MATINALE CHRÉTIENNE DU 12 JUIN
Chine: pour tous les croyants, la persécution est la règle
Natalia Trouiller - publié le 12/06/2012
Si l'on parle davantage en Occident du sort des catholiques clandestins et surtout des bouddhistes tibétains, les musulmans et les protestants ne sont guère mieux lotis. Tour d'horizon.
L'actuel Panchen-Lama officiel, désigné par Pékin, lors d'un colloque sur le thème "Bouddhisme et business" organisé par le régime en 2009. © Xinhua
CHINE: LA CHINE TENTE DE SOIGNER SON IMAGE
La lecture des dépêches de l'agence officielle chinoise d'information recèle toujours des trésors de réécriture de l'histoire. Ainsi, l'on apprend par une note datée d'hier que "la Chine aidera les milieux religieux à résoudre leurs difficultés pratiques dans les projets de construction" en soutenant "la construction des nouveaux locaux de l'Académie bouddhiste de Chine, ainsi que la rénovation et l'agrandissement de l'Institut islamique de Chine. Elle aidera également à la rénovation et l'agrandissement des installations religieuses au Tibet et dans les régions tibétaines des provinces du Sichuan, du Yunnan, du Gansu et du Qinghai. La Chine aidera à la reconstruction des lieux de culte touchés par le séisme de Yushu, au Qinghai, et renforcera l'assistance aux monastères frappés par les catastrophes naturelle".
> En Chine, rappelle la dépêche, le régime "défend le principe de liberté de croyance défini dans la Constitution [et] garantit selon la loi les activités religieuses normales".Qu'est-ce qu'une activité religieuse normale, pour le gouvernement? C'est une activité strictement encadrée par des structures étatiques. Les deux confessions dont le chef est un ressortissant étranger, à savoir le catholicisme et le bouddhisme tibétain, sont étroitement surveillées. Tout catholique doit adhérer obligatoirement à l'Association patriotique chinoise, contrôlée de très près par Pékin qui nomme elle-même des évêques dont bien peu sont reconnus par Rome. Les bouddhistes, eux, sont tenus de faire partie de l'Association bouddhique patriotique, dans laquelle les autorités chinoises choisissent elles-mêmes les réincarnations de lamas: ainsi, Gyancain Norbu, désigné enfant pour être la dernière incarnation du Panchen Lama par Pékin, est-il éduqué par le régime; et pour plus de sûreté, la réincarnation qui a été désignée par le Dalaï-Lama, opposant historique à Pékin, a été enlevé trois jours après sa désignation en 1995.
> Du côté de l'islam, la crainte d'une influence extérieure d'un chef non autochtone n'est pas écartée. L'Association islamique de Chine, également obligatoire pour tous les croyants, s'est fixé comme buts de "chérir la mère patrie; unifier les musulmans en participant à la construction socialiste de la mère patrie; développer une relation amicale avec les musulmans des autres pays; maintenir la paix dans le monde; collecter et corriger les informations historiques sur l'islam". En échange, le gouvernement organise et encadre lui-même le pèlerinage annuel à La Mecque et concède certaines particularités dans les régions où les musulmans sont majoritaires, par exemple en y interdisant l'élevage de porcs, ou en permettant la consécration des mariages islamiques par un imam. Mais les Ouïghours sont là pour témoigner que l'islam n'est guère privilégié dans l'empire du milieu: cette minorité turcophone voit depuis des années sa culture détruite, de la même manière que la culture tibétaine, par les Hans (ethnie chinoise dominante).
> Et les protestants? Tenus d'adhérer au Mouvement patriotique des Trois Autonomies, sorte de fédération protestante des Eglises autorisées, les protestants chinois se voient interdire de prêcher les "aspects de la foi chrétienne qui ne sont pas conformes à la société socialiste", comme "l'eschatologie, les miracles, le péché originel et le jugement dernier". Le protestantisme non-officiel, souvent de nature pentecôtiste, explose littéralement depuis quelques années, au grand dam des autorités chinoises qui ont bien du mal à contrôler des structures extrêmement souples et très bien adaptées à un temps de persécution: les "églises de maison", qui comptent malgré tout bien des martyrs.