[size=78]« Ils ont réussi le tour de force de diviser le village » : à Solignac, les moines de la discorde[/size]
Publié le 27 décembre 2021 à 00h53 - Mis à jour le 27 décembre 2021 à 12h47
La foi s’effiloche, les vocations se raréfient, les monastères ferment, c’est entendu. Pas à Solignac (Haute-Vienne), où dix hommes en robe de bure ont officiellement pris possession, en novembre, de l’abbaye de cette commune de 1 500 âmes, située à 10 kilomètres de Limoges. Le site n’avait plus hébergé de moines depuis 1789. En chassant ses occupants, la Révolution française avait mis fin à onze siècles de présence bénédictine. La réinstallation d’une communauté contemplative au même endroit n’est donc pas un mince événement. Mais un événement qui passe mal auprès d’une partie de la population.
Un comité d’accueil un peu spécial attendait les nouveaux propriétaires, le 28 novembre, pour la messe d’installation des moines, dans l’église collée à l’abbaye. A l’extérieur, une quarantaine d’opposants ont cogné des casseroles et brandi des slogans hostiles : « Non aux clôtures », « Touche pas à mon église communale »… Signée par 850 personnes, une pétition « antimoines » circule dans le canton. Alors que la salle des fêtes avait été réservée par les ecclésiastiques pour partager un « verre de l’amitié » après l’office, ceux-ci ont préféré se replier dans l’abbaye en chantant l’Ave Maria. Solignac, cet après-midi-là, avait des airs de Brescello, la cité de Peppone et Don Camillo.
Fondée au VIIe siècle par saint Eloi, le trésorier de Dagobert, l’abbaye de Solignac en a vu d’autres, diront les historiens. Son passé est jalonné de destructions, de pillages, d’incendies. Mais aussi de tentatives, plus ou moins heureuses, de réemploi. Devenue une prison après la Révolution, avant d’être transformée en pensionnat de jeunes filles puis en usine de porcelaine, la bâtisse aux 250 fenêtres est achetée en 1946 par des missionnaires, les oblats de Marie Immaculée. A leur départ, en 2000, une communauté issue du Renouveau charismatique, le Verbe de vie, loue le prieuré. Il sera livré au chiendent, dix ans plus tard. Craignant de le voir tomber dans le privé et se transformer en hôtel de luxe, le diocèse finit par s’en porter acquéreur en 2011.
Un « cadeau empoisonné », n’est pas loin de penser aujourd’hui l’évêque de Limoges, Pierre-Antoine Bozo : « Cette abbaye est un peu comme un château de famille qu’on se repasse entre générations. Tout le monde s’extasie devant, mais son entretien est difficile à assumer pour un diocèse désargenté. » Charges fixes et travaux divers reviennent à 30 000 euros par an. « Le diocèse n’a pas vocation à garder éternellement un bâtiment qu’il n’utilise pas », indique Damien Deleersnijder, un « chargé de mission » laïc, recruté pour trouver un acheteur.
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Par Frédéric Potet (Solignac (Haute-Vienne), envoyé spécial)
Publié le 27 décembre 2021 à 00h53 - Mis à jour le 27 décembre 2021 à 12h47
RÉCITL’abbaye de cette commune de 1 500 âmes, située à 10 kilomètres de Limoges, n’avait plus hébergé de religieux depuis 1789. Mais la réinstallation d’une communauté de dix frères d’obédience traditionaliste passe mal auprès d’une partie de la population.
La foi s’effiloche, les vocations se raréfient, les monastères ferment, c’est entendu. Pas à Solignac (Haute-Vienne), où dix hommes en robe de bure ont officiellement pris possession, en novembre, de l’abbaye de cette commune de 1 500 âmes, située à 10 kilomètres de Limoges. Le site n’avait plus hébergé de moines depuis 1789. En chassant ses occupants, la Révolution française avait mis fin à onze siècles de présence bénédictine. La réinstallation d’une communauté contemplative au même endroit n’est donc pas un mince événement. Mais un événement qui passe mal auprès d’une partie de la population.
Un comité d’accueil un peu spécial attendait les nouveaux propriétaires, le 28 novembre, pour la messe d’installation des moines, dans l’église collée à l’abbaye. A l’extérieur, une quarantaine d’opposants ont cogné des casseroles et brandi des slogans hostiles : « Non aux clôtures », « Touche pas à mon église communale »… Signée par 850 personnes, une pétition « antimoines » circule dans le canton. Alors que la salle des fêtes avait été réservée par les ecclésiastiques pour partager un « verre de l’amitié » après l’office, ceux-ci ont préféré se replier dans l’abbaye en chantant l’Ave Maria. Solignac, cet après-midi-là, avait des airs de Brescello, la cité de Peppone et Don Camillo.
Fondée au VIIe siècle par saint Eloi, le trésorier de Dagobert, l’abbaye de Solignac en a vu d’autres, diront les historiens. Son passé est jalonné de destructions, de pillages, d’incendies. Mais aussi de tentatives, plus ou moins heureuses, de réemploi. Devenue une prison après la Révolution, avant d’être transformée en pensionnat de jeunes filles puis en usine de porcelaine, la bâtisse aux 250 fenêtres est achetée en 1946 par des missionnaires, les oblats de Marie Immaculée. A leur départ, en 2000, une communauté issue du Renouveau charismatique, le Verbe de vie, loue le prieuré. Il sera livré au chiendent, dix ans plus tard. Craignant de le voir tomber dans le privé et se transformer en hôtel de luxe, le diocèse finit par s’en porter acquéreur en 2011.
Un « cadeau empoisonné », n’est pas loin de penser aujourd’hui l’évêque de Limoges, Pierre-Antoine Bozo : « Cette abbaye est un peu comme un château de famille qu’on se repasse entre générations. Tout le monde s’extasie devant, mais son entretien est difficile à assumer pour un diocèse désargenté. » Charges fixes et travaux divers reviennent à 30 000 euros par an. « Le diocèse n’a pas vocation à garder éternellement un bâtiment qu’il n’utilise pas », indique Damien Deleersnijder, un « chargé de mission » laïc, recruté pour trouver un acheteur.
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