Les alévis veulent exister en Turquie
Matthieu Stricot - publié le 05/06/2013
Ils sont entre 10 et 15 millions en Turquie. Les alévis sont une minorité religieuse très particulière à l'Anatolie. Dans un pays à forte majorité sunnite, ils peinent à faire valoir leur culte et leur mode de vie libéral. Depuis le 31 mai, ils descendent en masse dans la rue pour faire entendre leur voix. Tout comme les alévis de France qui trouvent l'occasion de s'exprimer.
La population vient de se réveiller. On veut leur dire qu'on existe", clame Alper Kucun, chargé de la jeunesse à la Maison culturelle des Alévis à Arnouville (95). Samedi 1er juin, il manifestait place du Trocadéro à Paris en soutien aux manifestants de Turquie. Les membres de l'association répondaient à l'appel de la FUAF (Fédération de l'union des alévis en France). Sur les banderoles, ils disent "Non à la discrimination et à l'injustice contre les alévis en Turquie". Alper regrette que l'Etat turc oublie sa communauté : "Des mosquées sont construites dans nos villages et nos lieux de culte, les cemevis, ne sont pas considérérés comme tels. Les alévis paient les impôts comme tout le monde, mais ne perçoivent aucune subvention ni aide de l'Etat."
"Une philosophie de vie"
L'alévisme est perçu en France comme un courant progressiste de l'islam. Certains le considèrent comme une religion à part. C'est en fait une branche hétérodoxe libérale de l'islam chiite. Pour Alper, "c'est une philosophie de vie". En effet, ce courant ne base pas son culte sur le Coran, écrit postérieurement au Prophète. Et les alévis vouent autant leur culte à Mahomet qu'à son gendre Ali. Ils ne pratiquent pas le jeûne du Ramadan mais jeûnent quarante jours plus tard, sur une durée de douze jours, ce qui "correspond aux douze imams du culte alévi", explique Alper. Les alévis ne sont pas non plus contraints d'effectuer le pélerinage à La Mecque ni de prier cinq fois par jour. Ils peuvent aussi boire de l'alcool. Autre particularité : ce que Alper désigne comme "le Coran à cordes, le surnom donné par les alévis au luth". La musique occupe une place primordiale dans le culte, tout comme le "semah", la danse rituelle. Celle-ci symbolise l'égalité femme-homme.
Oppression sunnite
Pour toutes ces différences, les alévis ont toujours subi l'oppression de la majorité sunnite. "La seule avancée récente en Turquie, c'est la reconnaissance de notre communauté dans les livres d'Histoire en 2010", révèle Alper. Mais les souvenirs de persécutions sont plus présents dans les esprits. Le 29 juin prochain, les 150 adhérents de la Maison culturelle des alévis seront sous la Tour Eiffel pour le 20e anniversaire du massacre de Sivas. Le 2 juillet 1993, des islamistes avaient mis le feu dans un hôtel de cette ville du centre de la Turquie. 37 personnes y avaient trouvé la mort, parmi lesquels 33 intellectuels alévis qui s'y étaient regroupés à l'occasion d'un festival traditionnel de la communauté. "Nous souhaitons rendre hommage à nos martyrs", affirme Alper. A Istanbul, Ankara et dans de nombreuses villes de Turquie, les alévis ne cessent de grossir la foule des manifestants. Pour revendiquer leurs droits. Pour défendre leur culture.
Matthieu Stricot - publié le 05/06/2013
Ils sont entre 10 et 15 millions en Turquie. Les alévis sont une minorité religieuse très particulière à l'Anatolie. Dans un pays à forte majorité sunnite, ils peinent à faire valoir leur culte et leur mode de vie libéral. Depuis le 31 mai, ils descendent en masse dans la rue pour faire entendre leur voix. Tout comme les alévis de France qui trouvent l'occasion de s'exprimer.
La population vient de se réveiller. On veut leur dire qu'on existe", clame Alper Kucun, chargé de la jeunesse à la Maison culturelle des Alévis à Arnouville (95). Samedi 1er juin, il manifestait place du Trocadéro à Paris en soutien aux manifestants de Turquie. Les membres de l'association répondaient à l'appel de la FUAF (Fédération de l'union des alévis en France). Sur les banderoles, ils disent "Non à la discrimination et à l'injustice contre les alévis en Turquie". Alper regrette que l'Etat turc oublie sa communauté : "Des mosquées sont construites dans nos villages et nos lieux de culte, les cemevis, ne sont pas considérérés comme tels. Les alévis paient les impôts comme tout le monde, mais ne perçoivent aucune subvention ni aide de l'Etat."
"Une philosophie de vie"
L'alévisme est perçu en France comme un courant progressiste de l'islam. Certains le considèrent comme une religion à part. C'est en fait une branche hétérodoxe libérale de l'islam chiite. Pour Alper, "c'est une philosophie de vie". En effet, ce courant ne base pas son culte sur le Coran, écrit postérieurement au Prophète. Et les alévis vouent autant leur culte à Mahomet qu'à son gendre Ali. Ils ne pratiquent pas le jeûne du Ramadan mais jeûnent quarante jours plus tard, sur une durée de douze jours, ce qui "correspond aux douze imams du culte alévi", explique Alper. Les alévis ne sont pas non plus contraints d'effectuer le pélerinage à La Mecque ni de prier cinq fois par jour. Ils peuvent aussi boire de l'alcool. Autre particularité : ce que Alper désigne comme "le Coran à cordes, le surnom donné par les alévis au luth". La musique occupe une place primordiale dans le culte, tout comme le "semah", la danse rituelle. Celle-ci symbolise l'égalité femme-homme.
Oppression sunnite
Pour toutes ces différences, les alévis ont toujours subi l'oppression de la majorité sunnite. "La seule avancée récente en Turquie, c'est la reconnaissance de notre communauté dans les livres d'Histoire en 2010", révèle Alper. Mais les souvenirs de persécutions sont plus présents dans les esprits. Le 29 juin prochain, les 150 adhérents de la Maison culturelle des alévis seront sous la Tour Eiffel pour le 20e anniversaire du massacre de Sivas. Le 2 juillet 1993, des islamistes avaient mis le feu dans un hôtel de cette ville du centre de la Turquie. 37 personnes y avaient trouvé la mort, parmi lesquels 33 intellectuels alévis qui s'y étaient regroupés à l'occasion d'un festival traditionnel de la communauté. "Nous souhaitons rendre hommage à nos martyrs", affirme Alper. A Istanbul, Ankara et dans de nombreuses villes de Turquie, les alévis ne cessent de grossir la foule des manifestants. Pour revendiquer leurs droits. Pour défendre leur culture.