[size=48]Haine ordinaire
Par Eric Mettout,publié le 01/05/2019 à 19:00
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Pepe the frog, devenu l'emblème des "haters" d'extrême droite sur internet.
Capture d'écran
A chaque semaine son rapport. Il y a huit jours, Conspiracy Watch traquait les théories du complot et ses zélés messagers, j'en ai parlé. Dimanche dernier, c'était au tour de Netino, petite entreprise devenue (plus) grande à force de modérer des commentaires de plus en plus nombreux sur, notamment, les sites internet des médias français et leurs canaux de diffusion "sociaux", de publier son "panorama annuel de la haine en ligne" - tout un programme.
Entre janvier et mars dernier, ses limiers ont examiné au microscope un échantillon d'un commentaire sur mille, 15 000 en tout, tirés au sort parmi les 15 millions postés dans la période sur 25 pages Facebook de la presse écrite nationale et régionale, de radios, de télévisions... 15 millions de commentaires en trois mois : en soi, le chiffre est une première indication. A de telles hauteurs, on ne parle plus d'un épiphénomène.
C'est d'autant plus vrai que les conclusions de l'enquête sont extrapolables à l'échelle supérieure, celle des réseaux sociaux dans leur ensemble, dont Facebook est loin d'être le plus venimeux - Jeuxvideo.com en France ou, aux Etats-Unis, 8Chan, où le tueur de la synagogue de Poway, en Californie, a justifié à l'avance son "exploit" sans en émouvoir les patrons, sont des nids de vipères.
Le second enseignement n'a, hélas, rien d'une surprise : la haine monte. Dans les trois premiers mois de 2019, les messages malveillants représentaient 14,3% du total, contre "seulement" 10,4% l'année précédente. Une hausse de 37,5% en un an : Netino assortit le constat, qu'il qualifie d'"inquiétant", d'un point d'exclamation. C'est le moins.
A qui est destiné le poison ? Singulièrement, comme me le fait observer l'une des responsables de l'étude, "plus de la moitié des contenus rejetés (53,1%) sont des agressions verbales entre internautes, alors que l'écho médiatique met toujours en lumière les propos racistes et antisémites". Autrement dit, avant même de s'en prendre à leurs habituels boucs émissaires, les fielleux cherchent querelle à leurs interlocuteurs immédiats, à qui ils nient brutalement le droit à la parole - là-même où ils reprochent au "système" de ne jamais la leur donner.
Ca ne les empêche pas, naturellement, de concentrer leur tir sur des proies mieux définies. A leur tableau de chasse, un trio d'habitués :
- les "politichiens", trois fois plus vilipendés cette année que l'an dernier et largement en tête du palmarès - ils réunissent plus de 30% des commentaires insultants ;
- les autres personnalités, comédiens, sportifs, animateurs télé...15,5%, en hausse de 123% par rapport à 2018 ;
- les "merdias", dont on ne doit toutefois pas oublier qu'ils hébergent les commentaires analysés, ce qui influe inévitablement sur cette triste performance. Toutes catégories confondues, ils sont en hausse de 150% par rapport à 2018, à 15,1% de remarques déplacées.
Viennent ensuite deux petits nouveaux, les gilets jaunes, qui, en 24 actes et un semestre, ont réussi à attirer 6,8% des commentaires haineux, et, dans un registre proche, les casseurs (3,6%). Dans leur sillage, les forces de l'ordre, policiers et gendarmes, en prennent également pour leur grade, mais moins qu'on aurait pu le craindre : 1,5% de "suicidez-vous" et autres amabilités imbéciles, compte tenu des circonstances, c'est finalement plutôt mesuré.
Et les discriminations, me direz-vous ? Elles vont bien, merci pour elles, avec des nuances selon les cibles : moins d'attaques contre les musulmans (1,8%, en baisse de 20%), les Arabes (1,3%, en baisse de 13%), les Noirs (0,4%, en baisse de 45%), les migrants (1,5%, en baisse de 21%) et les femmes (0,3%, en baisse de 72%) ; beaucoup plus d'antisémitisme (1,7%, en hausse de 125%), de racisme anti-Blancs (0,3%, en hausse de 400%) et d'homophobie (1,4%, en hausse de 50%). Le reste se répartit entre les vegans, les riches, les gros, les mal élevés ou... les djihadistes, qu'on ne plaindra pas ici.
Au mois de février dernier, après une énième poussée de fièvre antisémite, Emmanuel Macron promettait aux Français juifs et aux Français tout court de prendre des mesures contre la "cyber-haine". La loi Avia, du nom de la député LREM chargée de la mettre en musique, fait l'objet, jusqu'au 12 mai, d'une consultationpublique sur le site de l'Assemblée nationale. Je ne saurais trop vous encourager à y poser votre caillou. On peut espérer qu'ensuite, les choses iront très vite. Il y a urgence.
Par Eric Mettout,publié le 01/05/2019 à 19:00
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Pepe the frog, devenu l'emblème des "haters" d'extrême droite sur internet.
Capture d'écran
En un an, selon une enquête de la société Netino, chargée de les modérer, les messages haineux ont augmenté de plus d'1/3 sur les pages Facebook de 25 sites de médias.
A chaque semaine son rapport. Il y a huit jours, Conspiracy Watch traquait les théories du complot et ses zélés messagers, j'en ai parlé. Dimanche dernier, c'était au tour de Netino, petite entreprise devenue (plus) grande à force de modérer des commentaires de plus en plus nombreux sur, notamment, les sites internet des médias français et leurs canaux de diffusion "sociaux", de publier son "panorama annuel de la haine en ligne" - tout un programme.
Entre janvier et mars dernier, ses limiers ont examiné au microscope un échantillon d'un commentaire sur mille, 15 000 en tout, tirés au sort parmi les 15 millions postés dans la période sur 25 pages Facebook de la presse écrite nationale et régionale, de radios, de télévisions... 15 millions de commentaires en trois mois : en soi, le chiffre est une première indication. A de telles hauteurs, on ne parle plus d'un épiphénomène.
C'est d'autant plus vrai que les conclusions de l'enquête sont extrapolables à l'échelle supérieure, celle des réseaux sociaux dans leur ensemble, dont Facebook est loin d'être le plus venimeux - Jeuxvideo.com en France ou, aux Etats-Unis, 8Chan, où le tueur de la synagogue de Poway, en Californie, a justifié à l'avance son "exploit" sans en émouvoir les patrons, sont des nids de vipères.
Le second enseignement n'a, hélas, rien d'une surprise : la haine monte. Dans les trois premiers mois de 2019, les messages malveillants représentaient 14,3% du total, contre "seulement" 10,4% l'année précédente. Une hausse de 37,5% en un an : Netino assortit le constat, qu'il qualifie d'"inquiétant", d'un point d'exclamation. C'est le moins.
A qui est destiné le poison ? Singulièrement, comme me le fait observer l'une des responsables de l'étude, "plus de la moitié des contenus rejetés (53,1%) sont des agressions verbales entre internautes, alors que l'écho médiatique met toujours en lumière les propos racistes et antisémites". Autrement dit, avant même de s'en prendre à leurs habituels boucs émissaires, les fielleux cherchent querelle à leurs interlocuteurs immédiats, à qui ils nient brutalement le droit à la parole - là-même où ils reprochent au "système" de ne jamais la leur donner.
Ca ne les empêche pas, naturellement, de concentrer leur tir sur des proies mieux définies. A leur tableau de chasse, un trio d'habitués :
- les "politichiens", trois fois plus vilipendés cette année que l'an dernier et largement en tête du palmarès - ils réunissent plus de 30% des commentaires insultants ;
- les autres personnalités, comédiens, sportifs, animateurs télé...15,5%, en hausse de 123% par rapport à 2018 ;
- les "merdias", dont on ne doit toutefois pas oublier qu'ils hébergent les commentaires analysés, ce qui influe inévitablement sur cette triste performance. Toutes catégories confondues, ils sont en hausse de 150% par rapport à 2018, à 15,1% de remarques déplacées.
Viennent ensuite deux petits nouveaux, les gilets jaunes, qui, en 24 actes et un semestre, ont réussi à attirer 6,8% des commentaires haineux, et, dans un registre proche, les casseurs (3,6%). Dans leur sillage, les forces de l'ordre, policiers et gendarmes, en prennent également pour leur grade, mais moins qu'on aurait pu le craindre : 1,5% de "suicidez-vous" et autres amabilités imbéciles, compte tenu des circonstances, c'est finalement plutôt mesuré.
Et les discriminations, me direz-vous ? Elles vont bien, merci pour elles, avec des nuances selon les cibles : moins d'attaques contre les musulmans (1,8%, en baisse de 20%), les Arabes (1,3%, en baisse de 13%), les Noirs (0,4%, en baisse de 45%), les migrants (1,5%, en baisse de 21%) et les femmes (0,3%, en baisse de 72%) ; beaucoup plus d'antisémitisme (1,7%, en hausse de 125%), de racisme anti-Blancs (0,3%, en hausse de 400%) et d'homophobie (1,4%, en hausse de 50%). Le reste se répartit entre les vegans, les riches, les gros, les mal élevés ou... les djihadistes, qu'on ne plaindra pas ici.
Au mois de février dernier, après une énième poussée de fièvre antisémite, Emmanuel Macron promettait aux Français juifs et aux Français tout court de prendre des mesures contre la "cyber-haine". La loi Avia, du nom de la député LREM chargée de la mettre en musique, fait l'objet, jusqu'au 12 mai, d'une consultationpublique sur le site de l'Assemblée nationale. Je ne saurais trop vous encourager à y poser votre caillou. On peut espérer qu'ensuite, les choses iront très vite. Il y a urgence.