[size=34]Une loi sur les "fake news" est-elle utile?[/size]
Par Perrine Signoret, publié le 04/01/2018 à 19:29 , mis à jour à 19:41
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Emmanuel Macron veut créer une nouvelle loi contre les fausses informations. Certaines dispositions existent pourtant déjà.
Les fake news (ou "fausses nouvelles" en français), Emmanuel Macronles connaît bien. Selon une enquête réalisée par l'équipe des Décodeurs au Monde en mai dernier, il a été "la première victime des intox" pendant la dernière campagne présidentielle. Qu'il soit candidat ou non en 2022, l'actuel président de la République entend créer une loi pour éviter que la prochaine campagne ne soit entourée d'autant de désinformation, a-t-il annoncé mercredi lors de ses voeux à la presse.
Si le texte de loi sera, a-t-il précisé, "détaillé dans les semaines qui viennent", le chef de l'État a déjà évoqué plusieurs pistes. Il souhaite, par exemple, imposer "des obligations de transparence accrue sur tous les contenus sponsorisés" sur les plateformes en ligne comme Facebook. L'objectif: "rendre publique l'identité des annonceurs et de ceux qui les contrôlent", et "limiter les montants consacrés à ces contenus."
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Autre mesure citée à l'Élysée, la possibilité de saisir le juge en référé pour "le cas échéant", "supprimer le contenu mis en cause", "déréférencer le site", "fermer le compte utilisateur concerné" voire "bloquer l'accès au site internet."
Des lois existent déjà
La volonté de légiférer sur les fake news n'est pas tout à fait nouvelle. La loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse permet de poursuivre les auteurs d'injure ou diffamation [soit le fait d'imputer un fait qui nuise à l'honneur d'un individu]. Elle sanctionne également ceux qui tentent de "troubler la paix publique" en faisant de la désinformation.
Depuis les années 2000, le code pénal, lui, permet de condamner une personne qui diffuse des fausses informations dans le but de faire croire à un attentat (article 322-14), ou de compromettre la sécurité d'un vol ou d'un avion (article 224-. Le code monétaire et financier punit les fake news dont l'objectif est d'influencer le cours en bourse d'une entreprise. Enfin, le code électoral, à l'article L97, indique que quiconque a "surpris ou détourné" des suffrages en relayant des fausses nouvelles dans le contexte d'une élection encourt une peine d'emprisonnement.
Savoir qui a payé pour promouvoir quoi
Selon Benoît Huet, avocat au barreau de Paris, le problème n'est donc pas tant du côté de l'absence de lois, que de "la manière dont elles peuvent être appliquées"."Les procédures actuelles, explique-t-il à L'Express, sont longues. L'idée d'une procédure en référé [qui permet au juge de prononcer rapidement des mesures provisoires] pourrait être pertinente de ce point de vue-là."
Il salue aussi "les pistes sur la transparence". Tout comme Adrien Sénécat, journaliste aux Décodeurs, au Monde. Il compare les post sponsorisés sur les réseaux sociaux à "des campagnes d'affichage sauvage": "on voit des messages, sans savoir nécessairement qui a fait en sorte qu'ils soient visibles. Cela a pourtant son importance. Ce serait une bonne chose de pouvoir savoir par qui a été poussé un post sponsorisé. Qui a payé, pour mettre en avant quelle information".
La délicate question de la définition de la fake news
En revanche, les autres propositions présidentielles laissent l'avocat comme le journaliste plus sceptiques. Comme la suppression des "contenus mis en cause". Cela suppose de pouvoir clairement définir ce qu'est une fake news. Or, sur ce point, Emmanuel Macron s'est montré plutôt flou, évoquant tour à tour une information non vérifiée et des contenus de propagande politique.
Selon Adrien Sénécat, "il faudra que la loi soit très claire sur ce propos", le terme pouvant revêtir des significations très différentes.