Les défis d'un curé de campagne
VIDÉO. Dynamique, moderne, nomade et affranchi, le père Bazin dévoile son mode de vie. Rencontre avec un prêtre aux antipodes de ceux que vous connaissez.
PAR CLARA BRUNEL ET PAULINE TISSOT
Lorsqu'il reçoit, Christophe Bazin met la main à la pâte. Pour régaler un couple de paroissiens, ce soir-là, le curé du doyenné de Luxeuil-les-Bains, en Haute-Saône, a préparé des Margherita maison. « J'ai pris des cours de cuisine », confesse-t-il sans quitter le four des yeux. Un reliquat d'accent trahit ses origines franc-comtoises. Il essuie la buée de ses lunettes à fines montures, les réajuste. Épinglé à sa chemisette bleu ciel, un pin's en forme de croix latine reflète sa profession. Originaire de Frotey-lès-Vesoul, une commune à trente minutes de route, le père Bazin exerce ses fonctions depuis treize ans.
Désigné vicaire épiscopal, soit le collaborateur immédiat de l'évêque, il s'est peu à peu vu confier trois paroisses, conséquence d'un mal du siècle que l'on dit religieux : la pénurie de prêtres. « C'est la cure d'amaigrissement de l'Église ! » pouffe-t-il en posant sa très généreuse pizza sur la table. Ornée d'effigies de divinités hindoues, la salle à manger paraît bien spacieuse pour un homme seul. À 46 ans, son occupant a fait vœu de célibat, un choix mûri. « Quand on rentre du travail, on n'a personne à qui parler, c'est sûr… La solitude est parfois difficile à gérer. » Il garnit la galette italienne de câpres, son péché mignon. Il cligne de l'œil en direction de ses convives : « Dieu soit loué, des amitiés naissent en dehors de la messe. »
Un emploi du temps de ministre « de la communion »
Ses journées tiennent du marathon. Avec 38 villages à sa charge, il parcourt près de 300 kilomètres par semaine pour accomplir ses différentes missions. Les laudes et les vêpres – ou louanges quotidiennes – délimitent son emploi du temps de ministre « de la communion ». Dès 8 h 30, il célèbre l'eucharistie auprès de fidèles isolés venus assister à la cérémonie en petit comité. Ce matin-là, seules onze silhouettes emmitouflées – il fait un froid de canard dans la nef – peuplent l'église de La Chapelle-lès-Luxeuil. « On assiste aujourd'hui à une centralisation des lieux de culte, notamment dans les villes. En milieu rural, les distances empêchent certaines personnes de se déplacer. » Une fois le pain rompu, il troque son aube [longue tunique blanche liturgique, NDLR] contre un col romain. Il remplit les verres vides de rosé : « Pour les grandes occasions, du moins ! »
S'enchaînent ensuite les réunions sans discontinuer. Le père Bazin fait du rassemblement des jeunes chrétiens une priorité. « Il aime faire le clown, ne se prend pas au sérieux… Ça accroche bien entre eux », note Catherine, 24 ans, en service civique auprès de lui depuis peu. « Les prêtres n'envoient pas tous des SMS ! souligne sa collègue Isabelle Duchanois, elle-même responsable d'un groupe paroissial. Il est rare d'avoir affaire à des curés aussi modernes. » « Il faut créer les conditions pour que Dieu se révèle », assène le chef de file à son équipe de collaborateurs. L'idée : aider de plus en plus d'individus à « trouver la foi ». Prosélytisme ? « Proposition », nuance-t-il en effleurant son bouc soigné de ses longs doigts.
Ses revenus ? Il n'en connaît pas le montant exact. Tout juste sait-on qu'il perçoit une rémunération annuelle de 3 600 euros. Les intentions de messe lui permettent de doubler son salaire de base. L'absence de loyer soulage ses fins de mois. « Un prêtre ne vit pas seulement de l'amour de Jésus et d'eau fraîche ! » plaisante-t-il avec cette grimace amusée qui le caractérise. Et d'ajouter, le plus sérieusement du monde : « C'est malheureux, mais je ne suis pas pauvre ! Je dépense peu. » Il dispose d'un repos hebdomadaire, en l'occurrence le lundi. Lui qui adore le sport en profite pour enfourcher son vélo. Autres loisirs moins avouables : les téléfilms de M6 et les mangas religieux. Ses yeux noirs s'illuminent quand il mentionne Into The Wild, son film fétiche : « La recherche abusive d'absolu du héros me fascine. » Quid de sa propre recherche d'absolu ? « Dieu est ma barque. Celui qui me porte, c'est lui. »
http://www.lepoint.fr/societe/les-defis-d-un-cure-de-campagne-08-01-2017-2095437_23.php?M_BT=52544877662&m_i=woFwRLCikYRLPCLAhp4vFIGO6j7rfLpvmTZQhEKOhBSORU6unT6SqIZ8AfLr9rPGU6nd7lyFn8z9fVxDHObbH5dCFBVwwN#xtor=EPR-6-[Newsletter-Mi-journee]-20170108
VIDÉO. Dynamique, moderne, nomade et affranchi, le père Bazin dévoile son mode de vie. Rencontre avec un prêtre aux antipodes de ceux que vous connaissez.
PAR CLARA BRUNEL ET PAULINE TISSOT
Lorsqu'il reçoit, Christophe Bazin met la main à la pâte. Pour régaler un couple de paroissiens, ce soir-là, le curé du doyenné de Luxeuil-les-Bains, en Haute-Saône, a préparé des Margherita maison. « J'ai pris des cours de cuisine », confesse-t-il sans quitter le four des yeux. Un reliquat d'accent trahit ses origines franc-comtoises. Il essuie la buée de ses lunettes à fines montures, les réajuste. Épinglé à sa chemisette bleu ciel, un pin's en forme de croix latine reflète sa profession. Originaire de Frotey-lès-Vesoul, une commune à trente minutes de route, le père Bazin exerce ses fonctions depuis treize ans.
Désigné vicaire épiscopal, soit le collaborateur immédiat de l'évêque, il s'est peu à peu vu confier trois paroisses, conséquence d'un mal du siècle que l'on dit religieux : la pénurie de prêtres. « C'est la cure d'amaigrissement de l'Église ! » pouffe-t-il en posant sa très généreuse pizza sur la table. Ornée d'effigies de divinités hindoues, la salle à manger paraît bien spacieuse pour un homme seul. À 46 ans, son occupant a fait vœu de célibat, un choix mûri. « Quand on rentre du travail, on n'a personne à qui parler, c'est sûr… La solitude est parfois difficile à gérer. » Il garnit la galette italienne de câpres, son péché mignon. Il cligne de l'œil en direction de ses convives : « Dieu soit loué, des amitiés naissent en dehors de la messe. »
Un emploi du temps de ministre « de la communion »
Ses journées tiennent du marathon. Avec 38 villages à sa charge, il parcourt près de 300 kilomètres par semaine pour accomplir ses différentes missions. Les laudes et les vêpres – ou louanges quotidiennes – délimitent son emploi du temps de ministre « de la communion ». Dès 8 h 30, il célèbre l'eucharistie auprès de fidèles isolés venus assister à la cérémonie en petit comité. Ce matin-là, seules onze silhouettes emmitouflées – il fait un froid de canard dans la nef – peuplent l'église de La Chapelle-lès-Luxeuil. « On assiste aujourd'hui à une centralisation des lieux de culte, notamment dans les villes. En milieu rural, les distances empêchent certaines personnes de se déplacer. » Une fois le pain rompu, il troque son aube [longue tunique blanche liturgique, NDLR] contre un col romain. Il remplit les verres vides de rosé : « Pour les grandes occasions, du moins ! »
S'enchaînent ensuite les réunions sans discontinuer. Le père Bazin fait du rassemblement des jeunes chrétiens une priorité. « Il aime faire le clown, ne se prend pas au sérieux… Ça accroche bien entre eux », note Catherine, 24 ans, en service civique auprès de lui depuis peu. « Les prêtres n'envoient pas tous des SMS ! souligne sa collègue Isabelle Duchanois, elle-même responsable d'un groupe paroissial. Il est rare d'avoir affaire à des curés aussi modernes. » « Il faut créer les conditions pour que Dieu se révèle », assène le chef de file à son équipe de collaborateurs. L'idée : aider de plus en plus d'individus à « trouver la foi ». Prosélytisme ? « Proposition », nuance-t-il en effleurant son bouc soigné de ses longs doigts.
Ses revenus ? Il n'en connaît pas le montant exact. Tout juste sait-on qu'il perçoit une rémunération annuelle de 3 600 euros. Les intentions de messe lui permettent de doubler son salaire de base. L'absence de loyer soulage ses fins de mois. « Un prêtre ne vit pas seulement de l'amour de Jésus et d'eau fraîche ! » plaisante-t-il avec cette grimace amusée qui le caractérise. Et d'ajouter, le plus sérieusement du monde : « C'est malheureux, mais je ne suis pas pauvre ! Je dépense peu. » Il dispose d'un repos hebdomadaire, en l'occurrence le lundi. Lui qui adore le sport en profite pour enfourcher son vélo. Autres loisirs moins avouables : les téléfilms de M6 et les mangas religieux. Ses yeux noirs s'illuminent quand il mentionne Into The Wild, son film fétiche : « La recherche abusive d'absolu du héros me fascine. » Quid de sa propre recherche d'absolu ? « Dieu est ma barque. Celui qui me porte, c'est lui. »
http://www.lepoint.fr/societe/les-defis-d-un-cure-de-campagne-08-01-2017-2095437_23.php?M_BT=52544877662&m_i=woFwRLCikYRLPCLAhp4vFIGO6j7rfLpvmTZQhEKOhBSORU6unT6SqIZ8AfLr9rPGU6nd7lyFn8z9fVxDHObbH5dCFBVwwN#xtor=EPR-6-[Newsletter-Mi-journee]-20170108