MARIAGES FORCÉSLa nouvelle loi doit encore déployer ses effetsMis à jour à 08:49
La loi sur les mariages forcés, en vigueur depuis une année, doit encore déployer ses effets (Photo: DR)
La nouvelle loi contre les mariages forcées doit encore déployer ses effets.
Jusqu'à présent, elle n'a toutefois principalement que des effets symboliques. Dans la pratique, les victimes renoncent souvent à demander l'aide des autorités.
«Il était important que la Suisse reconnaisse le problème du mariage forcé comme une violation des droits de l'homme», a déclaré Anu Sivaganesan, juriste et directrice de zwangsheirat.ch, un programme s'engageant pour la prévention des mariages forcés en Suisse.
Alors qu'il faut habituellement des années à la Confédération pour promulguer une nouvelle loi, elle a agi rapidement en la matière, note-t-elle. Grâce à cette base juridique, la protection des victimes devrait s'améliorer. Les nouvelles mesures étant entrées en vigueur en juillet 2013, il est toutefois trop tôt pour en tirer un bilan approfondi, souligne Anu Sivaganesan.
Il n'existe en outre pas de données fiables sur les mariages forcés. Une étude menée par la Confédération estime leur nombre à 480 pour les années 2008 et 2009. En raison des nombreux cas non déclarés, il est toutefois difficile de quantifier précisément le phénomène, admettent les auteurs.
Déjà certains effetsDans certains cas, la nouvelle loi semble déjà déployer ses effets. Une Turque de 32 ans, qui avait été contrainte il y a trois ans de se marier avec une personne de sa famille dans son village natal, a pu obtenir l'annulation de cette union forcée.
Les spécialistes considèrent également que des progrès ont été accomplis en séparant le statut à l'état civil du droit de séjour. Une personne fuyant une menace imminente de mariage forcé peut ainsi rester en Suisse.
Anu Sivaganesan déplore toutefois qu'une exigence de déclaration s'applique aux mariages forcés dans la nouvelle loi. Les autorités compétentes sont ainsi tenues de dénoncer les infractions quand des mariages ne sont de «manière évidente» pas librement consentis, même si cela peut mettre en danger les personnes concernées.
Les couples concernés risquent ainsi de voir leurs parents se retrouver devant les tribunaux, critique Anu Sivaganesan. «Cela ne va pas dans le sens des victimes, qui recherchent une solution à long terme, acceptable pour leurs familles». De leur point de vue, la voie juridique n'est souvent pas d'une grande aide.
Problématique complexeLe phénomène est une problématique sociale complexe, poursuit Anu Sivaganesan. Outre les jeunes femmes, de jeunes hommes comptent également parmi les victimes. Celles-ci sont souvent originaires de Turquie, du Sri Lanka, ou des Balkans. La moitié d'entre elles sont toutefois nées ou ont grandi en Suisse.
Les moyens de pression au sein de la famille sont également complexes, car il s'agit la plupart du temps de violences psychologiques, note la directrice dezwangsheirat.ch. Cette dernière évoque notamment le «chantage émotionnel», comme lorsqu'une mère menace sa fille de se tuer, ou de mettre fin à leur relation.
Dès lors, les solutions sont précédées d'un long processus, jalonné de nombreuses incertitudes. Selon Anu Sivaganesan, il est nécessaire d'adopter une approche discrète. Ses équipes conseillent le plus souvent les victimes par téléphone, ce qui permet aux personnes concernées de plus ouvertement décrire leur situation.
De nombreuses demandesActuellement, le service de conseils zwangsheirat.ch est particulièrement demandé. Chaque été, des jeunes filles sont en effet forcées d'aller se marier dans le pays d'origine de leurs parents.
«Peu avant les vacances, nous recevons de nombreuses demandes», confirme Anu Sivaganesan. Durant les mois d'été, son service, actif dans toute la Suisse, peut être sollicité jusqu'à neuf fois par semaine.
En Suisse, personne n'apprend jamais réellement ce qui est arrivé à ces jeunes filles, qui ne reviennent simplement plus de vacances. Du point de vue de zwangsheirat.ch, il est donc impératif de sensibiliser la société à cette question, les écoles et les employeurs pouvant jouer un rôle particulièrement important.
Pour la Confédération, il est évident qu'une simple loi ne suffira pas à résoudre le problème. Voilà pourquoi le Conseil fédéral a adopté un programme global de lutte contre le mariage forcé en septembre 2012, comprenant 18 projets, différemment orientés.
En plus de mettre en place des réseaux régionaux, le gouvernement veut encourager les personnes concernées à se tourner vers les organismes compétents. Les cantons sont responsables de nombre de ces projets et se chargent d'informer la population de la problématique des mariages forcés.
(ats
)