Si vous interrogez les responsables politiques du Proche-Orient, tous jugeront, la main sur le coeur, que la confrontation sunnites-chiites n'existe pas. Que ce sont de vieilles histoires. Ils avanceront des explications politiciennes prosaïques. Les sociologues, chercheurs, économistes évoqueront la soif de démocratie, la cassure sociale, le besoin de modernité. Avec une touchante unanimité, tous assureront que la question confessionnelle est secondaire. Et pourtant !
L'arc de crise qui se dessine de l'Iran à la Syrie, en passant par le Golfe, enflamme les anciennes lignes de fracture entre le monde sunnite et le monde chiite. L'Iran chiite soutient le régime de Bachar el-Assad, dominé par les Alaouites (une secte chiite). Une chute du régime syrien couperait Téhéran du Hezbollah, son protégé chiite libanais qui se retrouverait isolé. L'Irak, pays où l'Iran exerce une influence déterminante, est à peu près sur la même ligne. Le monde sunnite, Qatar en tête, apporte son appui aux insurgés syriens sunnites, dont la force principale est constituée par les Frères musulmans.
La contestation à Bahrein - où les chiites sont majoritaires, mais le pouvoir aux mains des sunnites - a, elle, été réglée sans coup férir par l'armée saoudienne, qui a dépêché en mars 2011 un millier de soldats pour mater les récalcitrants, sans que le monde s'en émeuve particulièrement.
La cassure sanglante de Kerbala
La rivalité chiites-sunnites plonge ses racines dans l'histoire. La déchirure a été consommée le 10 octobre 680. Ce jour funeste, dans la plaine de Kerbala (en Irak actuel), la puissante armée du calife Omeyyade Yazid écrase celle de Hussein, petit-fils du Prophète qui refuse l'allégeance au maître de Damas. Hussein est tué, mais son martyre deviendra le mythe fondateur des chiites qui le célèbrent chaque année lors de l'Achoura. Les chiites continueront, au fil des siècles, à considérer que seuls les descendants du Prophète ont autorité sur l'islam, alors que les sunnites, très majoritaires dans le monde musulman, estiment que la communauté des croyants s'appuyant sur la sunna (la tradition) assure la pérennité du message de Mahomet.
L'Irak restera la terre d'élection du chiisme ainsi que l'Iran voisin. Des communautés chiites apparaîtront au Liban, en Syrie, en Turquie, en Arabie, dans les pays du Golfe. Souvent méprisés, les chiites ont toujours été considérés par l'islam sunnite triomphant comme une anomalie politico-religieuse.
La destruction de l'Irak en tant que puissance régionale a largement contribué à semer le chaos. Le Chott al Arab (la frontière irako-iranienne) était historiquement le limes qui séparait le monde chiite du monde sunnite, le monde perse du monde arabe. L'intervention américaine a bouleversé cet équilibre millénaire ouvrant un boulevard à l'Iran et au chiisme qui sont alors apparus comme une menace pour l'ensemble des pays sunnites.
http://www.lepoint.fr/monde/ou-va-le-monde-pierre-beylau/monde-arabe-la-guerre-sunnites-chiites-a-commence-28-02-2012-1435896_231.php?xtor=EPR-6-[Newsletter-Quotidienne]-20120228
L'arc de crise qui se dessine de l'Iran à la Syrie, en passant par le Golfe, enflamme les anciennes lignes de fracture entre le monde sunnite et le monde chiite. L'Iran chiite soutient le régime de Bachar el-Assad, dominé par les Alaouites (une secte chiite). Une chute du régime syrien couperait Téhéran du Hezbollah, son protégé chiite libanais qui se retrouverait isolé. L'Irak, pays où l'Iran exerce une influence déterminante, est à peu près sur la même ligne. Le monde sunnite, Qatar en tête, apporte son appui aux insurgés syriens sunnites, dont la force principale est constituée par les Frères musulmans.
La contestation à Bahrein - où les chiites sont majoritaires, mais le pouvoir aux mains des sunnites - a, elle, été réglée sans coup férir par l'armée saoudienne, qui a dépêché en mars 2011 un millier de soldats pour mater les récalcitrants, sans que le monde s'en émeuve particulièrement.
La cassure sanglante de Kerbala
La rivalité chiites-sunnites plonge ses racines dans l'histoire. La déchirure a été consommée le 10 octobre 680. Ce jour funeste, dans la plaine de Kerbala (en Irak actuel), la puissante armée du calife Omeyyade Yazid écrase celle de Hussein, petit-fils du Prophète qui refuse l'allégeance au maître de Damas. Hussein est tué, mais son martyre deviendra le mythe fondateur des chiites qui le célèbrent chaque année lors de l'Achoura. Les chiites continueront, au fil des siècles, à considérer que seuls les descendants du Prophète ont autorité sur l'islam, alors que les sunnites, très majoritaires dans le monde musulman, estiment que la communauté des croyants s'appuyant sur la sunna (la tradition) assure la pérennité du message de Mahomet.
L'Irak restera la terre d'élection du chiisme ainsi que l'Iran voisin. Des communautés chiites apparaîtront au Liban, en Syrie, en Turquie, en Arabie, dans les pays du Golfe. Souvent méprisés, les chiites ont toujours été considérés par l'islam sunnite triomphant comme une anomalie politico-religieuse.
La destruction de l'Irak en tant que puissance régionale a largement contribué à semer le chaos. Le Chott al Arab (la frontière irako-iranienne) était historiquement le limes qui séparait le monde chiite du monde sunnite, le monde perse du monde arabe. L'intervention américaine a bouleversé cet équilibre millénaire ouvrant un boulevard à l'Iran et au chiisme qui sont alors apparus comme une menace pour l'ensemble des pays sunnites.
http://www.lepoint.fr/monde/ou-va-le-monde-pierre-beylau/monde-arabe-la-guerre-sunnites-chiites-a-commence-28-02-2012-1435896_231.php?xtor=EPR-6-[Newsletter-Quotidienne]-20120228