"Je rêve d'un pape qui évangélise"
PATRICE DE PLUNKETT, JOURNALISTE ET CATHOLIQUE
CRÉÉ LE 28/02/2013 / MODIFIÉ LE 28/02/2013 À 18H28
Quels doivent être les compétences du futur pape, son charisme, pour quel type de gouvernance et quelles priorités pour l'Eglise catholique et le monde ? Nous avons demandé à des personnalités de nous décrire le pape dont ils rêvent. Le blogueur et journaliste chrétien Patrice de Plunkett nous livre sa vision personnelle d'un évêque de Rome idéal.
Que le prochain pape poursuive - de façon toujours plus radicale - sur la voie indiquée par ses deux prédécesseurs ! Je veux dire : sur la voie de la « conversion pastorale », pour proclamer l'Evangile dans le monde actuel. C'était « l'objectif central de Vatican II », rappelait récemment Benoît XVI. Il disait aussi : « Une communauté qui ne fait pas de disciples, c'est à se demander si elle est encore chrétienne. »
La « conversion pastorale », c'est cesser de se polariser sur des problèmes internes, et mettre l'accent sur l'urgence de faire connaître universellement le noyau vital de la foi – inséparable de la rencontre personnelle du Christ. Je rêve de voir le Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation devenir le coeur stratégique de l'Eglise.
Quant à savoir de quel pape l'Eglise catholique a besoin, je m'en remets à l'Esprit Saint. Je vois les médias s'évertuer à deviner de quel type de « gouvernance » doit se doter l'Eglise, pour quelles « priorités » et quels enjeux... Mais du point de vue du journaliste (qui est aussi le mien), la seule observation légitime est de souhaiter que non seulement le pape, mais tout l'organisme de l'Eglise, se dotent d'un langage et d'instruments de communication ajustés au XXIe siècle. L'Esprit Saint envoie l'Eglise aux peuples ? Encore faut-il qu'elle sache se faire entendre, qu'elle trouve le moyen de présenter le mystère du Salut autrement qu'avec des mots trop vagues ou trop érudits... (dans ce domaine, ce n'est certainement pas Benoît XVI que l'on peut critiquer : il est aisément audible et lisible, en dépit de ce que croient ceux qui ne l'ont jamais lu).
Un autre problème est celui de l'information du Vatican. Depuis quelques années, les « bugs » dans le gouvernement de l'Eglise ont montré que certaines données ne remontaient pas jusqu'au centre de l'organisme romain – ou qu'elles s'y perdaient dans des étouffoirs. Rome devra moderniser la Curie, si l'on veut éviter d'autres cafouillages Williamson.
Un troisième problème est celui des réseaux d'influence. Compte tenu de la surreprésentation de la haute bourgeoisie financière dans les environs de l'Eglise, on admire les accents contestataires de documents romains comme Caritas in veritate, ou comme le texte de Justice et Paix sur l'urgence de bousculer le casino spéculatif mondial. Cela prouve qu'une partie du « centre » romain est connectée aux réalités vécues par les peuples du monde. Mais cette connexion doit devenir force principale, et la radicalité évangélique en matière d'économie doit devenir elle aussi « lumière qui brille devant les hommes » (Matthieu 5) ! Il y va de la crédibilité du message catholique – spiritualité comprise – dans les prochaines décennies... L'incarnation n'est pas un mot en l'air. A ce propos, j'attends du prochain pontificat un acte urgent : la béatification de Mgr Romero. L'Eglise a eu des martyrs ailleurs qu'en Espagne.
Pour le reste, je m'en remets au pape que l'Esprit inspirera aux Eglises, réunies en conclave. En 2005 personne ne s'attendait vraiment à l'élection de Joseph Ratzinger. En 2013, personne ne peut prévoir vers qui le malaise du christianisme des pays riches (malaise n'existant que dans les pays riches !) va conduire les cardinaux. Mes confrères tournent autour de l'alternative : soit un Italien à poigne pour restructurer la Curie, soit un personnage médiatique qui réactiverait le style Wojtyla - mais je ne suis pas sûr que ce style réponde aux besoins d'aujourd'hui. Je serais très heureux si une troisième solution émergeait : un Latino-Américain, un Asiatique ou un Africain, dont l'arrivée créerait un puissant appel d'air – et mettrait en lumière l'universalité du catholicisme. Mais quel que soit le vote des cardinaux, un croyant ne peut qu'avoir confiance.
PATRICE DE PLUNKETT, JOURNALISTE ET CATHOLIQUE
CRÉÉ LE 28/02/2013 / MODIFIÉ LE 28/02/2013 À 18H28
Quels doivent être les compétences du futur pape, son charisme, pour quel type de gouvernance et quelles priorités pour l'Eglise catholique et le monde ? Nous avons demandé à des personnalités de nous décrire le pape dont ils rêvent. Le blogueur et journaliste chrétien Patrice de Plunkett nous livre sa vision personnelle d'un évêque de Rome idéal.
Que le prochain pape poursuive - de façon toujours plus radicale - sur la voie indiquée par ses deux prédécesseurs ! Je veux dire : sur la voie de la « conversion pastorale », pour proclamer l'Evangile dans le monde actuel. C'était « l'objectif central de Vatican II », rappelait récemment Benoît XVI. Il disait aussi : « Une communauté qui ne fait pas de disciples, c'est à se demander si elle est encore chrétienne. »
La « conversion pastorale », c'est cesser de se polariser sur des problèmes internes, et mettre l'accent sur l'urgence de faire connaître universellement le noyau vital de la foi – inséparable de la rencontre personnelle du Christ. Je rêve de voir le Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation devenir le coeur stratégique de l'Eglise.
Quant à savoir de quel pape l'Eglise catholique a besoin, je m'en remets à l'Esprit Saint. Je vois les médias s'évertuer à deviner de quel type de « gouvernance » doit se doter l'Eglise, pour quelles « priorités » et quels enjeux... Mais du point de vue du journaliste (qui est aussi le mien), la seule observation légitime est de souhaiter que non seulement le pape, mais tout l'organisme de l'Eglise, se dotent d'un langage et d'instruments de communication ajustés au XXIe siècle. L'Esprit Saint envoie l'Eglise aux peuples ? Encore faut-il qu'elle sache se faire entendre, qu'elle trouve le moyen de présenter le mystère du Salut autrement qu'avec des mots trop vagues ou trop érudits... (dans ce domaine, ce n'est certainement pas Benoît XVI que l'on peut critiquer : il est aisément audible et lisible, en dépit de ce que croient ceux qui ne l'ont jamais lu).
Un autre problème est celui de l'information du Vatican. Depuis quelques années, les « bugs » dans le gouvernement de l'Eglise ont montré que certaines données ne remontaient pas jusqu'au centre de l'organisme romain – ou qu'elles s'y perdaient dans des étouffoirs. Rome devra moderniser la Curie, si l'on veut éviter d'autres cafouillages Williamson.
Un troisième problème est celui des réseaux d'influence. Compte tenu de la surreprésentation de la haute bourgeoisie financière dans les environs de l'Eglise, on admire les accents contestataires de documents romains comme Caritas in veritate, ou comme le texte de Justice et Paix sur l'urgence de bousculer le casino spéculatif mondial. Cela prouve qu'une partie du « centre » romain est connectée aux réalités vécues par les peuples du monde. Mais cette connexion doit devenir force principale, et la radicalité évangélique en matière d'économie doit devenir elle aussi « lumière qui brille devant les hommes » (Matthieu 5) ! Il y va de la crédibilité du message catholique – spiritualité comprise – dans les prochaines décennies... L'incarnation n'est pas un mot en l'air. A ce propos, j'attends du prochain pontificat un acte urgent : la béatification de Mgr Romero. L'Eglise a eu des martyrs ailleurs qu'en Espagne.
Pour le reste, je m'en remets au pape que l'Esprit inspirera aux Eglises, réunies en conclave. En 2005 personne ne s'attendait vraiment à l'élection de Joseph Ratzinger. En 2013, personne ne peut prévoir vers qui le malaise du christianisme des pays riches (malaise n'existant que dans les pays riches !) va conduire les cardinaux. Mes confrères tournent autour de l'alternative : soit un Italien à poigne pour restructurer la Curie, soit un personnage médiatique qui réactiverait le style Wojtyla - mais je ne suis pas sûr que ce style réponde aux besoins d'aujourd'hui. Je serais très heureux si une troisième solution émergeait : un Latino-Américain, un Asiatique ou un Africain, dont l'arrivée créerait un puissant appel d'air – et mettrait en lumière l'universalité du catholicisme. Mais quel que soit le vote des cardinaux, un croyant ne peut qu'avoir confiance.