L’islam à la française, de John R. Bowen
Matthieu Mégevand - publié le 25/08/2011
John Bowen, anthropologue américain professeur à l’université Washington de Saint Louis, concentre ses recherches sur la façon dont l’islam est vécu à travers le monde. Après l’Indonésie, John Bowen s’est intéressé au cas de la France, et propose aujourd’hui un livre d’enquête, L’islam à la française, qui tente, au travers d’entretiens, de témoignages et d’observations, de mieux comprendre comment les "acteurs publics islamiques" débattent et réfléchissent pour façonner une islamité à la française.
Premier parti pris de l’auteur : il n’y a pas, dans ce livre, de place pour les musulmans qui vivent leur foi de manière strictement privée, de même qu’il n’y en a pas pour les mouvements extrémistes (salafistes ou tabligh), considérés comme trop minoritaires. John Bowen a choisi de donner la parole à des acteurs -savant, éducateurs, personnalités publiques- qui s’efforcent de construire un système d’enseignements et de normes qui puissent conjuguer traditions islamiques et réalité sociale française, autrement dit des musulmans qui cherchent à intégrer la religion musulmane dans le paysage socioculturel du pays.
Premier exemple de cette intégration musulmane sur le territoire français : les mosquées et les salles de prières. En examinant trois lieux organisés différemment (mosquée de Clichy-sous-Bois, centre Tawhid de Saint-Denis et la grande mosquée de Lyon), John Bowen dégage quelques traits qui caractérisent la façon dont les musulmans se sont adaptés au paysage français : diversité ethnique (surtout en provenance du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest), gestion par l’Etat des organisme religieux, ainsi que des demandes de la part de certains fidèles en matière d’éducation, d’assistance financière et de soutien dans l’accomplissement des devoirs religieux. De nombreuses mosquées ont de ce fait développé des activités annexes dans le domaine éducatif ou social, ce qui a par conséquent poussé les leaders religieux à élaborer de nouvelles manières de conseiller les musulmans en France afin de proposer des solutions qui concordent avec les préoccupations du pays.
La question centrale est donc : comment enseigner les normes islamiques aux musulmans qui vivent en France ? A cette question, trois types de réponses peuvent être apportées. D’abord, considérer que la façon la plus simple pour respecter ces normes islamiques est de suivre des règles strictes dictées par la loi religieuse (charia) qui définissent ce qui est licite (halal) et illicite (haram) pour le musulman. C’est la réponse des courants les plus extrémistes comme les salafistes. Problème, de nombreuses questions de la vie contemporaine ne peuvent se résoudre avec des distinctions aussi tranchées. Deuxième réponse, exhorter les musulmans à s’en tenir à suivre l’une des quatre écoles juridiques sunnites établies et reconnues par l’ensemble du monde islamique (en l’occurrence la tradition malékite, majoritaire au Maghreb). Mais le problème de certaines situations contemporaines non prévues demeure. Enfin, troisième réponse, qui repose sur un sentiment partagé par les musulmans en France ou ailleurs, le contexte et l’époque doivent pousser à chercher de nouveaux principes au sein des écritures (Coran ou hadith) et parmi les grands penseurs.
Le CERSI (Centre d’Etudes et de Recherches Sur l’Islam) d’Hichem El Arafa, situé à Saint-Denis, a ainsi choisi cette troisième voie et illustre parfaitement comment une institution islamique a pu, au fil du temps, façonner une approche qui puisse répondre au défi d’un islam à la française. L’école propose ainsi des cours pour toute personne souhaitant approfondir ses connaissances religieuses, qu’elles soient théoriques ou pratiques. Hichem El Arafa souhaite d’abord être une alternative crédible au salafisme ou aux Tablighis : "Il plonge dans les profondeurs historiques des traditions de l’épistémologie islamiques, de façon à mettre en relief les complexité du savoir, et s’appuie par ailleurs sur un ensemble d’objectifs ou de principes généraux du Coran pour élargir ce savoir à de nouveaux domaines" explique ainsi John Bowen.
Si le CERSI propose une transmission du savoir basée à la fois sur la tradition ainsi que sur des penseurs majeurs tout en inscrivant ses réflexions dans la modernité occidentale, il existe également, et c’est un autre exemple d’intégration de la communauté musulmane dans le paysage français, des écoles (privées) à part entière. C’est ainsi le cas pour l’Ecole de la Réussite à Aubervilliers, fondée par Dhaou Meskine, également imam à la mosquée de Clichy. L’Ecole de la Réussite est un exemple parfait d’une école privée confessionnelle musulmane -comme il en existe des catholiques ou juives- qui combine les programmes d’éducation standard imposés par l’Etat ainsi qu’une "atmosphère" islamique. John Bowen s’est intéressé aux matières enseignées susceptibles de poser quelques problèmes aux croyants, comme la biologie (théorie de l’évolution), et a constaté que les élèves comme les enseignants, s’ils mettent une certaine distance éthique entre les sources des croyants (les écritures) et les enseignements obligatoires français, ne transigent ni ne déprécient en aucun cas ces normes et théories modernes. L’Ecole de la Réussite peut en fait être considéré à part entière comme une "école islamique républicaine".
Toutes ces institutions islamiques présentées par John Bowen illustrent les réponses qu’offrent certains acteurs musulmans aux demandes des Français de confession musulmane qui cherchent à combiner leur foi avec les normes et les valeurs de la société dans laquelle ils vivent. Cependant, au-delà de l’éducation, restent à savoir comment peuvent vivre, travailler, se marier etc. les croyants musulmans français. Faut-il se marier de manière officielle, ou seulement selon les rites islamiques ? Faut-il accepter d’enlever son voile pour un employeur qui le demande ? Faut-il des normes islamiques particulières pour l’Europe ? Comment acheter une maison alors que l’islam interdit l’emprunt d’argent avec intérêt ? De nombreux acteurs apportent ainsi différentes réponses en se référant aux normes islamiques (écoles juridiques, innovations de penseurs traditionnels comme Shatibi qui préconisent le recours à l’analyse des finalités (maqasid), c’est-à-dire à l’intention ultime du message plutôt qu’ à la lettre des écritures saintes), et proposent des solutions qui se veulent dépasser les frontières et les contextes d’un pays en particulier pour toujours demeurer dans le champ de pensée islamique. Toutes ces réponses permettent ainsi aux musulmans français d’entrer en contact avec des formes distinctes et opposées de raisonnements islamiques, tout en demeurant dans le cadre des valeurs et des normes du pays dans lequel ils vivent.
Afin d’illustrer la difficulté de ces questions, John Bowen se concentre sur l’exemple du mariage et du divorce, qui présentent de grandes divergences entre la loi française et les normes islamiques. La loi française exige que tout mariage passe par une mairie et condamne les unions uniquement religieuses. L’islam s’intéresse au consentement mutuel des époux (obligatoire) et demeure assez inégalitaire du point de vue homme/femme en ce qui concerne le divorce (simple formule de répudiation pour l’homme, recours aux tribunaux (islamiques) pour la femme). Cependant, malgré ces divergences, de nombreux penseurs musulmans ont soulignés les convergences entre les deux types d’unions afin de pousser les croyants à ne pas consacrer leur union de manière uniquement religieuse. En effet, en se référant à l’intention (maqasid) le mariage islamique a pour principal but de faire du mariage un contrat stable pour les deux époux. Et c’est également l’intention du mariage institutionnel français. Ainsi John Bowen cite l’intellectuel suisse Tariq Ramadan : "Un mariage civil est déjà un mariage musulman, je pense, parce qu’il s’agit d’un contrat, et le mariage musulman n’est pas autre chose". Ce raisonnement illustre bien les tentatives de nombreux penseurs de faire converger règles et valeurs occidentales issues de la modernité et normes islamiques traditionnelles.
Evidemment, de telles tentatives de concordance semblent parfois un peu artificielles, mais permettent de déjouer des contradictions qui demeureraient sinon insolubles. Et si les institutions comme les politiques français semblent parfois très suspicieux ou négatifs à l’égard de toutes ces tentatives de convergence, que ce soit pour des écoles privées musulmanes ou simplement des mariages religieux (avec l’idée que les valeurs islamiques sont incompatibles avec celles de la République), John Bowen rappelle que cette suspicion est à géométrie variable. En effet, il ne viendrait à l’idée d’aucun acteur politique de soupçonner un catholique -qui pourtant peut être contre l’avortement, l’homosexualité etc.- de ne pas respecter les valeurs françaises. Il doit donc en être de même pour les musulmans. Finalement, le défi pour tous est sans doute celui du pragmatisme ainsi que du pluralisme des valeurs, dans le cadre toujours respecté des lois et des devoirs communs qui fondent le vivre ensemble d’une société.
Le livre de John Bowen présente ainsi le paysage de l’islam français d’une manière à la fois originale et éclairante. Sans chercher les sempiternels extrémistes ou penseurs "grand public" désincarnés, l’auteur nous emmène au cœur de l’espace culturel et religieux de musulmans qui consacrent leur existence à la conciliation de leur foi et des normes traditionnelles avec les règles et exigences françaises. Toute une partie de la population -des citoyens français pour la grande majorité- est ainsi présentée, dans ses préoccupations quotidiennes et ses tentatives d’adaptations, sans préjugé ni parti pris, avec la seule exigence de décrire au plus près, anthropologiquement, cette intégration d’une communauté de croyants dans un Etat profondément laïc. Si l’on peut regretter que les conviction personnelles -sans doute beaucoup plus polémiques sur certains points, par exemple l’homosexualité- ne soient jamais abordées, on sait que tel n’est pas l’objet de cet ouvrage, qui se concentre sur l’espace public où cohabitent bon nombre de convictions et de divergences, mais dont le but de toute société est justement de réussir à les intégrer et les respecter dans le cadre strict de la loi et des normes du pays. Le principal intérêt du livre de John Bowen est sans doute de montrer que, malgré ce qu’en pense certains courants idéologiques au sein de l’Europe, les musulmans font désormais partie intégrante de cette société.
John Bowen, L’islam à la française, Steinkis Editions, 22 €, 382 p.
Matthieu Mégevand - publié le 25/08/2011
John Bowen, anthropologue américain professeur à l’université Washington de Saint Louis, concentre ses recherches sur la façon dont l’islam est vécu à travers le monde. Après l’Indonésie, John Bowen s’est intéressé au cas de la France, et propose aujourd’hui un livre d’enquête, L’islam à la française, qui tente, au travers d’entretiens, de témoignages et d’observations, de mieux comprendre comment les "acteurs publics islamiques" débattent et réfléchissent pour façonner une islamité à la française.
Premier parti pris de l’auteur : il n’y a pas, dans ce livre, de place pour les musulmans qui vivent leur foi de manière strictement privée, de même qu’il n’y en a pas pour les mouvements extrémistes (salafistes ou tabligh), considérés comme trop minoritaires. John Bowen a choisi de donner la parole à des acteurs -savant, éducateurs, personnalités publiques- qui s’efforcent de construire un système d’enseignements et de normes qui puissent conjuguer traditions islamiques et réalité sociale française, autrement dit des musulmans qui cherchent à intégrer la religion musulmane dans le paysage socioculturel du pays.
Premier exemple de cette intégration musulmane sur le territoire français : les mosquées et les salles de prières. En examinant trois lieux organisés différemment (mosquée de Clichy-sous-Bois, centre Tawhid de Saint-Denis et la grande mosquée de Lyon), John Bowen dégage quelques traits qui caractérisent la façon dont les musulmans se sont adaptés au paysage français : diversité ethnique (surtout en provenance du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest), gestion par l’Etat des organisme religieux, ainsi que des demandes de la part de certains fidèles en matière d’éducation, d’assistance financière et de soutien dans l’accomplissement des devoirs religieux. De nombreuses mosquées ont de ce fait développé des activités annexes dans le domaine éducatif ou social, ce qui a par conséquent poussé les leaders religieux à élaborer de nouvelles manières de conseiller les musulmans en France afin de proposer des solutions qui concordent avec les préoccupations du pays.
La question centrale est donc : comment enseigner les normes islamiques aux musulmans qui vivent en France ? A cette question, trois types de réponses peuvent être apportées. D’abord, considérer que la façon la plus simple pour respecter ces normes islamiques est de suivre des règles strictes dictées par la loi religieuse (charia) qui définissent ce qui est licite (halal) et illicite (haram) pour le musulman. C’est la réponse des courants les plus extrémistes comme les salafistes. Problème, de nombreuses questions de la vie contemporaine ne peuvent se résoudre avec des distinctions aussi tranchées. Deuxième réponse, exhorter les musulmans à s’en tenir à suivre l’une des quatre écoles juridiques sunnites établies et reconnues par l’ensemble du monde islamique (en l’occurrence la tradition malékite, majoritaire au Maghreb). Mais le problème de certaines situations contemporaines non prévues demeure. Enfin, troisième réponse, qui repose sur un sentiment partagé par les musulmans en France ou ailleurs, le contexte et l’époque doivent pousser à chercher de nouveaux principes au sein des écritures (Coran ou hadith) et parmi les grands penseurs.
Le CERSI (Centre d’Etudes et de Recherches Sur l’Islam) d’Hichem El Arafa, situé à Saint-Denis, a ainsi choisi cette troisième voie et illustre parfaitement comment une institution islamique a pu, au fil du temps, façonner une approche qui puisse répondre au défi d’un islam à la française. L’école propose ainsi des cours pour toute personne souhaitant approfondir ses connaissances religieuses, qu’elles soient théoriques ou pratiques. Hichem El Arafa souhaite d’abord être une alternative crédible au salafisme ou aux Tablighis : "Il plonge dans les profondeurs historiques des traditions de l’épistémologie islamiques, de façon à mettre en relief les complexité du savoir, et s’appuie par ailleurs sur un ensemble d’objectifs ou de principes généraux du Coran pour élargir ce savoir à de nouveaux domaines" explique ainsi John Bowen.
Si le CERSI propose une transmission du savoir basée à la fois sur la tradition ainsi que sur des penseurs majeurs tout en inscrivant ses réflexions dans la modernité occidentale, il existe également, et c’est un autre exemple d’intégration de la communauté musulmane dans le paysage français, des écoles (privées) à part entière. C’est ainsi le cas pour l’Ecole de la Réussite à Aubervilliers, fondée par Dhaou Meskine, également imam à la mosquée de Clichy. L’Ecole de la Réussite est un exemple parfait d’une école privée confessionnelle musulmane -comme il en existe des catholiques ou juives- qui combine les programmes d’éducation standard imposés par l’Etat ainsi qu’une "atmosphère" islamique. John Bowen s’est intéressé aux matières enseignées susceptibles de poser quelques problèmes aux croyants, comme la biologie (théorie de l’évolution), et a constaté que les élèves comme les enseignants, s’ils mettent une certaine distance éthique entre les sources des croyants (les écritures) et les enseignements obligatoires français, ne transigent ni ne déprécient en aucun cas ces normes et théories modernes. L’Ecole de la Réussite peut en fait être considéré à part entière comme une "école islamique républicaine".
Toutes ces institutions islamiques présentées par John Bowen illustrent les réponses qu’offrent certains acteurs musulmans aux demandes des Français de confession musulmane qui cherchent à combiner leur foi avec les normes et les valeurs de la société dans laquelle ils vivent. Cependant, au-delà de l’éducation, restent à savoir comment peuvent vivre, travailler, se marier etc. les croyants musulmans français. Faut-il se marier de manière officielle, ou seulement selon les rites islamiques ? Faut-il accepter d’enlever son voile pour un employeur qui le demande ? Faut-il des normes islamiques particulières pour l’Europe ? Comment acheter une maison alors que l’islam interdit l’emprunt d’argent avec intérêt ? De nombreux acteurs apportent ainsi différentes réponses en se référant aux normes islamiques (écoles juridiques, innovations de penseurs traditionnels comme Shatibi qui préconisent le recours à l’analyse des finalités (maqasid), c’est-à-dire à l’intention ultime du message plutôt qu’ à la lettre des écritures saintes), et proposent des solutions qui se veulent dépasser les frontières et les contextes d’un pays en particulier pour toujours demeurer dans le champ de pensée islamique. Toutes ces réponses permettent ainsi aux musulmans français d’entrer en contact avec des formes distinctes et opposées de raisonnements islamiques, tout en demeurant dans le cadre des valeurs et des normes du pays dans lequel ils vivent.
Afin d’illustrer la difficulté de ces questions, John Bowen se concentre sur l’exemple du mariage et du divorce, qui présentent de grandes divergences entre la loi française et les normes islamiques. La loi française exige que tout mariage passe par une mairie et condamne les unions uniquement religieuses. L’islam s’intéresse au consentement mutuel des époux (obligatoire) et demeure assez inégalitaire du point de vue homme/femme en ce qui concerne le divorce (simple formule de répudiation pour l’homme, recours aux tribunaux (islamiques) pour la femme). Cependant, malgré ces divergences, de nombreux penseurs musulmans ont soulignés les convergences entre les deux types d’unions afin de pousser les croyants à ne pas consacrer leur union de manière uniquement religieuse. En effet, en se référant à l’intention (maqasid) le mariage islamique a pour principal but de faire du mariage un contrat stable pour les deux époux. Et c’est également l’intention du mariage institutionnel français. Ainsi John Bowen cite l’intellectuel suisse Tariq Ramadan : "Un mariage civil est déjà un mariage musulman, je pense, parce qu’il s’agit d’un contrat, et le mariage musulman n’est pas autre chose". Ce raisonnement illustre bien les tentatives de nombreux penseurs de faire converger règles et valeurs occidentales issues de la modernité et normes islamiques traditionnelles.
Evidemment, de telles tentatives de concordance semblent parfois un peu artificielles, mais permettent de déjouer des contradictions qui demeureraient sinon insolubles. Et si les institutions comme les politiques français semblent parfois très suspicieux ou négatifs à l’égard de toutes ces tentatives de convergence, que ce soit pour des écoles privées musulmanes ou simplement des mariages religieux (avec l’idée que les valeurs islamiques sont incompatibles avec celles de la République), John Bowen rappelle que cette suspicion est à géométrie variable. En effet, il ne viendrait à l’idée d’aucun acteur politique de soupçonner un catholique -qui pourtant peut être contre l’avortement, l’homosexualité etc.- de ne pas respecter les valeurs françaises. Il doit donc en être de même pour les musulmans. Finalement, le défi pour tous est sans doute celui du pragmatisme ainsi que du pluralisme des valeurs, dans le cadre toujours respecté des lois et des devoirs communs qui fondent le vivre ensemble d’une société.
Le livre de John Bowen présente ainsi le paysage de l’islam français d’une manière à la fois originale et éclairante. Sans chercher les sempiternels extrémistes ou penseurs "grand public" désincarnés, l’auteur nous emmène au cœur de l’espace culturel et religieux de musulmans qui consacrent leur existence à la conciliation de leur foi et des normes traditionnelles avec les règles et exigences françaises. Toute une partie de la population -des citoyens français pour la grande majorité- est ainsi présentée, dans ses préoccupations quotidiennes et ses tentatives d’adaptations, sans préjugé ni parti pris, avec la seule exigence de décrire au plus près, anthropologiquement, cette intégration d’une communauté de croyants dans un Etat profondément laïc. Si l’on peut regretter que les conviction personnelles -sans doute beaucoup plus polémiques sur certains points, par exemple l’homosexualité- ne soient jamais abordées, on sait que tel n’est pas l’objet de cet ouvrage, qui se concentre sur l’espace public où cohabitent bon nombre de convictions et de divergences, mais dont le but de toute société est justement de réussir à les intégrer et les respecter dans le cadre strict de la loi et des normes du pays. Le principal intérêt du livre de John Bowen est sans doute de montrer que, malgré ce qu’en pense certains courants idéologiques au sein de l’Europe, les musulmans font désormais partie intégrante de cette société.
John Bowen, L’islam à la française, Steinkis Editions, 22 €, 382 p.