord permettre à chacun de voir si cela lui plaît ! », note Cyril Way, responsable des systèmes d’information pour la ville de Massy, où l’association Fraternité numérique a initié près de 500 personnes ces deux dernières années. Seule limite à l’apprentissage, le manque de motivation. Aussi, l’assiduité aux séances et la pratique sont-elles nettement recommandées !
Qu’apprend-on durant ces formations ?
D’abord, à se familiariser avec la machine. Aussi naturel que cela puisse paraître aux plus jeunes, manier la souris n’est pas toujours simple pour les seniors. Avec Fraternité numérique, les stagiaires s’y familiarisent à l’aide d’un jeu conçu pour les élèves de primaire. Pour certains, le pavé tactile des ordinateurs portables ou le principe des tablettes peut se révéler plus maniable. Deuxième volet : le traitement de texte ou « comment rédiger un courrier sur ordinateur ». Puis cap sur Internet et les recherches simples (comment trouver des horaires de bus sur le site de la RATP…). On propose ensuite les rudiments du mail pour finir par les albums de photos en ligne. Même programme chez Ramage. « Dès la première requête sur Google, lorsque nous faisons taper à la personne son patronyme, un univers s’ouvre, observe Yves Hussenot. Un univers qui va naturellement déboucher sur des contacts par e-mail avec la famille, les proches et les autres apprenants. »
Que trouvent les seniors sur Internet ? Des images du village de leur enfance sur Google Earth et des renseignements sur la vie locale. Consulter sa banque à distance, pouvoir correspondre avec la famille… À chacun de décliner. « Je suis en contact par e-mail avec une dame avec qui j’ai suivi l’initiation à Internet. Je retrouve les émissions que j’ai ratées à la télévision, raconte Cécile, locataire de l’une des résidences pour personnes âgées où Fraternité numérique tient une « permanence » le vendredi. « Hier, dans la conversation, quelqu’un a évoqué le métier de lobbyistes. Je ne savais pas qu’on pouvait en faire une profession, alors je suis allée chercher sur Google. » Internet recelant des trésors sur la généalogie, ils sont aussi nombreux à remonter leur histoire grâce à des sites spécialisés.
L’accompagnement est-il indispensable ?
Oui, car le virtuel est une dimension difficile d’accès. Comprendre que je peux accéder à mes e-mails ou à mon compte en banque, aussi bien de mon ordinateur que de celui de l’hôtel où je suis de passage en Espagne, réaliser que ma boîte mail existe toujours même si mon ordinateur est fichu, ne va pas de soi pour tout le monde. « Après avoir fait les mêmes choses pendant 60 ans, on a tendance à fonctionner par réflexe quand on vieillit, remarque Bernard Hubert, formateur à l’association Fraternité numérique. On clique sans lire et on plante l’ordinateur. C’est fou le nombre de manœuvres inutiles que les apprenants peuvent faire en 2 heures ! » Première mission des formateurs, donc : aider chacun à ne pas céder à la panique !
Le langage informatique et numérique peut aussi nécessiter un décodage. « Il nous faut identifier les concepts et terminologies qui posent problème pour en faciliter la compréhension, en les simplifiant et en recourant à des métaphores qui favorisent la mémorisation », analyse Yves Hussenot. Récapitulatif, ce matin-là, au cours débutant du XVe arrondissement : « L’identifiant, le nom d’utilisateur, le pseudo ou le login, c’est la même chose : c’est votre nom, la façon dont vous vous appelez. Le mot de passe ou “password”, c’est votre code secret. Le “@” etc., c’est l’endroit où vous résidez. Tout le monde connaît donc votre adresse comme dans la vie, mais vous êtes seul à avoir la clé de la maison : votre mot de passe », détaille le formateur.
Y a-t-il différents niveaux d’apprentissage ?
En général oui. Les associations ou les programmes financés par les mairies ou maisons de quartier proposent plusieurs formules. Ramage organise depuis trois ans des cours de niveau 1 « pour ceux qui ne savent rien ou le prétendent ! » et des cours de niveau 2 pour les « faux débutants disposant déjà d’une messagerie, d’un ordinateur et d’une certaine pratique du numérique ». Les formateurs bénévoles, eux, se retrouvent régulièrement en présence d’un gérontologue pour travailler la méthodologie. Des cybercafés gratuits permettent aussi à ceux qui pratiquent seuls de venir poser des questions ou de demander « les premiers secours » en cas d’impasse ou de mauvaise manipulation. « Il faut souvent commencer par rassurer l’apprenant, traumatisé par son ignorance ou par une première expérience désastreuse, dit Yves Hussenot. On dédramatise. On leur dit que quand on part de zéro, on ne peut que progresser. »
Au Relais 59, maison de quartier du XIIe arrondissement parisien, le cours Clic tablette se décline aussi sur deux niveaux et peut-être prolongé par un « Club tablette » (sur le même principe d’assistance et non plus de cours). « La semaine dernière, une dame a réussi à envoyer son premier e-mail toute seule au bout de quelques heures de cours ! », raconte Jean Guilvout, pilier de l’association. Avec un peu de patience…
CONSTANCE DE BUOR
Pour de nombreux retraités, il semble plus simple de se mettre au russe que de se risquer à envoyer un e-mail. Pourtant, avec un peu de détermination et de patience, l’accès à Internet ou aux facilités d’une messagerie est à la portée de tous. Des formateurs nous ont ouvert les portes de leurs cours seniors.
Pour de nombreux retraités, il semble plus simple de se mettre au russe que de se risquer à envoyer un e-mail. Pourtant, avec un peu de détermination et de patience, l’accès à Internet ou aux facilités d’une messagerie est à la portée de tous. Des formateurs nous ont ouvert les portes de leurs cours seniors.
À qui s’adressent les cours seniors ?
À ceux qui ont envie de s’y mettre et en ont concrètement éprouvé le besoin. « Mes petits-enfants vivent à l’étranger et je ne sais pas utiliser Skype. » « La moindre publicité vous renvoie à un site, on ne trouve plus de numéro de téléphone où appeler. » « Comment retrouver une émission que j’ai ratée à la télévision ? » Dans les cours et les cafés internet, on rencontre de tout jeunes retraités, des septuagénaires, mais aussi quelques personnes de plus de 85 ans décidées « à ne pas rater le train ».
À Paris, l’association Ramage accueille des « élèves » de 50 à 95 ans ! « Ces rencontres permettent aux plus âgés d’apprendre grâce à de jeunes seniors – les formateurs, explique le président, Yves Hussenot. Manque de pédagogie ou de patience, le cadre de la famille se prête mal à l’initiation par les enfants ou petits-enfants. Chez nous, celui qui peine est rassuré par le fait que son voisin éprouve la même difficulté, et tous deux en plaisantent. » Il n’est pas nécessaire d’être équipé : les associations prêtent le plus souvent ordinateurs et tablettes. « Les initiations doivent d’abord permettre à chacun de voir si cela lui plaît ! », note Cyril Way, responsable des systèmes d’information pour la ville de Massy, où l’association Fraternité numérique a initié près de 500 personnes ces deux dernières années. Seule limite à l’apprentissage, le manque de motivation. Aussi, l’assiduité aux séances et la pratique sont-elles nettement recommandées !
Qu’apprend-on durant ces formations ?
D’abord, à se familiariser avec la machine. Aussi naturel que cela puisse paraître aux plus jeunes, manier la souris n’est pas toujours simple pour les seniors. Avec Fraternité numérique, les stagiaires s’y familiarisent à l’aide d’un jeu conçu pour les élèves de primaire. Pour certains, le pavé tactile des ordinateurs portables ou le principe des tablettes peut se révéler plus maniable. Deuxième volet : le traitement de texte ou « comment rédiger un courrier sur ordinateur ». Puis cap sur Internet et les recherches simples (comment trouver des horaires de bus sur le site de la RATP…). On propose ensuite les rudiments du mail pour finir par les albums de photos en ligne. Même programme chez Ramage. « Dès la première requête sur Google, lorsque nous faisons taper à la personne son patronyme, un univers s’ouvre, observe Yves Hussenot. Un univers qui va naturellement déboucher sur des contacts par e-mail avec la famille, les proches et les autres apprenants. »
Que trouvent les seniors sur Internet ? Des images du village de leur enfance sur Google Earth et des renseignements sur la vie locale. Consulter sa banque à distance, pouvoir correspondre avec la famille… À chacun de décliner. « Je suis en contact par e-mail avec une dame avec qui j’ai suivi l’initiation à Internet. Je retrouve les émissions que j’ai ratées à la télévision, raconte Cécile, locataire de l’une des résidences pour personnes âgées où Fraternité numérique tient une « permanence » le vendredi. « Hier, dans la conversation, quelqu’un a évoqué le métier de lobbyistes. Je ne savais pas qu’on pouvait en faire une profession, alors je suis allée chercher sur Google. » Internet recelant des trésors sur la généalogie, ils sont aussi nombreux à remonter leur histoire grâce à des sites spécialisés.
L’accompagnement est-il indispensable ?
Oui, car le virtuel est une dimension difficile d’accès. Comprendre que je peux accéder à mes e-mails ou à mon compte en banque, aussi bien de mon ordinateur que de celui de l’hôtel où je suis de passage en Espagne, réaliser que ma boîte mail existe toujours même si mon ordinateur est fichu, ne va pas de soi pour tout le monde. « Après avoir fait les mêmes choses pendant 60 ans, on a tendance à fonctionner par réflexe quand on vieillit, remarque Bernard Hubert, formateur à l’association Fraternité numérique. On clique sans lire et on plante l’ordinateur. C’est fou le nombre de manœuvres inutiles que les apprenants peuvent faire en 2 heures ! » Première mission des formateurs, donc : aider chacun à ne pas céder à la panique !
Le langage informatique et numérique peut aussi nécessiter un décodage. « Il nous faut identifier les concepts et terminologies qui posent problème pour en faciliter la compréhension, en les simplifiant et en recourant à des métaphores qui favorisent la mémorisation », analyse Yves Hussenot. Récapitulatif, ce matin-là, au cours débutant du XVe arrondissement : « L’identifiant, le nom d’utilisateur, le pseudo ou le login, c’est la même chose : c’est votre nom, la façon dont vous vous appelez. Le mot de passe ou “password”, c’est votre code secret. Le “@” etc., c’est l’endroit où vous résidez. Tout le monde connaît donc votre adresse comme dans la vie, mais vous êtes seul à avoir la clé de la maison : votre mot de passe », détaille le formateur.
Y a-t-il différents niveaux d’apprentissage ?
En général oui. Les associations ou les programmes financés par les mairies ou maisons de quartier proposent plusieurs formules. Ramage organise depuis trois ans des cours de niveau 1 « pour ceux qui ne savent rien ou le prétendent ! » et des cours de niveau 2 pour les « faux débutants disposant déjà d’une messagerie, d’un ordinateur et d’une certaine pratique du numérique ». Les formateurs bénévoles, eux, se retrouvent régulièrement en présence d’un gérontologue pour travailler la méthodologie. Des cybercafés gratuits permettent aussi à ceux qui pratiquent seuls de venir poser des questions ou de demander « les premiers secours » en cas d’impasse ou de mauvaise manipulation. « Il faut souvent commencer par rassurer l’apprenant, traumatisé par son ignorance ou par une première expérience désastreuse, dit Yves Hussenot. On dédramatise. On leur dit que quand on part de zéro, on ne peut que progresser. »
Au Relais 59, maison de quartier du XIIe arrondissement parisien, le cours Clic tablette se décline aussi sur deux niveaux et peut-être prolongé par un « Club tablette » (sur le même principe d’assistance et non plus de cours). « La semaine dernière, une dame a réussi à envoyer son premier e-mail toute seule au bout de quelques heures de cours ! », raconte Jean Guilvout, pilier de l’association. Avec un peu de patience…