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États-Unis - Ce que Sandy a de si exceptionnel
Le Point.fr - Publié le 30/10/2012 à 18:32 - Modifié le 31/10/2012 à 09:28
François Gourand, prévisionniste à Météo-France, revient sur les spécificités de l'ouragan qui frappe le nord-est des États-Unis.
Il a déjà fait plusieurs dizaines de morts, fait fermer la Bourse de Wall Street et interrompu la campagne présidentielle américaine... Qu'a donc l'ouragan Sandy de si exceptionnel ? François Gourand, prévisionniste à Météo-France, décortique pour Le Point.fr les particularités du phénomène.
Le Point.fr : Comment se forme un tel ouragan ?
François Gourand : Dans un premier temps, vous avez des perturbations à petite échelle, des amas orageux qui se forment généralement, pour ce qui concerne l'Atlantique, à l'ouest de l'Afrique et qui dérivent ensuite vers les Caraïbes. Sur le chemin, si la mer est suffisamment chaude en surface (de l'ordre de 25 à 26 degrés) et s'il n'y a pas trop de différences entre le vent au sol et celui présent en altitude, un tourbillon va se former et se mettre à tourner de plus en plus vite pour devenir tempête ou ouragan. C'est un phénomène que l'on observe régulièrement...
Qu'est-ce que Sandy a donc de si particulier ?
D'abord, on a rarement vu, depuis que l'on fait des relevés météorologiques fiables, un système avec une pression aussi basse s'approcher aussi haut, en latitude, des États-Unis.
Or, la puissance d'un ouragan résulte justement du différentiel de pression entre le centre du système et l'extérieur. C'est à cause de cela que les vents sont particulièrement violents. De plus, les violentes rafales qui se concentrent d'habitude assez près de l'oeil du cyclone ont été observées sur des centaines de kilomètres, bien au-delà de celui-ci. Enfin, Sandy a également une trajectoire assez inhabituelle. En général, les ouragans qui ont sévi dans cette région s'incurvent vers le nord-est à mesure qu'ils remontent vers le nord, de sorte qu'ils passent plus au large, sans pénétrer profondément dans les terres. Sandy, lui, s'est au contraire rapproché de la côte pour entrer largement dans une zone très peuplée du nord-est des États-Unis.
Comment peut-on expliquer ce phénomène ?
En réalité, c'est parce qu'il y avait déjà une perturbation sur les États-Unis avec de l'air froid qui avait envahi la région des Grands Lacs. Il y a alors eu une interaction entre l'ouragan qui remontait et cet air froid qui descendait des Grands Lacs vers l'est des États-Unis. Cela a créé une sorte d'effet d'aspiration qui a ramené l'ouragan vers la côte.
Y a-t-il d'autres éléments qui peuvent expliquer l'ampleur des dégâts déjà constatés ?
Les rafales ont atteint jusqu'à 150 km/h en arrivant sur la côte et 130 km/h à New York même. C'est important, mais ce n'est pas un record. En revanche, dans le même temps, Sandy s'est déplacé très lentement, ce qui a laissé aux vents violents le temps de faire un véritable travail de sape. Par ailleurs, les cumuls de pluie sont allés jusqu'à 300 millimètres localement dans le New Jersey, ce qui est l'équivalent de deux mois de précipitations tombés en seulement 24 heures. Et il faut ajouter à cela une importante montée du niveau de la mer, avec jusqu'à 3,5 m de surcote localement. La pression très basse au coeur du cyclone a joué le rôle d'une pompe qui a fait monter mécaniquement le niveau de l'océan alors que la marée était déjà forte à ce moment de l'année. Ajoutez ensuite à cela des vents violents qui poussent toute cette eau vers les côtes et vous obtenez des inondations importantes, y compris dans les quartiers bas de New York.
A-t-on répertorié dans cette zone, par le passé, un événement comparable ?
Oui, il y a eu un ouragan majeur sur la région de New York en 1938, classé en catégorie 3, soit plus fort que Sandy qui n'est que de catégorie 1. Il avait été, déjà à l'époque, très destructeur, même si la zone était évidemment moins peuplée qu'aujourd'hui.
Peut-on faire un lien entre ce gigantesque ouragan et le changement climatique ?
Pas vraiment. C'est un phénomène qui s'est produit de tout temps et qui fait partie du climat de la Terre. A priori, les scénarios d'évolution actuels ne prévoient d'ailleurs pas d'augmentation de la fréquence des ouragans. En revanche, il est vrai que ces événements pourraient gagner en intensité localement (vents plus forts, pluies plus soutenues).
Sandy est pourtant très tardif pour un ouragan de cette ampleur ?
C'est vrai, car, en général, les gros ouragans se situent plutôt en août, septembre, voire début octobre. C'est probablement lié au fait que la température de la mer reste plus élevée, plus longtemps, dans le contexte d'un climat plus chaud. Elle part d'une température estivale plus haute et refroidit donc plus lentement. En ce sens, on peut donc effectivement penser que, dans le cadre d'un réchauffement climatique, la période de vie des ouragans puisse être plus longue. Mais il faut rester prudent...