Médicaments au cannabis : la fin d'un tabou ?
JOSÉPHINE BATAILLE
© GW Pharmaceuticals
Des médicaments à base de cannabis pourraient bientôt être mis sur le marché, suite au décret publié par la ministre de la santé. Ce n'est pas pour autant un pas vers "l'usage thérapeutique" de la plante cannabis.
Le règlement du Code de la santé publique qui interdisait la commercialisation et la fabrication de produits à base de cannabis, a été modifié le 7 juin par décret de Marisol Touraine, ministre de la santé, rendant possible ce qui relève de l'usage pharmaceutique. Des mises sur le marché de médicaments vont donc désormais pouvoir être demandées. Un premier pas insuffisant, aux yeux des associations de malades qui demandent la légalisation de l'usage du cannabis à des fins thérapeutiques.
François Chast, chef du service de pharmacie clinique de l'hôpital Cochin, à Paris, et ancien président de l'Académie de pharmacie, favorable à la commercialisation du médicament à base de cannabis, appelle à distinguer entre médicament d'un côté, et usage thérapeutique de la plante cannabis de l'autre.
Pourquoi êtes-vous favorable à ces médicaments ?
Je m'étonne d'un procès en sorcellerie qui précède l'évaluation du médicament. Seule l'évaluation scientifique doit vaincre ce qui relève du tabou dès que l'on parle de cannabis. Il y a déjà eu des évaluations - par l'Agence européenne du médicament, et dans de nombreux pays où des médicaments sont commercialisés. Contre les douleurs de la sclérose en plaques, il apparaît que le Sativex apporte des améliorations substantielles. Ce n'est pas une révolution thérapeutique, mais quand bien même on ne soulagerait que quelques milliers de patients ce serait déjà bénéfique. On verra par la suite s'il peut y avoir d'autres effets bénéfiques de cette substance. Il faut rester ouvert.
Sur le plan scientifique, le bénéfice de ces médicaments fait pourtant débat. Il y a d'autres effets que celui désiré.
Pour tout médicament actif il y a des effets indésirables, et des discussions. La morphine aussi, comporte des effets secondaires — hallucinations, troubles neuro-musculaires, constipation. Evaluer, c'est faire la balance entre les effets négatifs et les effets positifs, de façon à valider des médicaments qui sont à la fois efficaces et peu dangereux. L'optique, c'est que le patient bénéficie au maximum du positif, avec le minimum de conséquences négatives ; c'est pour cela qu'une prescription est toujours encadrée, et doit faire l'objet d'un suivi en cours de thérapeutique.
Le décret constitue-t-il un pas vers la légalisation de « l'usage thérapeutique » du cannabis ?
Ce n'est pas une autorisation de l'usage de la plante de cannabis mais des préparations pharmaceutiques. Suite à quoi l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) va devoir faire son travail et examiner les demandes de mise sur le marché de ce type de médicaments. Ce n'est donc pas la porte ouverte à la consommation de cannabis. Je remarque que ce mouvement de répulsion à l'égard des médicaments a lieu dans un pays qui est le premier consommateur d'Europe ! En effet, faisons la guerre aux fumeurs dans les lycées, l'entreprise etc, mais pas aux malades ! De la même manière que je réprouverais qu'on rouvre des fumeries d'opium, je réprouve l'usage récréatif du cannabis. Et nous devons tout faire pour que cette forme de toxicomanie régresse. Cent ans après l'interdiction des fumeries d'opium en France, les opiacés sont devenus incontournables dans la médecine moderne. Mais personne ne fait la confusion entre les toxicomanes et les malades !
Faut-il aller plus loin comme le réclament les associations ?
Je suis totalement opposé à l'idée du cannabis thérapeutique. Un médicament n'a rien à voir avec un joint, dans lequel on ne sait pas exactement ce qu'il y a de thérapeutique, mais où l'on trouve de nombreux éléments toxiques. Pour améliorer sa santé, il n'y a aucune raison de recourir à la plante de cannabis, qui n'est pas contrôlée, et avec laquelle le taux de principe actif peut varier de 1 à 15 ! En revanche, il y a dans cette plante des principes actifs qui peuvent être intéressants, et je ne vois pas de raison de ne pas examiner scientifiquement de quelle façon ils peuvent être exploités.
JOSÉPHINE BATAILLE
© GW Pharmaceuticals
Des médicaments à base de cannabis pourraient bientôt être mis sur le marché, suite au décret publié par la ministre de la santé. Ce n'est pas pour autant un pas vers "l'usage thérapeutique" de la plante cannabis.
Le règlement du Code de la santé publique qui interdisait la commercialisation et la fabrication de produits à base de cannabis, a été modifié le 7 juin par décret de Marisol Touraine, ministre de la santé, rendant possible ce qui relève de l'usage pharmaceutique. Des mises sur le marché de médicaments vont donc désormais pouvoir être demandées. Un premier pas insuffisant, aux yeux des associations de malades qui demandent la légalisation de l'usage du cannabis à des fins thérapeutiques.
François Chast, chef du service de pharmacie clinique de l'hôpital Cochin, à Paris, et ancien président de l'Académie de pharmacie, favorable à la commercialisation du médicament à base de cannabis, appelle à distinguer entre médicament d'un côté, et usage thérapeutique de la plante cannabis de l'autre.
Pourquoi êtes-vous favorable à ces médicaments ?
Je m'étonne d'un procès en sorcellerie qui précède l'évaluation du médicament. Seule l'évaluation scientifique doit vaincre ce qui relève du tabou dès que l'on parle de cannabis. Il y a déjà eu des évaluations - par l'Agence européenne du médicament, et dans de nombreux pays où des médicaments sont commercialisés. Contre les douleurs de la sclérose en plaques, il apparaît que le Sativex apporte des améliorations substantielles. Ce n'est pas une révolution thérapeutique, mais quand bien même on ne soulagerait que quelques milliers de patients ce serait déjà bénéfique. On verra par la suite s'il peut y avoir d'autres effets bénéfiques de cette substance. Il faut rester ouvert.
Sur le plan scientifique, le bénéfice de ces médicaments fait pourtant débat. Il y a d'autres effets que celui désiré.
Pour tout médicament actif il y a des effets indésirables, et des discussions. La morphine aussi, comporte des effets secondaires — hallucinations, troubles neuro-musculaires, constipation. Evaluer, c'est faire la balance entre les effets négatifs et les effets positifs, de façon à valider des médicaments qui sont à la fois efficaces et peu dangereux. L'optique, c'est que le patient bénéficie au maximum du positif, avec le minimum de conséquences négatives ; c'est pour cela qu'une prescription est toujours encadrée, et doit faire l'objet d'un suivi en cours de thérapeutique.
Le décret constitue-t-il un pas vers la légalisation de « l'usage thérapeutique » du cannabis ?
Ce n'est pas une autorisation de l'usage de la plante de cannabis mais des préparations pharmaceutiques. Suite à quoi l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) va devoir faire son travail et examiner les demandes de mise sur le marché de ce type de médicaments. Ce n'est donc pas la porte ouverte à la consommation de cannabis. Je remarque que ce mouvement de répulsion à l'égard des médicaments a lieu dans un pays qui est le premier consommateur d'Europe ! En effet, faisons la guerre aux fumeurs dans les lycées, l'entreprise etc, mais pas aux malades ! De la même manière que je réprouverais qu'on rouvre des fumeries d'opium, je réprouve l'usage récréatif du cannabis. Et nous devons tout faire pour que cette forme de toxicomanie régresse. Cent ans après l'interdiction des fumeries d'opium en France, les opiacés sont devenus incontournables dans la médecine moderne. Mais personne ne fait la confusion entre les toxicomanes et les malades !
Faut-il aller plus loin comme le réclament les associations ?
Je suis totalement opposé à l'idée du cannabis thérapeutique. Un médicament n'a rien à voir avec un joint, dans lequel on ne sait pas exactement ce qu'il y a de thérapeutique, mais où l'on trouve de nombreux éléments toxiques. Pour améliorer sa santé, il n'y a aucune raison de recourir à la plante de cannabis, qui n'est pas contrôlée, et avec laquelle le taux de principe actif peut varier de 1 à 15 ! En revanche, il y a dans cette plante des principes actifs qui peuvent être intéressants, et je ne vois pas de raison de ne pas examiner scientifiquement de quelle façon ils peuvent être exploités.