[size=49]Véronique Margron : « Sauver une vie l’emporte sur tout secret »[/size]
TRIBUNE
Véronique Margron
théologienne et présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France
La théologienne et présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France s’élève, dans une tribune au « Monde », contre l’usage du secret après la publication du rapport de la commission sur les abus sexuels dans l’Eglise.
Publié le 20 octobre 2021 à 07h00 - Mis à jour le 21 octobre 2021 à 16h52
Tribune. Le rapport Sauvé, celui de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase), rendu public le 5 octobre, donne à voir – de nos yeux brouillés de chagrin et d’effroi – le scandale de l’usage du secret.
Un secret funeste, coupable, complice, qui a entouré tant et tant de crimes commis. Les rendant plus cruels encore. Il a enchaîné la victime, permettant à l’auteur de réitérer ses actes ignominieux, ici et ailleurs, avec le même enfant ou adulte rendu vulnérable, ou – et – avec d’autres. Faut-il rappeler ce que disait dans un tout autre contexte, le père Féret, dominicain, après sa condamnation en 1954 par le Saint-Office, pour avoir été, avec trois autres théologiens, les pères Chenu, Congar et Boisselot, en faveur des prêtres ouvriers : « Le secret englobe toutes les conduites, le secret est la pierre d’angle du “système”. »
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« Pierre d’angle du système ». Tout est là. Déjà, et depuis longtemps. Cette loi du silence ne souffrant aucune exception aura couvert des procès iniques, refusant aux accusés, tels ces théologiens, de connaître les raisons de leur mise en cause. Cette même loi, devenue un ethos, aura couvert nombre des agressions et des atteintes sexuelles commis par des clercs et des religieux. Un secret, un silence de plomb qui aura été un poison au service de la mort, servant les œuvres les plus viles, enkystant dans la honte les victimes.
Silences hostiles
Secret encore que celui qui a voulu couvrir l’enfant de sa perverse affection. « C’est parce que je t’aime et c’est notre secret. » Une des particularités des violences sexuelles commises dans l’Eglise, comme dans les familles, est justement qu’elles sont rarement « violentes » au sens habituel où nous l’entendons. Car elles se mêlent de proximité, de confidences, bref de liens. Comme l’écrit dans son livre bouleversant, Prière de ne pas abuser (Seuil, 96 pages, 12 euros), le théologien Patrick C. Goujon, « Quel enfant peut refuser les câlins ? » Le secret vient alors sceller ce que l’enfant croit être une élection, une préférence.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/10/20/veronique-margron-sauver-une-vie-l-emporte-sur-tout-secret_6099162_3232.html