[size=38]Le saturnisme, une maladie de la pauvreté en recul en France[/size]
Explication
Le nombre de cas de saturnisme aurait considérablement diminué en France chez les enfants ces dix dernières années, avec une augmentation du nombre de dépistage.[size=12]JEAN FRANCOIS FREY/L'ALSACE/MAXPPP[/size]
C’est une maladie de la pauvreté qui, aujourd’hui, suscite des interrogations dans un des quartiers les plus favorisés de la Paris. « Nous sommes très vigilants face à cette pollution au plomb autour de Notre-Dame. Mais c’est vrai que, depuis 25 ans, le quotidien de notre association est surtout concentré dans les zones de Paris où on trouve encore pas mal de logements vétustes ou insalubres. C’est surtout dans ces logements que l’on trouve encore des enfants qui s’intoxiquent au plomb », indique Mathé Touillier, présidente de l’Association des familles victimes du saturnisme (AFVS).
Depuis début juillet, cette maladie, qui se caractérise par une intoxication au plomb, est revenue sur le devant de l’actualité. À l’occasion de l’incendie qui a touché Notre Dame le 15 avril, plusieurs centaines de tonnes de plomb, contenues dans la charpente de la flèche et la toiture, ont fondu, ce qui a entraîné la dispersion de particules de ce métal toxique pour la santé. Aujourd’hui, il reste toutefois difficile de mesurer avec précision les risques sanitaires dans ce quartier du centre de Paris où se trouve notamment la très huppée Ile-Saint-Louis.
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Le plomb, un contaminant toxique même à faible dose
Le saturnisme est mesuré par une plombémie, examen visant à déterminer le taux de plomb dans le sang. On estime qu’un enfant est atteint par la maladie lorsque ce taux est égal ou supérieur à 50 microgrammes par litre de sang.
Mardi 6 août, un communiqué de l’Agence régionale de santé (ARS) précisait qu’entre l’incendie et le 31 juillet, 162 plombémies avaient été faites chez des enfants du quartier. L’immense majorité (146 enfants) se situe sous le « seuil de vigilance » (25 à 50 microgrammes de plomb par litre de sang). Mais seize enfants sont à l’intérieur de ce seuil et deux dépassent la barre des 50 microgrammes par litre. Pour le premier cas, l’exposition au plomb de l’enfant n’a pas de lien avec l’incendie ; pour le second, il reste une incertitude.
Mais les taux mesurés autour de Notre-Dame n’ont rien à voir avec ceux qui étaient parfois relevés dans les années 1980 à Paris. « À l’époque, il arrivait de voir des enfants avec des plombémies à 200 ou 250 microgrammes par litre », se souvient le docteur Mady Denantes, une généraliste qui exerce aujourd’hui dans le quartier populaire de Belleville et s’est très tôt mobilisée contre le saturnisme notamment au sein de Médecins du monde. « C’est dans ces années-là qu’on a vraiment pris conscience du problème avec notamment le décès de deux enfants en 1985 », ajoute ce médecin, qui rappelle que le saturnisme peut entraîner de graves troubles neurologiques chez les jeunes enfants, avec une atteinte des facultés cognitives.
À cette époque, comme encore aujourd’hui, la principale source d’exposition était liée aux poussières et aux écailles de peintures anciennes contenant du plomb, notamment présentes dans les immeubles construits avant 1949. « C’est évidemment dans les logements en très mauvais état que se dégradent le plus fortement les murs avec ces peintures anciennes. Et les plus exposés sont les très jeunes enfants qui respirent ces poussières ou qui portent à la bouche les écailles », explique Mathé Touillier. Une pathologie de la misère sociale contre laquelle une réelle mobilisation a eu lieu à partir des années 1990, notamment à Paris.
Le combat est notamment passé par une lutte contre l’habitat indigne mais aussi par des mesures visant à réduire les autres sources d’exposition au plomb. « Il y a d’abord eu la généralisation de l’essence sans plomb en 2000 en France mais aussi la réalisation de travaux pour retirer les tuyauteries en plomb. Cela été plutôt bien fait à Paris mais beaucoup moins en province où on nous signale toujours des cas d’intoxications via la consommation d’eau potable », indique Mathé Touillier.
L’accent a aussi été mis sur le dépistage et la mise en sécurité des enfants victimes d’intoxication. « Dans les années 1980, une fois le diagnostic posé, on laissait souvent revenir les enfants dans leur logement sans faire de travaux. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas », indique le docteur Denantes.
Depuis 2015, tout médecin qui découvre chez un patient une plombémie supérieure à 50 microgrammes par litre, est tenu de déclarer le cas aux autorités sanitaires. Et il doit mener une enquête pour savoir ce qui a provoqué l’intoxication. Si celle-ci est liée à la vétusté d’un logement, les propriétaires ont l’obligation de faire des travaux.
Grâce à ces mesures, le saturnisme a largement reculé en France. Selon Santé publique France, 924 cas de la maladie avaient été déclarés en 1995 dans la tranche d’âge 0/17 ans. En 2014, le chiffre est tombé 156 cas. « Mais ces chiffres ne reflètent que très partiellement la réalité de la situation. Tous les cas de saturnisme sont encore très loin d’être dépistés en France », assure Mathé Touillier.
(1) dans Santé en action
Explication
Avec la pollution au plomb autour de Notre-Dame, le saturnisme revient sur le devant de l’actualité. Cette maladie touche surtout les enfants des quartiers défavorisés, intoxiqués par des peintures anciennes. Depuis les années 1980, de nombreuses mesures ont été prises notamment à Paris
- Pierre Bienvault,
- le 09/08/2019 à 06:26
Le nombre de cas de saturnisme aurait considérablement diminué en France chez les enfants ces dix dernières années, avec une augmentation du nombre de dépistage.[size=12]JEAN FRANCOIS FREY/L'ALSACE/MAXPPP[/size]
C’est une maladie de la pauvreté qui, aujourd’hui, suscite des interrogations dans un des quartiers les plus favorisés de la Paris. « Nous sommes très vigilants face à cette pollution au plomb autour de Notre-Dame. Mais c’est vrai que, depuis 25 ans, le quotidien de notre association est surtout concentré dans les zones de Paris où on trouve encore pas mal de logements vétustes ou insalubres. C’est surtout dans ces logements que l’on trouve encore des enfants qui s’intoxiquent au plomb », indique Mathé Touillier, présidente de l’Association des familles victimes du saturnisme (AFVS).
Des risques sanitaires difficiles à évaluer près de Notre-Dame
Depuis début juillet, cette maladie, qui se caractérise par une intoxication au plomb, est revenue sur le devant de l’actualité. À l’occasion de l’incendie qui a touché Notre Dame le 15 avril, plusieurs centaines de tonnes de plomb, contenues dans la charpente de la flèche et la toiture, ont fondu, ce qui a entraîné la dispersion de particules de ce métal toxique pour la santé. Aujourd’hui, il reste toutefois difficile de mesurer avec précision les risques sanitaires dans ce quartier du centre de Paris où se trouve notamment la très huppée Ile-Saint-Louis.
À lire aussi
Le plomb, un contaminant toxique même à faible dose
Le saturnisme est mesuré par une plombémie, examen visant à déterminer le taux de plomb dans le sang. On estime qu’un enfant est atteint par la maladie lorsque ce taux est égal ou supérieur à 50 microgrammes par litre de sang.
Mardi 6 août, un communiqué de l’Agence régionale de santé (ARS) précisait qu’entre l’incendie et le 31 juillet, 162 plombémies avaient été faites chez des enfants du quartier. L’immense majorité (146 enfants) se situe sous le « seuil de vigilance » (25 à 50 microgrammes de plomb par litre de sang). Mais seize enfants sont à l’intérieur de ce seuil et deux dépassent la barre des 50 microgrammes par litre. Pour le premier cas, l’exposition au plomb de l’enfant n’a pas de lien avec l’incendie ; pour le second, il reste une incertitude.
Une prise de conscience dans les années 1980
Mais les taux mesurés autour de Notre-Dame n’ont rien à voir avec ceux qui étaient parfois relevés dans les années 1980 à Paris. « À l’époque, il arrivait de voir des enfants avec des plombémies à 200 ou 250 microgrammes par litre », se souvient le docteur Mady Denantes, une généraliste qui exerce aujourd’hui dans le quartier populaire de Belleville et s’est très tôt mobilisée contre le saturnisme notamment au sein de Médecins du monde. « C’est dans ces années-là qu’on a vraiment pris conscience du problème avec notamment le décès de deux enfants en 1985 », ajoute ce médecin, qui rappelle que le saturnisme peut entraîner de graves troubles neurologiques chez les jeunes enfants, avec une atteinte des facultés cognitives.
À cette époque, comme encore aujourd’hui, la principale source d’exposition était liée aux poussières et aux écailles de peintures anciennes contenant du plomb, notamment présentes dans les immeubles construits avant 1949. « C’est évidemment dans les logements en très mauvais état que se dégradent le plus fortement les murs avec ces peintures anciennes. Et les plus exposés sont les très jeunes enfants qui respirent ces poussières ou qui portent à la bouche les écailles », explique Mathé Touillier. Une pathologie de la misère sociale contre laquelle une réelle mobilisation a eu lieu à partir des années 1990, notamment à Paris.
Une maladie à déclaration obligatoire
Le combat est notamment passé par une lutte contre l’habitat indigne mais aussi par des mesures visant à réduire les autres sources d’exposition au plomb. « Il y a d’abord eu la généralisation de l’essence sans plomb en 2000 en France mais aussi la réalisation de travaux pour retirer les tuyauteries en plomb. Cela été plutôt bien fait à Paris mais beaucoup moins en province où on nous signale toujours des cas d’intoxications via la consommation d’eau potable », indique Mathé Touillier.
L’accent a aussi été mis sur le dépistage et la mise en sécurité des enfants victimes d’intoxication. « Dans les années 1980, une fois le diagnostic posé, on laissait souvent revenir les enfants dans leur logement sans faire de travaux. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas », indique le docteur Denantes.
Depuis 2015, tout médecin qui découvre chez un patient une plombémie supérieure à 50 microgrammes par litre, est tenu de déclarer le cas aux autorités sanitaires. Et il doit mener une enquête pour savoir ce qui a provoqué l’intoxication. Si celle-ci est liée à la vétusté d’un logement, les propriétaires ont l’obligation de faire des travaux.
Grâce à ces mesures, le saturnisme a largement reculé en France. Selon Santé publique France, 924 cas de la maladie avaient été déclarés en 1995 dans la tranche d’âge 0/17 ans. En 2014, le chiffre est tombé 156 cas. « Mais ces chiffres ne reflètent que très partiellement la réalité de la situation. Tous les cas de saturnisme sont encore très loin d’être dépistés en France », assure Mathé Touillier.
(1) dans Santé en action