[size=45]Le patriarche Kirill convoque l’orthodoxie mondiale à Moscou[/size]
Samuel Lieven , le 03/12/2017 à 17h01
Mis à jour le 03/12/2017 à 17h34
[size=20]Pour clôturer le centenaire de la Révolution d’octobre, le patriarche russe a réuni chez lui ses évêques et les représentants des autres Églises orthodoxes.
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Le patriarche russe Kirill lors d’un office célébré à Bishkek en mai 2017. / VYACHESLAV OSELEDKO/AFP
Pour l’Église orthodoxe russe, c’est la photo de famille qui doit couronner la commémoration du centenaire de la révolution d’octobre 1917. Vendredi 1er décembre, le patriarche Kirill de Moscou a reçu les 380 évêques de son Église, venus de tout l’espace russe et des autres continents où celle-ci est présente : Europe, Amérique, Afrique et Asie.
À cette assemblée se sont ajoutés, le lendemain, les représentants des autres Églises orthodoxes du monde slave et du Proche-Orient. Soit toute l’orthodoxie mondiale (250 millions de croyants) représentée à Moscou… à l’exception notoire du patriarche œcuménique Bartholomée de Constantinople (Istanbul), qui a jusqu’au dernier moment décliné l’invitation.
> À LIRE AUSSI : L’Église orthodoxe russe accroît son influence au Proche-Orient
Vladimir Poutine lui-même doit accueillir lundi 4 décembre les chefs des délégations au Kremlin. Une manière, pour le dirigeant russe, de signifier au monde entier sa posture de défenseur de la chrétienté orthodoxe, en particulier celle des chrétiens d’Orient alors que la Russie est militairement en position de force dans la région.
Sur le papier, c’est un événement passé inaperçu en Occident que Moscou entend célébrer en grande pompe : le centenaire du rétablissement du Patriarcat russe, qui avait été décapité par Pierre le Grand (1672-1725) et réinstallé lors du concile de Moscou de 1917-1918, en pleine tourmente révolutionnaire. Ce concile, capital pour une Église russe qui revisitait alors en profondeur sa théologie et ses structures, n’a pu être réellement mis en œuvre durant les 70 ans de persécution et d’athéisme officiel de l’URSS.
« Associer les autres Églises orthodoxes à ce centenaire, c’est pour Kirill une manière d’universaliser ce qu’a subi l’Église russe au XXe siècle, à savoir la plus importante persécution de l’histoire du christianisme », observe Nicolas Kazarian, prêtre orthodoxe à New York et chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS).
Dans la foulée, le patriarche de Moscou s’assure l’assistance de Vladimir Poutine, alors que ce dernier se refuse jusqu’au bout à commémorer l’encombrant centenaire de la Révolution d’octobre 1917.
Le niveau de chaque délégation permettra en outre à Moscou de mesurer son influence auprès de ses partenaires orthodoxes : de Damas, où le Patriarcat d’Antioche reçoit de Moscou une aide matérielle substantielle pour survivre au conflit syrien, à Jérusalem, où les puissantes missions russes implantées au XIXe siècle reprennent de la vigueur avec la nouvelle présence russophone dans la région. Sans oublier les Églises slaves, en particulier l’Ukraine, où les orthodoxes sont plus que jamais divisés entre supporteurs de Moscou et ceux qui rejettent sa tutelle.
Reste le grand absent annoncé : le patriarche Bartholomée de Constantinople, qui avait organisé l’an dernier en Crète un concile panorthodoxe boycotté par Kirill. Sa primauté symbolique sur l’orthodoxie mondiale est plus que jamais contestée par Moscou, qui a pour lui le nombre – plus de la moitié des orthodoxes – et la puissance politique du Kremlin.
Selon une source proche d’Istanbul, ce sont les orthodoxes grecs américains, principaux soutiens du Patriarcat œcuménique, qui ont dissuadé Bartholomée de se rendre à Moscou malgré l’avis favorable des évêques européens. Outre-Atlantique, l’ombre de Vladimir Poutine sur l’élection de Donald Trump pousse à une logique de confrontation avec Moscou.
Samuel Lieven
Samuel Lieven , le 03/12/2017 à 17h01
Mis à jour le 03/12/2017 à 17h34
[size=20]Pour clôturer le centenaire de la Révolution d’octobre, le patriarche russe a réuni chez lui ses évêques et les représentants des autres Églises orthodoxes.
Un an après le concile panorthodoxe de Crète, boycotté par l’Église russe, le patriarche de Moscou entend se poser en leader naturel de l’orthodoxie mondiale.[/size]
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Le patriarche russe Kirill lors d’un office célébré à Bishkek en mai 2017. / VYACHESLAV OSELEDKO/AFP
Pour l’Église orthodoxe russe, c’est la photo de famille qui doit couronner la commémoration du centenaire de la révolution d’octobre 1917. Vendredi 1er décembre, le patriarche Kirill de Moscou a reçu les 380 évêques de son Église, venus de tout l’espace russe et des autres continents où celle-ci est présente : Europe, Amérique, Afrique et Asie.
À cette assemblée se sont ajoutés, le lendemain, les représentants des autres Églises orthodoxes du monde slave et du Proche-Orient. Soit toute l’orthodoxie mondiale (250 millions de croyants) représentée à Moscou… à l’exception notoire du patriarche œcuménique Bartholomée de Constantinople (Istanbul), qui a jusqu’au dernier moment décliné l’invitation.
> À LIRE AUSSI : L’Église orthodoxe russe accroît son influence au Proche-Orient
Vladimir Poutine lui-même doit accueillir lundi 4 décembre les chefs des délégations au Kremlin. Une manière, pour le dirigeant russe, de signifier au monde entier sa posture de défenseur de la chrétienté orthodoxe, en particulier celle des chrétiens d’Orient alors que la Russie est militairement en position de force dans la région.
Se souvenir des persécutions à l’encontre des orthodoxes
Sur le papier, c’est un événement passé inaperçu en Occident que Moscou entend célébrer en grande pompe : le centenaire du rétablissement du Patriarcat russe, qui avait été décapité par Pierre le Grand (1672-1725) et réinstallé lors du concile de Moscou de 1917-1918, en pleine tourmente révolutionnaire. Ce concile, capital pour une Église russe qui revisitait alors en profondeur sa théologie et ses structures, n’a pu être réellement mis en œuvre durant les 70 ans de persécution et d’athéisme officiel de l’URSS.
« Associer les autres Églises orthodoxes à ce centenaire, c’est pour Kirill une manière d’universaliser ce qu’a subi l’Église russe au XXe siècle, à savoir la plus importante persécution de l’histoire du christianisme », observe Nicolas Kazarian, prêtre orthodoxe à New York et chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS).
Dans la foulée, le patriarche de Moscou s’assure l’assistance de Vladimir Poutine, alors que ce dernier se refuse jusqu’au bout à commémorer l’encombrant centenaire de la Révolution d’octobre 1917.
Des orthodoxes divisés
Le niveau de chaque délégation permettra en outre à Moscou de mesurer son influence auprès de ses partenaires orthodoxes : de Damas, où le Patriarcat d’Antioche reçoit de Moscou une aide matérielle substantielle pour survivre au conflit syrien, à Jérusalem, où les puissantes missions russes implantées au XIXe siècle reprennent de la vigueur avec la nouvelle présence russophone dans la région. Sans oublier les Églises slaves, en particulier l’Ukraine, où les orthodoxes sont plus que jamais divisés entre supporteurs de Moscou et ceux qui rejettent sa tutelle.
Reste le grand absent annoncé : le patriarche Bartholomée de Constantinople, qui avait organisé l’an dernier en Crète un concile panorthodoxe boycotté par Kirill. Sa primauté symbolique sur l’orthodoxie mondiale est plus que jamais contestée par Moscou, qui a pour lui le nombre – plus de la moitié des orthodoxes – et la puissance politique du Kremlin.
Selon une source proche d’Istanbul, ce sont les orthodoxes grecs américains, principaux soutiens du Patriarcat œcuménique, qui ont dissuadé Bartholomée de se rendre à Moscou malgré l’avis favorable des évêques européens. Outre-Atlantique, l’ombre de Vladimir Poutine sur l’élection de Donald Trump pousse à une logique de confrontation avec Moscou.
Samuel Lieven