[size=62]Venezuela : la musique pour éviter un bain de sang ?[/size]
Le logo du "Venezuela aid live" (DR)
Par Serge Raffy
Publié le 21 février 2019 à 19h51
L’Amérique du Sud va enfin connaître son Woodstock, son concert historique, quelque part à la frontière de la Colombie et du Venezuela. Rappelez-vous ce nom, Cucuta, une ville d’un demi-million d’habitants, choisie par le milliardaire Richard Branson pour devenir le lieu mythique symbolisant la lutte pacifique pour la démocratie sur le continent de Che Guevara. Pas moins.
Les stars de la musique latino, tel Luis Fonti, interprète du tube mondial "Despacito", mais aussi des figures historiques de la pop, comme Peter Gabriel, se produiront sur scène, histoire de marquer leur solidarité avec le peuple vénézuélien. Branson a surpris son monde en lançant ce rassemblement festif dont les fonds iront intégralement à l’aide humanitaire, attendue fébrilement par des millions de Vénézuéliens. En d’autres termes, le show-business a décidé d’exercer son devoir d’ingérence et de soutenir sans réserve Juan Guaido, le Obama colombien.
Branson et ses amis ont un objectif : tout faire pour éviter la guerre civile dans ce pays qui, trente ans auparavant, était considéré comme l’Eden sud-américain. La musique pour éviter un bain de sang ? Le lendemain de ce concert, près d’un million de Colombiens vont, en processions pacifiques, tenter de débloquer le blocus militaire imposé par Nicolas Maduro, le président chaviste au pouvoir, et récupérer les milliers de tonnes de médicaments et d’aliments de première nécessité bloqués aux frontières.
Bien sûr, les derniers disciples du chavisme hurlent à l’ingérence étrangère, au retour du diable yankee sur la terre sacrée, équipé de son arme fatale : le star system. Hollywood et la Croix Rouge internationale même combat ? Vieux débat qui hante l’histoire des interventions humanitaires depuis les "boat people" vietnamiens jusqu’à cet extravagant refus des chavistes de sauver son peuple de la disette.
REPORTAGE. L'absurdité du quotidien: "Ici, tu peux mourir d'une angine"
Que fait celui qu’il faut bien qualifier de petit dictateur vénézuélien pour contrecarrer cette offensive médiatique ? Il organise en catastrophe un concert à la même heure, à 15 km de celui de Richard Branson, avec un soutien de taille, plutôt inattendu, celui de Roger Waters, le fondateur des Pink Floyd. Etrange duel entre deux personnages cultes de la pop music, embringués dans un conflit qu’on rêve de voir s’achever sans effusion de sang. Roger Waters est devenu une star de la télévision publique de Caracas. On le voit en boucle supplier régulièrement son "ami Peter" de ne pas se laisser manipuler par les agents de l’oncle Sam et de rentrer sagement chez lui.La guerre de l'image pour décider du vainqueur
Dans l’entourage de Juan Guaido, on est convaincu que ce moment de grande tension historique entre des chavistes à bout de souffle qui ont ruiné, en vingt ans, le plus le plus riche de l’Amérique latine, se résoudra grâce à la toute-puissance de l’image.
L'interview de Juan Guaido par "l'Obs"
Une des amies de Guaido lui a conseillé, le lendemain du concert, de faire venir aux postes frontières, en soutien du peuple vénézuélien, des artistes mondialement connus et de tenter de fraterniser avec les soldats pour qu’ils laissent entrer les marchandises "interdites" par le régime.
Des noms ont circulé. Brad Pitt, Georges Clooney, Salma Hayek, Shakira, Bob Dylan, le prix Nobel… L’image aurait de la gueule : Brad Pitt, un sac de riz à l’épaule, dans la plus pure tradition kouchnérienne, implorant un famélique sous-officier vénézuélien, tout aussi sous-alimenté que ses congénères, de le laisser accomplir son devoir d’ingérence humanitaire. Maduro pourra toujours prétendre que le beau Brad, ou Clooney, ou un autre, sont des sbires de l’ignoble Donald Trump, des agents patentés de l’impérialisme américain, il y a de grandes chances que les affamés ovationnent ces visiteurs porteurs de pénicilline et de lait en poudre. Si l’opération réussit, Richard Branson pourrait bien devenir citoyen d’honneur du pays de Bolivar.
Serge Raffy
Le logo du "Venezuela aid live" (DR)
LE CLIN D'OEIL DE SERGE RAFFY. La musique adoucit les mœurs ? Richard Branson, le milliardaire britannique, en est convaincu. Il lance un concert géant à Cucuta, à la frontière avec la Colombie, dans la zone de tous les dangers. Pari fou ?
Par Serge Raffy
Publié le 21 février 2019 à 19h51
L’Amérique du Sud va enfin connaître son Woodstock, son concert historique, quelque part à la frontière de la Colombie et du Venezuela. Rappelez-vous ce nom, Cucuta, une ville d’un demi-million d’habitants, choisie par le milliardaire Richard Branson pour devenir le lieu mythique symbolisant la lutte pacifique pour la démocratie sur le continent de Che Guevara. Pas moins.
Les stars de la musique latino, tel Luis Fonti, interprète du tube mondial "Despacito", mais aussi des figures historiques de la pop, comme Peter Gabriel, se produiront sur scène, histoire de marquer leur solidarité avec le peuple vénézuélien. Branson a surpris son monde en lançant ce rassemblement festif dont les fonds iront intégralement à l’aide humanitaire, attendue fébrilement par des millions de Vénézuéliens. En d’autres termes, le show-business a décidé d’exercer son devoir d’ingérence et de soutenir sans réserve Juan Guaido, le Obama colombien.
[size=42]Un contre-concert à 15km de là[/size]
Branson et ses amis ont un objectif : tout faire pour éviter la guerre civile dans ce pays qui, trente ans auparavant, était considéré comme l’Eden sud-américain. La musique pour éviter un bain de sang ? Le lendemain de ce concert, près d’un million de Colombiens vont, en processions pacifiques, tenter de débloquer le blocus militaire imposé par Nicolas Maduro, le président chaviste au pouvoir, et récupérer les milliers de tonnes de médicaments et d’aliments de première nécessité bloqués aux frontières.
Bien sûr, les derniers disciples du chavisme hurlent à l’ingérence étrangère, au retour du diable yankee sur la terre sacrée, équipé de son arme fatale : le star system. Hollywood et la Croix Rouge internationale même combat ? Vieux débat qui hante l’histoire des interventions humanitaires depuis les "boat people" vietnamiens jusqu’à cet extravagant refus des chavistes de sauver son peuple de la disette.
REPORTAGE. L'absurdité du quotidien: "Ici, tu peux mourir d'une angine"
Que fait celui qu’il faut bien qualifier de petit dictateur vénézuélien pour contrecarrer cette offensive médiatique ? Il organise en catastrophe un concert à la même heure, à 15 km de celui de Richard Branson, avec un soutien de taille, plutôt inattendu, celui de Roger Waters, le fondateur des Pink Floyd. Etrange duel entre deux personnages cultes de la pop music, embringués dans un conflit qu’on rêve de voir s’achever sans effusion de sang. Roger Waters est devenu une star de la télévision publique de Caracas. On le voit en boucle supplier régulièrement son "ami Peter" de ne pas se laisser manipuler par les agents de l’oncle Sam et de rentrer sagement chez lui.La guerre de l'image pour décider du vainqueur
Dans l’entourage de Juan Guaido, on est convaincu que ce moment de grande tension historique entre des chavistes à bout de souffle qui ont ruiné, en vingt ans, le plus le plus riche de l’Amérique latine, se résoudra grâce à la toute-puissance de l’image.
L'interview de Juan Guaido par "l'Obs"
Une des amies de Guaido lui a conseillé, le lendemain du concert, de faire venir aux postes frontières, en soutien du peuple vénézuélien, des artistes mondialement connus et de tenter de fraterniser avec les soldats pour qu’ils laissent entrer les marchandises "interdites" par le régime.
Des noms ont circulé. Brad Pitt, Georges Clooney, Salma Hayek, Shakira, Bob Dylan, le prix Nobel… L’image aurait de la gueule : Brad Pitt, un sac de riz à l’épaule, dans la plus pure tradition kouchnérienne, implorant un famélique sous-officier vénézuélien, tout aussi sous-alimenté que ses congénères, de le laisser accomplir son devoir d’ingérence humanitaire. Maduro pourra toujours prétendre que le beau Brad, ou Clooney, ou un autre, sont des sbires de l’ignoble Donald Trump, des agents patentés de l’impérialisme américain, il y a de grandes chances que les affamés ovationnent ces visiteurs porteurs de pénicilline et de lait en poudre. Si l’opération réussit, Richard Branson pourrait bien devenir citoyen d’honneur du pays de Bolivar.
Serge Raffy