Plus de 140 enfants pré-Incas sacrifiés pour apaiser la colère des dieux
Par Vincent Bordenave Mis à jour le 07/03/2019 à 10:10 Publié le 06/03/2019 à 20:00
Plus de 140 enfants pré-Incas sacrifiés pour apaiser la colère des dieux
Découvert au nord de l'actuel Pérou, il s'agit du plus important site sacrificiel découvert dans les Amériques. La mort des enfants remonte au début du XVe siècle, une période marquée par des précipitations très abondantes qui ont peut-être été à l'origine de ce massacre rituel.
Ils avaient entre 5 et 14 ans. Enterrés soigneusement les uns à côté des autres dans des linceuls de coton, ils ont été offerts aux dieux il y a plus de 500 ans. En tout ce sont 140 squelettes d'enfants qui ont été découverts par les archéologues à Huanchaquito, à quelques kilomètres de la ville de Trujillo sur les côtes de l'actuel Pérou (PLOS One, 6 mars 2019). Le site a été découvert un peu par hasard par un voisin qui a repéré les ossements affleurer au bord d'une grande dune de sable. Trois campagnes de fouilles menées entre 2011 et 2016 ont permis de mettre au jour le plus grand site sacrificiel jamais découvert dans les Amériques. En plus des enfants, plus de 200 squelettes d'animaux (des camélidés, principalement des lamas) accompagnent les infortunés.
» A VOIR - Découverte sur un site maya d'un «trésor scientifique»
Mexique: découverte sur un site maya d'un «trésor scientifique»
Un archéologue mexicain a découvert des centaines d'objets de très grande valeur dans une grotte située sur le site maya de Chichen Itza, dans le Yucatan (sud-est du Mexique).
SharePlay
Mute
Current Time
0:00
/
Duration
0:43
Quality LevelsFullscreen
Mexique: découverte sur un site maya d'un «trésor scientifique» - Regarder sur Figaro Live
Les restes momifiés d'un camélidé. (Les analyses des animaux ont été financé par l'ANR (projet CAMELANDES), le CNRS, le MNHN (muséum) et l'ANR (Agence Nationale pour la Recherche).
Tous les squelettes portent les mêmes stigmates. Des traces au niveau du sternum. Une ouverture nette de la cage thoracique pour atteindre le cœur et l'arracher de la poitrine. «La nature sacrificielle de ces morts ne fait aucun doute», analyse Nicolas Goepfert, chargé de recherche au CNRS et co-auteur de la publication. Les datations permettent aux chercheurs d'affirmer que ces sacrifices se sont produits vers 1400/1450. «Tous ces enfants sont morts sur une période relativement resserrée», ajoute l'archéologue. «Sans doute moins d'un an, et même peut-être à peine quelques jours.»
Si 140 squelettes sont arrivés jusqu'à nous, le nombre de sacrifiés était sans doute beaucoup plus important. Une grande partie du site a disparu et ne peut donc pas être étudié par les chercheurs. Situé sur la côte, le site se trouve dans une région désertique au climat particulièrement sec et aride qui favorise la momification naturelle des corps. «On a pu retrouver des cheveux, de la peau, les pelages des animaux, des tissus, des cordes», commente Nicolas Goepfert.
Les restes de certains enfants ont été particulièrement bien conservés.
Deux enfants momifiés après un séjour de 500 ans dans le sable.
Étrangement aucune construction n'a été découverte sur le site, mais nous ne sommes qu'à deux kilomètres de l'ancienne cité de Chan Chan, capitale de l'empire des Chimús qui pouvait compter près de 30.000 âmes à cette époque. Les Chimus ont régné sur cette partie de l'Amérique du Sud pendant environ 500 ans, jusqu'à l'arrivée des Incas vers 1470. Leur territoire s'étendait sur plus de 1000 km entre Lima et le nord de l'actuel Pérou. Les analyses ADN et isotopiques montrent que les enfants étaient des garçons et des filles et qu'ils venaient de tout le territoire, de la côte mais aussi des plateaux de la cordillère des Andes.
Des élites démunies face à un cataclysme
Qu'est-ce qui a bien pu pousser ce peuple il y a 500 ans à sacrifier autant de jeunes enfants? «Au vu de la valeur du sacrifice, la raison devait être particulièrement importante», commente Nicolas Goepfert. On ne sacrifie que ce qui est précieux. Les étoffes et coiffes découvertes à côté des squelettes montrent que les enfants appartenaient probablement aux groupes sociaux les plus élevés. Offrir non seulement des enfants mais aussi autant d'animaux aux dieux n'est pas anodin. Le peuple devait se trouver face à un cataclysme incroyable et n'avait plus le choix pour calmer la colère divine. «On sait que quelques dizaines d'années après ce sacrifice, les Incas ont pris possession de ce territoire», note Nicolas Goepfert. «Mais on ne trouve aucune trace de combat contemporaine des sacrifices.»
Les archéologues ont découvert que le sacrifice s'est effectué au moment de fortes pluies peut-être dues au phénomène El Niño. Ce phénomène climatique frappe périodiquement le pays et se caractérise notamment par une hausse anormale des températures et des pluies torrentielles. «On a découvert des traces de pas des enfants et des lamas», raconte Nicolas Goepfert. Les précipitations devaient être violentes dans une région où il ne pleut guère.» Un dérèglement devant lequel les élites chimús se sont trouvées totalement démunies. Quand le ciel se déchaîne, à qui d'autre demander de l'aide qu'aux dieux?
Les enfants avaient entre 5 et 14 ans.
Par Vincent Bordenave Mis à jour le 07/03/2019 à 10:10 Publié le 06/03/2019 à 20:00
Plus de 140 enfants pré-Incas sacrifiés pour apaiser la colère des dieux
Découvert au nord de l'actuel Pérou, il s'agit du plus important site sacrificiel découvert dans les Amériques. La mort des enfants remonte au début du XVe siècle, une période marquée par des précipitations très abondantes qui ont peut-être été à l'origine de ce massacre rituel.
Ils avaient entre 5 et 14 ans. Enterrés soigneusement les uns à côté des autres dans des linceuls de coton, ils ont été offerts aux dieux il y a plus de 500 ans. En tout ce sont 140 squelettes d'enfants qui ont été découverts par les archéologues à Huanchaquito, à quelques kilomètres de la ville de Trujillo sur les côtes de l'actuel Pérou (PLOS One, 6 mars 2019). Le site a été découvert un peu par hasard par un voisin qui a repéré les ossements affleurer au bord d'une grande dune de sable. Trois campagnes de fouilles menées entre 2011 et 2016 ont permis de mettre au jour le plus grand site sacrificiel jamais découvert dans les Amériques. En plus des enfants, plus de 200 squelettes d'animaux (des camélidés, principalement des lamas) accompagnent les infortunés.
» A VOIR - Découverte sur un site maya d'un «trésor scientifique»
Mexique: découverte sur un site maya d'un «trésor scientifique»
Un archéologue mexicain a découvert des centaines d'objets de très grande valeur dans une grotte située sur le site maya de Chichen Itza, dans le Yucatan (sud-est du Mexique).
SharePlay
Mute
Current Time
0:00
/
Duration
0:43
Quality LevelsFullscreen
Mexique: découverte sur un site maya d'un «trésor scientifique» - Regarder sur Figaro Live
Les restes momifiés d'un camélidé. (Les analyses des animaux ont été financé par l'ANR (projet CAMELANDES), le CNRS, le MNHN (muséum) et l'ANR (Agence Nationale pour la Recherche).
Tous les squelettes portent les mêmes stigmates. Des traces au niveau du sternum. Une ouverture nette de la cage thoracique pour atteindre le cœur et l'arracher de la poitrine. «La nature sacrificielle de ces morts ne fait aucun doute», analyse Nicolas Goepfert, chargé de recherche au CNRS et co-auteur de la publication. Les datations permettent aux chercheurs d'affirmer que ces sacrifices se sont produits vers 1400/1450. «Tous ces enfants sont morts sur une période relativement resserrée», ajoute l'archéologue. «Sans doute moins d'un an, et même peut-être à peine quelques jours.»
Si 140 squelettes sont arrivés jusqu'à nous, le nombre de sacrifiés était sans doute beaucoup plus important. Une grande partie du site a disparu et ne peut donc pas être étudié par les chercheurs. Situé sur la côte, le site se trouve dans une région désertique au climat particulièrement sec et aride qui favorise la momification naturelle des corps. «On a pu retrouver des cheveux, de la peau, les pelages des animaux, des tissus, des cordes», commente Nicolas Goepfert.
Les restes de certains enfants ont été particulièrement bien conservés.
Deux enfants momifiés après un séjour de 500 ans dans le sable.
Étrangement aucune construction n'a été découverte sur le site, mais nous ne sommes qu'à deux kilomètres de l'ancienne cité de Chan Chan, capitale de l'empire des Chimús qui pouvait compter près de 30.000 âmes à cette époque. Les Chimus ont régné sur cette partie de l'Amérique du Sud pendant environ 500 ans, jusqu'à l'arrivée des Incas vers 1470. Leur territoire s'étendait sur plus de 1000 km entre Lima et le nord de l'actuel Pérou. Les analyses ADN et isotopiques montrent que les enfants étaient des garçons et des filles et qu'ils venaient de tout le territoire, de la côte mais aussi des plateaux de la cordillère des Andes.
Des élites démunies face à un cataclysme
Qu'est-ce qui a bien pu pousser ce peuple il y a 500 ans à sacrifier autant de jeunes enfants? «Au vu de la valeur du sacrifice, la raison devait être particulièrement importante», commente Nicolas Goepfert. On ne sacrifie que ce qui est précieux. Les étoffes et coiffes découvertes à côté des squelettes montrent que les enfants appartenaient probablement aux groupes sociaux les plus élevés. Offrir non seulement des enfants mais aussi autant d'animaux aux dieux n'est pas anodin. Le peuple devait se trouver face à un cataclysme incroyable et n'avait plus le choix pour calmer la colère divine. «On sait que quelques dizaines d'années après ce sacrifice, les Incas ont pris possession de ce territoire», note Nicolas Goepfert. «Mais on ne trouve aucune trace de combat contemporaine des sacrifices.»
Les archéologues ont découvert que le sacrifice s'est effectué au moment de fortes pluies peut-être dues au phénomène El Niño. Ce phénomène climatique frappe périodiquement le pays et se caractérise notamment par une hausse anormale des températures et des pluies torrentielles. «On a découvert des traces de pas des enfants et des lamas», raconte Nicolas Goepfert. Les précipitations devaient être violentes dans une région où il ne pleut guère.» Un dérèglement devant lequel les élites chimús se sont trouvées totalement démunies. Quand le ciel se déchaîne, à qui d'autre demander de l'aide qu'aux dieux?
Les enfants avaient entre 5 et 14 ans.