Liberté de religion - Objection de conscience - Service militaire - Service civil de remplacement
Publié le 10 novembre 2017
En 2011, tandis qu’ils étaient âgés de 20 ans pour l’un et de 18 ans pour les trois autres, quatre jeunes Témoins de Jéhovah arméniens ont été condamnés à deux ans et demi d’emprisonnement pour avoir refusé par conviction religieuse d’accomplir un service militaire, ainsi qu’un service de remplacement dans la mesure où celui-ci était supervisé par les autorités militaires. En 2013, ils ont finalement été libérés par amnistie générale, après avoir purgé plus de deux années de leur peine.
Dans son arrêt Adyan et autres c. Armenie du 12 octobre 2017, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné à l’unanimité l’État pour violation de l’article 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion) de la Convention. Selon le communiqué du Greffier publié le même jour, la Cour a conclu que « les autorités arméniennes n’ont pas dûment pris en considération les exigences dictées par la conscience et les convictions des requérants et ne leur ont pas proposé un système de service civil de remplacement qui aurait ménagé un juste équilibre entre les intérêts de la société dans son ensemble, d’une part, et ceux des requérants, d’autre part ».
Les sept juges de la première section ont ainsi observé « qu’il ne suffit pas qu’un État ait mis en place un service de substitution au service militaire, comme ce fut le cas de l’Arménie en 2004, pour qu’il passe pour respecter le droit à l’objection de conscience garanti par l’article 9 de la Convention. En effet, un État est également tenu d’organiser et de mettre en œuvre ce système, que ce soit en droit ou en pratique, de manière à ce qu’il présente un caractère véritablement civil et à ce qu’il ne soit ni dissuasif ni punitif. »
Or, non seulement les militaires participaient à la supervision et l’organisation du service de remplacement, mais encore les recrues de ce service devaient porter un uniforme similaire à celui de l’armée. En outre, le service civil était bien plus long que le service militaire (42 mois au lieu de 24 mois), ce qui pour la Cour produisait « un effet dissuasif porteur d’un élément punitif ».
L’Arménie devra verser 12 000 euros à chacun des requérants pour dommage moral.
Le Parlement arménien ayant entre temps relevé les mêmes défauts que la Cour européenne à l’encontre de ce service de remplacement, i. e. la supervision par l’armée et la durée, la législation a finalement été modifiée en 2013.