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Les deux papes

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1Les deux papes  Empty Les deux papes Sam 18 Jan - 14:01

Josué

Josué
Administrateur

[size=44]« Les deux papes » sur Netflix : ce que ce film aurait pu être[/size]
Les deux papes  Web3-anthony-hopkins-two-popes
Peter Mountain/Photoshot/East News

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Robert Barron | 17 janvier 2020

Actuellement diffusé sur Netflix, le film « Les deux papes », réalisé par Fernando Meirelles, ne cesse de faire parler de lui. Pour Mgr Robert Barron, évêque auxiliaire de Los Angeles, le film aurait dû s’appeler « Un pape ».


Les deux papes, la nouvelle production Netflix qui fait grand bruit, devrait en réalité s’intituler Un pape tant elle présente un portrait à la fois riche, nuancé et sympathique de Jorge Mario Bergoglio (le pape François) et une vulgaire caricature de Joseph Ratzinger (Benoît XVI). Ce déséquilibre fragilise le film dont l’intérêt semble être de montrer un Benoît XVI âgé, grincheux et légaliste, trouvant ses repères spirituels à travers le ministère progressiste du sympathique François. Or cette présentation binaire nuit grandement aux deux personnages, et transforme ce qui aurait pu être une intéressante étude de personnalités en une apologie prévisible et pesante de la version du catholicisme favorisée par le réalisateur.


Les deux papes  Web3-the-two-popes-netflixNetflix

Très vite, il apparaît clairement que le traitement réservé au personnage de Ratzinger est caricatural. Dès les premières minutes du film, le cardinal bavarois semble orchestrer un savant complot pour assurer son élection en tant que pape en 2005 alors que dans les faits, le vrai cardinal Ratzinger supplia Jean Paul II à trois reprises de lui permettre de se retirer de sa position à la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et de mener une vie simple consacrée à l’étude et à la prière. Il resta uniquement parce que Jean Paul II refusa de le laisser partir. Et en 2005, au moment de la mort de Jean Paul II, même les opposants idéologiques de Ratzinger savaient que le cardinal alors âgé de 78 ans n’aspirait qu’à une chose, rentrer en Bavière et écrire sa Christologie. L’ambitieux complot correspond donc à une représentation caricaturale de l’homme d’Église soi-disant conservateur, mais il n’a rien à voir avec les actions du vrai Joseph Ratzinger.

À un autre moment, dans la scène montrant la rencontre fictive entre le pape Benoît et le cardinal Bergoglio dans les jardins de Castel Gandolfo, le pape âgé fustige violemment son collègue argentin, critiquant vertement sa théologie. Là encore, même les détracteurs de Joseph Ratzinger s’accordent à dire que « le Rottweiler de Dieu » était en réalité d’une grande gentillesse et d’une douceur sans égale envers les autres, quel que soit le sujet. Cet idéologue en rogne est lui aussi une caricature facile qui ne ressemble en rien au vrai Ratzinger.


Benoît XVI, une des théologies les plus lumineuses qu’ait connu la tradition


Mais l’erreur d’appréciation la plus importante survient vers la fin du film, quand un Benoît XVI à bout de souffle, résolu à abdiquer la papauté, admet avoir cessé d’entendre la voix de Dieu avant de parvenir à la réentendre uniquement grâce à sa nouvelle amitié avec le cardinal Bergoglio. En disant cela, je ne souhaite en aucun cas manquer de respect au vrai pape François, mais que l’un des catholiques les plus intelligents et les plus aguerris spirituellement de ces 100 dernières années ait eu besoin de l’intervention de cardinal Bergoglio pour réentendre la voix de Dieu est parfaitement absurde. Du début à la fin de sa carrière, Joseph Ratzinger/Benoît XVI a produit l’une des théologies les plus lumineuses qu’ait connu la tradition. Qu’en 2012, il se soit senti fatigué et malade au point d’avoir l’impression de ne plus pouvoir gouverner le gros paquebot qu’est l’Église catholique, cela ne fait aucun doute. Mais qu’il ait été perdu spirituellement, c’est insensé. Là encore, c’est probablement un fantasme de certaines personnes de gauche de penser que les « conservateurs » cachent leur effondrement spirituel derrière une façade autoritariste, mais il serait tout bonnement impensable d’appliquer une telle herméneutique à Joseph Ratzinger.
Les meilleures parties du film sont, de loin, les flashbacks dans la vie de Bergoglio, qui permettent d’apporter un brillant éclairage sur le développement à la fois psychologique et spirituel du futur pape. La scène représentant sa bouleversante rencontre avec un confesseur en train de mourir d’un cancer est particulièrement touchante, et le traitement sans compromis de son action envers deux prêtres jésuites placés sous son autorité pendant la « guerre sale » en Argentine donne vraiment à comprendre son attachement profond aux plus pauvres et à un mode de vie simple.

À mon humble avis, accorder le même traitement à Joseph Ratzinger aurait grandement amélioré le film. Si seulement nous avions eu droit à un flashback du garçon de seize ans issu d’une famille profondément antinazie, forcé de passer son service militaire dans les dernières heures du Troisième Reich, nous aurions pu mieux comprendre la grande méfiance de Ratzinger envers les utopies sécularistes et totalitaires ainsi qu’envers toute forme de culte de la personnalité. Si seulement nous avions eu droit à un flashback du jeune prêtre, peritus du cardinal Frings, jeune leader de la faction libérale pendant Vatican II avide de sortir du conservatisme préconciliaire, nous aurions compris que nous n’avons pas affaire à un défenseur simpliste du statu quo. Si seulement nous avions eu droit à un flashback du professeur de l’université de Tübingen, scandalisé par l’extrémisme de l’après Concile où l’on jetait le bébé théologique avec l’eau du bain, nous aurions pu comprendre sa réticence à changer les choses pour le seul principe de les changer. Si seulement nous avions eu droit à un flashback du préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, à l’origine d’un document nuancé, à la fois critique sensée et vif éloge de la théologie de la libération, nous aurions réalisé à quel point le pape Benoît était loin d’être indifférent au cri des pauvres.
Bien sûr, je me rends bien compte qu’un tel traitement aurait donné lieu à un film beaucoup plus long. Et alors ? J’aurais été heureux de visionner un film de quatre heures pour peu qu’il eut été aussi honnête et éclairant vis-à-vis de Joseph Ratzinger qu’il ne l’est vis-à-vis de Jorge Mario Bergoglio. Non seulement cela aurait donné lieu à une étude psychologique passionnante, mais cela aurait également permis de montrer deux visions ecclésiales à la fois différentes et complémentaires. Au lieu de cela, nous avons eu droit à une caricature grossière.

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