Trump veut laisser les Églises financer les candidats politiques
ALEXIS BUISSON (à New York), le 13/02/2017 à 7h48
La proposition récente du président américain de « complètement détruire » une disposition fiscale nommée « Johnson Amendment » et interdisant aux Églises de soutenir un candidat lors d’une campagne, provoque des remous dans les cercles religieux.
Donald Trump pendant sa campagne a voulu donner des gages à l’aile droite de l’électorat évangélique.
Donald Trump pendant sa campagne a voulu donner des gages à l’aile droite de l’électorat évangélique. / Nicholas Kamm/AFP
C’était le 2 février, lors du traditionnel National Prayer Breakfast à Washington. Devant un parterre de leaders religieux réunis pour ce rendez-vous annuel, auquel participe le président des États-Unis, Donald Trump a fait une déclaration politique qui n’est pas passée inaperçue : « Je vais complètement détruire l’amendement Johnson », a-t-il dit. Les réactions n’ont pas tardé à arriver.
► Qu’est-ce que l’amendement Johnson ?
Proposé en 1954 par le sénateur Lyndon Johnson, futur vice-président des États-Unis puis président après l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy, cet amendement à la loi fiscale interdit aux associations à but non lucratif, dont les lieux de culte, d’afficher des positions politiques ou de lever de l’argent pour soutenir un candidat. Les églises – ou temples, mosquées, synagogues – qui contreviennent à cette règle s’exposent à la perte de leur statut, qui leur donne droit à des exemptions fiscales et à la possibilité pour d’éventuels donateurs de déduire leur don de leurs impôts.
À l’époque, Lyndon Johnson voulait s’assurer que les pasteurs conservateurs ne profiteraient pas de leur position pour appeler à le battre lors des élections organisées cette année-là. L’amendement a été adopté sans controverse par le Congrès et jusqu’à aujourd’hui, il n’avait jamais été remis en cause.
► Pourquoi Donald Trump envisage-t-il d’abolir cet amendement ?
Cette disposition n’empêche pas les Églises de participer à la vie politique : les prêches sur des sujets sociaux et politiques ne sont pas interdits, pas plus que les initiatives d’Églises pour encourager les électeurs à aller voter.
Mais, pendant la campagne pour la dernière élection présidentielle, le candidat du Parti républicain, Donald Trump, a plusieurs fois attaqué cet amendement, au motif qu’il privait les Églises de leur liberté d’expression(et son parti de leur soutien).
Ces critiques étaient aussi une manière, pour l’aspirant président, de donner des gages à l’aile droite de l’électorat évangélique. En effet, les groupes évangéliques conservateurs, proches du Parti républicain, militaient depuis quelques années pour la suppression de l’amendement Johnson, en le dépeignant comme une atteinte à la liberté religieuse.
► Quelles seraient les conséquences de sa suppression, si elle devait aboutir ?
De nombreux représentants religieux, catholiques, protestants traditionnels et même évangéliques, accompagnés de défenseurs de la séparation de l’Église et de l’État se sont indignés face à cette hypothèse. Leur crainte : voir les Églises se transformer en des machines à financer les partis ou les candidats.
Pour Winnifred Fallers Sullivan, professeur au département d’études religieuses d’Indiana University, supprimer l’amendement serait « une manière pour Donald Trump de récompenser les leaders religieux qui l’ont soutenu ».
En cas de suppression, laquelle devra être décidée par le Congrès – et non par le président –, les effets seraient toutefois limités. « L’administration fiscale n’a pas les moyens de le faire respecter », estime la spécialiste. « J’espère qu’elle a mieux à faire ! Et de toute manière, elle n’en a pas besoin car les prêcheurs le respectent d’eux-mêmes, souligne-t-elle encore. Je pense que la plupart des Américains, quel que soit leur bord, préféreraient ne pas voir la politique s’inviter dans les églises. Celles-ci devraient être des espaces de répit par rapport à la politique partisane. »
ALEXIS BUISSON (à New York)
La Croix.
ALEXIS BUISSON (à New York), le 13/02/2017 à 7h48
La proposition récente du président américain de « complètement détruire » une disposition fiscale nommée « Johnson Amendment » et interdisant aux Églises de soutenir un candidat lors d’une campagne, provoque des remous dans les cercles religieux.
Donald Trump pendant sa campagne a voulu donner des gages à l’aile droite de l’électorat évangélique.
Donald Trump pendant sa campagne a voulu donner des gages à l’aile droite de l’électorat évangélique. / Nicholas Kamm/AFP
C’était le 2 février, lors du traditionnel National Prayer Breakfast à Washington. Devant un parterre de leaders religieux réunis pour ce rendez-vous annuel, auquel participe le président des États-Unis, Donald Trump a fait une déclaration politique qui n’est pas passée inaperçue : « Je vais complètement détruire l’amendement Johnson », a-t-il dit. Les réactions n’ont pas tardé à arriver.
► Qu’est-ce que l’amendement Johnson ?
Proposé en 1954 par le sénateur Lyndon Johnson, futur vice-président des États-Unis puis président après l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy, cet amendement à la loi fiscale interdit aux associations à but non lucratif, dont les lieux de culte, d’afficher des positions politiques ou de lever de l’argent pour soutenir un candidat. Les églises – ou temples, mosquées, synagogues – qui contreviennent à cette règle s’exposent à la perte de leur statut, qui leur donne droit à des exemptions fiscales et à la possibilité pour d’éventuels donateurs de déduire leur don de leurs impôts.
À l’époque, Lyndon Johnson voulait s’assurer que les pasteurs conservateurs ne profiteraient pas de leur position pour appeler à le battre lors des élections organisées cette année-là. L’amendement a été adopté sans controverse par le Congrès et jusqu’à aujourd’hui, il n’avait jamais été remis en cause.
► Pourquoi Donald Trump envisage-t-il d’abolir cet amendement ?
Cette disposition n’empêche pas les Églises de participer à la vie politique : les prêches sur des sujets sociaux et politiques ne sont pas interdits, pas plus que les initiatives d’Églises pour encourager les électeurs à aller voter.
Mais, pendant la campagne pour la dernière élection présidentielle, le candidat du Parti républicain, Donald Trump, a plusieurs fois attaqué cet amendement, au motif qu’il privait les Églises de leur liberté d’expression(et son parti de leur soutien).
Ces critiques étaient aussi une manière, pour l’aspirant président, de donner des gages à l’aile droite de l’électorat évangélique. En effet, les groupes évangéliques conservateurs, proches du Parti républicain, militaient depuis quelques années pour la suppression de l’amendement Johnson, en le dépeignant comme une atteinte à la liberté religieuse.
► Quelles seraient les conséquences de sa suppression, si elle devait aboutir ?
De nombreux représentants religieux, catholiques, protestants traditionnels et même évangéliques, accompagnés de défenseurs de la séparation de l’Église et de l’État se sont indignés face à cette hypothèse. Leur crainte : voir les Églises se transformer en des machines à financer les partis ou les candidats.
Pour Winnifred Fallers Sullivan, professeur au département d’études religieuses d’Indiana University, supprimer l’amendement serait « une manière pour Donald Trump de récompenser les leaders religieux qui l’ont soutenu ».
En cas de suppression, laquelle devra être décidée par le Congrès – et non par le président –, les effets seraient toutefois limités. « L’administration fiscale n’a pas les moyens de le faire respecter », estime la spécialiste. « J’espère qu’elle a mieux à faire ! Et de toute manière, elle n’en a pas besoin car les prêcheurs le respectent d’eux-mêmes, souligne-t-elle encore. Je pense que la plupart des Américains, quel que soit leur bord, préféreraient ne pas voir la politique s’inviter dans les églises. Celles-ci devraient être des espaces de répit par rapport à la politique partisane. »
ALEXIS BUISSON (à New York)
La Croix.