Procès Mediator : un numéro 2 qui ne savait « rien de plus » que les autres
Reportage
L’avocat de Jean-Philippe Seta, principal prévenu dans l’affaire du Mediator, a plaidé l’ignorance de son client sur la dangerosité du médicament et son statut de subordonné, alors que l’accusation a requis deux ans de prison ferme. Les plaidoiries doivent reprendre jeudi 2 juillet.
- Pascal Charrier,
- le 01/07/2020 à 19:15
- Modifié le 01/07/2020 à 20:01
Lecture en 3 min.
Jean Philippe Seta le 6 février 2020.LUC NOBOUT/IP3 PRESS/MAXPPPTout au long de sa plaidoirie qui a duré plus de deux heures, Me Christian Saint-Palais a plusieurs fois répété qu’il posait des « jalons » pour ses confrères. Ces derniers prendront la parole à sa suite pour défendre les différentes entités des laboratoires Servier devant le tribunal correctionnel de Paris. En attendant, ce mercredi 1er juillet, l’avocat à l’accent béarnais a plaidé pour un des anciens dirigeants de l’entreprise, le docteur Jean-Philippe Seta, le principal prévenu à titre individuel dans le procès du Mediator.
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Ce médecin est la seule personne physique poursuivie pour les faits les plus graves de ce dossier, la « tromperie aggravée » et « les homicides et blessures involontaires ». Cheveux gris lissés en arrière et masque sur un visage hâlé, il se trouve en première ligne depuis le décès en 2014 de Jacques Servier, dont il était le dauphin. Dans son réquisitoire, le parquet a été particulièrement sévère à son encontre, en demandant une peine de cinq ans de prison, dont trois avec sursis. Il a été « le seul à prendre la foudre », résume son avocat.
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Me Saint-Palais s’est attaché à minimiser le rôle de son client, décrit par l’accusation comme un « codirigeant de fait » du groupe pharmaceutique, à la carrière davantage motivée par les intérêts financiers que par ceux des patients. Le juriste, lui, le dépeint comme un médecin « engagé », simplement animé par la « loyauté » vis-à-vis de son employeur. Entré chez Servier en 1984, le prévenu n’a jamais rien su de l’éventuelle infraction originelle fondant la tromperie, quand la firme aurait sciemment caché la nature du Mediator pour obtenir son autorisation de mise sur le marché en 1974.
Un numéro 2 qui serait toujours resté sous les ordres de Jacques Servier
Jean-Philippe Seta n’aurait par ailleurs jamais occupé dans l’organigramme des fonctions susceptibles de l’exposer à des responsabilités pénales. Il serait toujours resté dans l’ombre de Jacques Servier, « le seul dirigeant », sans jamais recevoir « aucune délégation de pouvoir », même s’il était « proche » de son patron. « Il était numéro 2 ? Pourquoi pas, a lancé l’avocat. Si vous dites qu’il était numéro 2, au-dessous du numéro 1, et qu’il n’avait pas de pouvoir, je l’accepte ».
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Même les conditions de son licenciement en 2013, annoncé par une lettre donnée dans un couloir par « une stagiaire », accrédite pour Me Saint-Palais ce statut de subordonné : « Cela ressemble plus au licenciement d’un valet que d’un co-associé ». Devant la justice, un autre dirigeant de l’entreprise l’a pourtant présenté comme un « chef d’orchestre ». « Il n’était qu’un chef d’orchestre sous la responsabilité de celui qui écrivait les partitions », rétorque celui qui préside l’association des avocats pénalistes.
L’ANSM a reconnu sa propre culpabilité
Jean-Philippe Seta est aussi accusé d’« homicides et de blessures involontaires » à compter de décembre 1996, date à laquelle il a pris la charge de la promotion commerciale des médicaments du groupe, dont le Mediator. Le médecin chapeautait ensuite le secteur « recherche et développement » quand la substance a obtenu un renouvellement de son autorisation de mise sur le marché, en 2002 et 2007. Pour cette période, l’Agence nationale de sécurité du médicament, qui a avoué avoir tardé à suspendre la commercialisation du Mediator, a reconnu sa propre culpabilité devant le même tribunal.
Me Saint-Palais rejette le même type de démarche : son client ne savait « rien de plus » que les autres sur la dangerosité du Mediator, c’est-à-dire rien. Et il n’est pas « possible » de l’imaginer se réunir avec ses collègues, « autour d’une table », pour décider de continuer à commercialiser une molécule aux effets secondaires mortels. « Les gens n’ont pas su. Auraient-ils dû savoir, sans doute », a-t-il juste consenti. « Il n’y a pas eu de faute au niveau du laboratoire Servier, je le crois aussi », a-t-il poursuivi.
Un nouveau « jalon » pour ses confrères, qui ont maintenant trois journées de plaidoiries devant eux pour défendre l’entreprise poursuivie comme personne morale. Ce procès, commencé en septembre 2019, doit s’achever lundi 6 juillet. Le jugement est attendu en 2021.
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