Lors de sa démission, l'ex-ministre de la Transition écologique a parlé du décalage entre les aspirations et les actes des Français.
Valérie Chansigaud est historienne des sciences et de l'environnement. Dans cette tribune, cette chercheuse associée au laboratoire SPHERE (Paris Diderot-CNRS) tire les enseignements de la démission de Nicolas Hulot au poste de ministre de l'environnement. Elle est l'auteure du livre "Les combats pour la nature" (Buchet-Chastel), en librairie le 13 septembre.Dans un discours prononcé en décembre 1907, le président Theodore Roosevelt dresse un dramatique constat de la dégradation des forêts américaines, de l'épuisement des ressources naturelles (pétrole et charbon notamment), de l'inexcusable gaspillage et de la perte des terres agricoles. Roosevelt vilipende les acteurs égoïstes qui ne pensent qu'à leurs intérêts sans se soucier des générations futures et blâme presque autant "l'indolente opinion publique, l'indifférente opinion publique, qui permet leur action de se faire sans contrôle".
111 ans plus tard, la démission de Nicolas Hulot montre que la situation n'a guère changé, bien que les menaces sur l'environnement aient considérablement augmenté. On retrouve dans son entretien du 28 août 2018 avec Nicolas Demorand et Léa Salamé à l'antenne de France Inter les mêmes ingrédients : la folie des intérêts égoïstes, l'attachement obstiné à des pratiques déraisonnables et, surtout, la profonde solitude d'un responsable politique. Car son geste n'est pas seulement le ras-le-bol d'un homme sincèrement convaincu d'une cause juste et qui n'arrive pas à mobiliser le gouvernement auquel il appartient, il est la conséquence de quelque chose d'autrement plus important : l'absence de mobilisation générale en faveur du climat et des autres sujets environnementaux. Sa démission est très largement imputable à une société indolente et indifférente, pour reprendre les mots de Theodore Roosevelt.
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