Cancer de la prostate: surveiller plutôt que traiter
Mots clés : prostate, surveillance active
Par figaro iconAnne Prigent - le 18/03/2016
Pour les cancers à faible risque d'évolution, la surveillance active permet de limiter les effets secondaires potentiellement gênants des interventions.
Le débat autour du surtraitement du cancer de la prostate agite le milieu médical depuis plusieurs années. Une étude de l'Inserm datant de 2013 avait démontré qu'il concernait entre 9% et22 % des patients atteints d'une tumeur précoce. Des taux trop élevés mais appelés à diminuer fortement dans les prochaines années avec la montée en puissance de la surveillance active. En effet, de plus en plus de cancers de la prostate de faibles risques ne sont plus traités sur-le-champ mais suivis de très près.
Au Canada, l'un des pionniers de cette pratique, la surveillance active est devenue la stratégie prioritaire. Selon une étude réalisée par les chercheurs de l'hôpital d'Ottawa, la proportion de patients atteints d'un cancer de faible risque sous surveillance active est ainsi passée de 32% en 2008 à 68% en 2013. En France, comme la surveillance active n'est pas un acte référencé, il est impossible de quantifier son évolution. «Mais on enregistre une baisse des prostatectomies radicales de 30 % ces deux dernières années, ce qui laisse supposer une progression de la surveillance active», affirme le professeur Alain Ruffion, chef du service d'urologie du CHU de Lyon.
40% des cancers diagnostiqués
Avec un léger retard par rapport aux Anglo-Saxons, les urologues français semblent aujourd'hui s'être convertis. Les résultats rassurants des études internationales y sont pour beaucoup. L'une d'entre elles, en particulier l'étude Pivot, a montré que la survie sur douze ans des patients sous surveillance active était identique à celle des patients ayant subi une ablation de la prostate.
Quels sont les patients concernés? «La surveillance active s'adresse aux personnes ayant des tumeurs très faiblement évolutives ou indolentes qui ne mettent pas en jeu leur pronostic vital. Cela signifie qu'on va les traiter lorsque la tumeur évolue, si elle évolue», explique le docteur François Rozet, chirurgien urologue à l'Institut mutualiste Montsouris. Ce qui, selon les experts, représenterait jusqu'à 40 % des 55.000 cancers de la prostate diagnostiqués chaque année.
Il faut en effet savoir que l'utilisation généralisée du test de dépistage du taux de PSA a conduit à des diagnostics précoces de la maladie. Or ce dosage détecte plus facilement les tumeurs qui évoluent le moins vite, générant des surtraitements. C'est une des raisons pour laquelle les autorités de santé ne recommandent pas la généralisation du dépistage. Même si, dans les faits, une grande partie des hommes de plus 50 ans le pratique. «Depuis l'instauration de ce dosage, le nombre de cancers diagnostiqués à un stade métastatique a également chuté », plaide le professeur Christophe Hennequin, chef du service de cancérologie et radiologie à l'hôpital Saint-Louis à Paris. La surveillance active concilierait les différentes exigences: ne pas diagnostiquer trop tard et ne pas traiter trop.
Décision partagée
Très concrètement, un cancer est considéré comme à faible risque d'évolution sur trois critères: le taux de PSA, le résultat de la biopsie et l'examen clinique. La biopsie de prostate va permettre d'établir le score de Gleason, mesure de l'agressivité de la tumeur. «Nous utilisons également l'IRM qui va nous permettre de repérer des cancers plus agressifs», précise le professeur Marc Zerbib, chef du service de l'hôpital Cochin à Paris. Les patients avec score de Gleason de 6 et un taux de PSA inférieur à 10 et une tumeur non détectable au toucher rectal sont des candidats à la surveillance active. «Nous nous posons la question à chaque patient mais la décision doit être partagée», insiste le professeur Zerbib.
«Dès qu'on entend le mot cancer, on panique. Mais à 58 ans, les conséquences des traitements et plus particulièrement l'impuissance m'inquiétaient encore plus, témoigne Bernard. Sous surveillance active depuis trois ans, je vais très bien.» Que ce soit l'ablation de la prostate, la radiothérapie ou la curiethérapie (une radiothérapie interne), tous les traitements standards proposés pour les cancers de faible risque possèdent des effets secondaires sur la fonction érectile et entraînent un risque d'incontinence.
«Tout ce temps de surveillance active, c'est du temps gagné en qualité de vie», estime le docteur François Rozet. Un temps qui peut durer assez longtemps puisque après sept ans de suivi 60 % des patients sont toujours sans traitement. À condition toutefois d'accepter de se plier à un protocole de suivi assez contraignant: PSA et toucher rectal tous les six mois, nouvelle biopsie dans l'année qui suit le diagnostic, puis tous les deux ans par la suite⊠Car aujourd'hui aucun élément ne permet de prédire lors du diagnostic les cancers qui évolueront. «D'ici cinq à deux ans, nous pourrons disposer de biormarqueurs mais pas avant», conclut le Pr Christophe Hennequin.