*** g90 8/1 p. 26-27 La Nouvelle Bible galloise — Un progrès? ***
Le livre qui a sauvé une langue
C’est en 1567 que fut achevée la traduction des Écritures grecques chrétiennes en gallois. On la doit principalement aux travaux de deux hommes, William Salesbury et Richard Davies, ainsi qu’à Thomas Huet, qui traduisit le livre de la Révélation (ou Apocalypse). William Morgan, hébraïsant, helléniste et latiniste, révisa plus tard leurs traductions, y ajoutant celle qu’il avait faite des Écritures hébraïques. Finalement, en 1588, la Bible fut imprimée dans son intégralité. Ainsi, conformément à l’objectif fixé, ‘chaque Gallois pourrait puiser dans sa langue la vérité des Écritures à sa source’. — Un historique du pays de Galles (angl.), de Wynford Vaughan-Thomas.
Après la publication en 1611 de la version anglaise dite Bible du roi Jacques, Richard Parry, successeur de Morgan, révisa les travaux de son prédécesseur. Sa traduction est encore utilisée de nos jours. Toutefois, comme le dit La Bible en gallois (angl.), “la Bible de Parry priva les Gallois de certains des avantages de l’érudition de Morgan”.
La traduction de Morgan est un chef-d’œuvre. Morgan se révéla également un maître de la prose, alors qu’il ne disposait d’aucun modèle. En effet, à cette époque, rien ou presque n’avait été écrit en gallois, sinon de la poésie. La chaleur, la dignité et la fluidité du style de Morgan restent, 400 ans après, une référence pour les Gallois, tant dans le langage écrit que parlé. Plus que cela, “si un livre a jamais sauvé une langue, c’est la Bible en gallois”, déclare l’historien gallois Wynford Vaughan-Thomas.
Un élément essentiel est écarté
Pour commémorer le 400e anniversaire de la parution de la Bible en gallois, une nouvelle version a été publiée en 1988, au terme de 25 années de travail. Quelles sont quelques-unes de ses particularités? Est-elle comparable à la traduction de Morgan?
Comme toutes les langues, le gallois a évolué et s’est structuré au cours des siècles. On s’attend donc à ce que cette nouvelle version, Y Beibl Cymraeg Newydd, soit écrite en “un gallois idiomatique, compréhensible pour le lecteur de cette fin de XXe siècle”. Souhaiter que “cette traduction moderne [apporte] une intelligence nouvelle de la Parole de Dieu et [suscite] chez les Gallois une prise de conscience nouvelle du message biblique” est tout à fait louable. Que dire cependant de l’affirmation selon laquelle “le principal souci des traducteurs a été de rendre aussi exactement et fidèlement que possible le sens des textes originaux”? Cette assertion est-elle fondée?
Dans les Écritures hébraïques, le nom de Dieu apparaît sous la forme du Tétragramme (יהוה), traduit en gallois par Jehofa ou Jehofah. Interrogé sur la façon dont Y Beibl Cymraeg Newydd le rendrait, le comité de traduction a répondu: “Jehofah est un nom inventé de toutes pièces! (...) Peut-être sonne-t-il bien à l’oreille, mais il ne correspond à rien dans la langue originale du récit biblique (...). Bien que ce mot [le Tétragramme] apparaisse plus de 7 000 fois dans la Bible, les Juifs disaient invariablement (le) SEIGNEUR.” Ainsi, se laissant manifestement guider par la tradition juive, le comité a choisi de ne pas traduire le nom personnel de Dieu, mais de lui substituer le terme ARGLWYDD (SEIGNEUR). Tout en désapprouvant l’usage du nom Jehofah, le comité reconnaît dans sa “Préface de l’Ancien Testament” qu’il existe une autre “façon traditionnelle de rendre le nom divin (...), à savoir Yahweh”. Alors, pourquoi ne pas avoir utilisé au moins ce terme?
À propos du texte d’Exode 3:15, la New English Bible dit dans une note en bas de page: “En hébreu, les consonnes sont YHWH, dont la prononciation probable est Yahweh; mais traditionnellement on utilise la forme Jéhovah.” Dans la New Jerusalem Bible, traduction moderne, le Tétragramme est rendu par “Yahweh”, car, comme on le lit dans la préface de l’éditeur, “dire ‘Le Seigneur est Dieu’ est une tautologie [une redondance], tout aussi sûrement que dire ‘Yahweh est Dieu’ n’en est pas une”. Y Beibl Cymraeg Newydd opte néanmoins pour la tautologie lorsque, par exemple, elle traduit comme suit Psaume 100:3: “Gwybyddwch mai’r ARGLWYDD sydd Dduw [“Sachez que le SEIGNEUR est Dieu”].”
La politique suivie par le comité de traduction de Y Beibl Cymraeg Newydd, à savoir que “lorsque le Nom Divin apparaîtra dans l’Ancien Testament (...) il sera rendu par SEIGNEUR”, est étrangement incohérente. Ainsi, on trouve les expressions “Jehofa-Nissi” (“Jéhovah est mon [poteau-]signal”) en Exode 17:15 et “Jehofa-shalom” (“Jéhovah est paix”) en Barnwyr (Juges) 6:24. Pourtant, dans d’autres expressions incluant le nom divin, telles que “Jéhovah-Jiréh” (“Jéhovah [y] veillera; Jéhovah pourvoira”) en Genèse 22:14, c’est le terme “ARGLWYDD” qui apparaît, sans aucune explication.
Cette attitude incohérente des traducteurs de Y Beibl Cymraeg Newydd contraste avec la ligne de conduite de l’hébraïsant William Morgan; il avait compris que le Tétragramme reflète la personnalité de Dieu. Ainsi, il a utilisé le nom Jehofa, par exemple en Exode 6:2, 3 et en Psaume 83:18 (19, selon certaines traductions). Il convient également de noter qu’il a employé dans les Écritures grecques le terme Jah, forme abrégée du nom divin, pour traduire l’expression “Halelu-Jah” (“Louez Jah”) en Gweledigaeth Ioan (Révélation ou Apocalypse) chapitre 19, versets 1, 3, 4 et 6.
Les Gallois louent Jéhovah
Lorsqu’il est mort en 1604, William Morgan n’avait pas fini de payer les dettes dans lesquelles l’avait plongé l’impression de sa traduction. Toutefois, il avait atteint le but qu’il s’était fixé. C’est dans une large mesure grâce à son travail de qualité réalisé avec amour que la Bible devint le précieux héritage des Gallois soucieux des questions religieuses.
Aujourd’hui, quelque 6 500 Témoins de Jéhovah répartis en plus de 80 congrégations proclament la bonne nouvelle du Royaume de Jéhovah Dieu au pays de Galles. À l’intention de ceux qui maîtrisent mal l’anglais, la Société Watch Tower publie certains de ses auxiliaires d’étude en gallois. Ainsi, quelle que soit la traduction des Écritures disponible, le nom et les desseins de Jéhovah ont de la valeur aux yeux de Ses fidèles Témoins, qui les font connaître dans tout le pays. — Ésaïe 43:10-12.