Pourquoi parle-t-on de “Christ Roi“ ?
PROPOS RECUEILLIS PAR SOPHIE LEBRUN publié le 18/11/2016
Chaque dernier week-end de novembre, les catholiques célèbrent la fête du Christ-Roi. Marquant la fin de l'année liturgique avant le temps de l'Avent, cette solennité fait de Jésus le « Christ-Roi de l'Univers », un terme qui peut interpeler aujourd'hui mais qui porte en lui une profondeur théologique fondamentale, comme l'explique le père Philippe Marie Margelidon, dominicain, théologien professeur à la faculté de théologie de l’Institut catholique et à l’Institut saint Thomas d’Aquin de Toulouse.
Qu'est-ce que le « Christ-Roi » ?
À la fin de l'année liturgique, date où est célébrée cette solennité, nous sommes dans la fin des temps. Dans l'ordre actuel du Salut, de la grâce, de la rédemption, c'est le Christ qui est le principe et la fin immédiate de toute chose. Le vocabulaire biblique parle beaucoup de la royauté de Dieu : non pas monarchique au sens politique mais au sens « monos » et « archos », de principe (créateur et providentiel), des hommes, des anges et de tout l'ordre matériel des choses. Par la puissance du Christ ressuscité, Jésus transformera toute chose : saint Paul, saint Jean le disent chacun à leur façon. La fête du Christ-Roi est donc liée au retour du Christ, elle est porteuse d'une espérance phénoménale : le Christ est victorieux du mal, il est triomphant, il restaurera à la fin des temps, lors de la parousie, toute l'œuvre de Dieu.
D'où vient la solennité du Christ-Roi ?
Pie XI a instauré cette fête liturgique en 1925. Il y avait une implication, un présupposé politique à cette création : Pie XI voulait inscrire la primauté du Christ au double plan social et politique. On parlait même de « Royauté sociale de Notre Seigneur ». Ainsi, le pape souhaitait rappeler que la religion n'est pas qu'une affaire privée. Dans la société post-révolutionnaire de l'époque, voulant se démarquer de la religion, on cherchait à neutraliser l'Église pour qu'elle ne s'immisce pas dans les affaires politiques.
Pour le pape, les sociétés ne peuvent alors être pleinement humaines qu'en étant pleinement chrétiennes.
Pie XI réaffirme alors que si la religion n'organise pas la société – en cela, il y a bien distinction des sphères religieuse et politique –, le Christ ne cesse pas de contribuer à la rénovation de la société. Le christianisme a pour vocation d'informer de l'intérieur les sociétés humaines, de contribuer à leurs élévations dans tous ses aspects. Pour le pape, les sociétés ne peuvent alors être pleinement humaines qu'en étant pleinement chrétiennes car les valeurs religieuses peuvent et doivent pénétrer la société humaine et politique. Il s'inscrit d'ailleurs dans la continuité de son prédécesseur, dont la devise papale était « Restaurer toutes choses dans le Christ » (« Instaurare Omnia in Christo »).
Pourtant, cette fête est aussi marquée idéologiquement...
En effet, la décision de Pie XI est contemporaine de la mise en place de l'Action catholique, qu'a beaucoup encouragé le pape. La fête du Christ-Roi est un moyen de remettre en ordre les rapports du spirituel et du temporel mais cela ne peut l'être qu'avec le Christ au centre. Si le pape ne précise pas les modalités pratiques de ce recentrage – République, monarchie... – il envoie un signal fort en 1926, quand il condamne l'Action Française qui est accusé d'avoir instrumentalisé le christianisme dans la sphère politique.
Cette fête avait lieu en octobre mais aujourd'hui, elle clôt l'année liturgique. D'où vient ce changement ?
C'est après Vatican II que Paul VI déplace la date. Pendant la réforme liturgique post-conciliaire, on le presse d'abandonner cette fête liturgique très récente : elle n'était pas traditionnelle... Mais le pape en fait le point final de la vie liturgique qui ouvre à une nouvelle année : il a voulu la « dés-idéologiser » pour lui donner toute sa mesure spirituelle et authentiquement biblique. La réforme de Paul VI a ainsi mis au jour de manière éclatante le sens chrétien, religieux, théologique de cette fête.
http://www.lavie.fr/religion/catholicisme/pourquoi-parle-t-on-de-christ-roi-18-11-2016-77870_16.php
PROPOS RECUEILLIS PAR SOPHIE LEBRUN publié le 18/11/2016
Chaque dernier week-end de novembre, les catholiques célèbrent la fête du Christ-Roi. Marquant la fin de l'année liturgique avant le temps de l'Avent, cette solennité fait de Jésus le « Christ-Roi de l'Univers », un terme qui peut interpeler aujourd'hui mais qui porte en lui une profondeur théologique fondamentale, comme l'explique le père Philippe Marie Margelidon, dominicain, théologien professeur à la faculté de théologie de l’Institut catholique et à l’Institut saint Thomas d’Aquin de Toulouse.
Qu'est-ce que le « Christ-Roi » ?
À la fin de l'année liturgique, date où est célébrée cette solennité, nous sommes dans la fin des temps. Dans l'ordre actuel du Salut, de la grâce, de la rédemption, c'est le Christ qui est le principe et la fin immédiate de toute chose. Le vocabulaire biblique parle beaucoup de la royauté de Dieu : non pas monarchique au sens politique mais au sens « monos » et « archos », de principe (créateur et providentiel), des hommes, des anges et de tout l'ordre matériel des choses. Par la puissance du Christ ressuscité, Jésus transformera toute chose : saint Paul, saint Jean le disent chacun à leur façon. La fête du Christ-Roi est donc liée au retour du Christ, elle est porteuse d'une espérance phénoménale : le Christ est victorieux du mal, il est triomphant, il restaurera à la fin des temps, lors de la parousie, toute l'œuvre de Dieu.
D'où vient la solennité du Christ-Roi ?
Pie XI a instauré cette fête liturgique en 1925. Il y avait une implication, un présupposé politique à cette création : Pie XI voulait inscrire la primauté du Christ au double plan social et politique. On parlait même de « Royauté sociale de Notre Seigneur ». Ainsi, le pape souhaitait rappeler que la religion n'est pas qu'une affaire privée. Dans la société post-révolutionnaire de l'époque, voulant se démarquer de la religion, on cherchait à neutraliser l'Église pour qu'elle ne s'immisce pas dans les affaires politiques.
Pour le pape, les sociétés ne peuvent alors être pleinement humaines qu'en étant pleinement chrétiennes.
Pie XI réaffirme alors que si la religion n'organise pas la société – en cela, il y a bien distinction des sphères religieuse et politique –, le Christ ne cesse pas de contribuer à la rénovation de la société. Le christianisme a pour vocation d'informer de l'intérieur les sociétés humaines, de contribuer à leurs élévations dans tous ses aspects. Pour le pape, les sociétés ne peuvent alors être pleinement humaines qu'en étant pleinement chrétiennes car les valeurs religieuses peuvent et doivent pénétrer la société humaine et politique. Il s'inscrit d'ailleurs dans la continuité de son prédécesseur, dont la devise papale était « Restaurer toutes choses dans le Christ » (« Instaurare Omnia in Christo »).
Pourtant, cette fête est aussi marquée idéologiquement...
En effet, la décision de Pie XI est contemporaine de la mise en place de l'Action catholique, qu'a beaucoup encouragé le pape. La fête du Christ-Roi est un moyen de remettre en ordre les rapports du spirituel et du temporel mais cela ne peut l'être qu'avec le Christ au centre. Si le pape ne précise pas les modalités pratiques de ce recentrage – République, monarchie... – il envoie un signal fort en 1926, quand il condamne l'Action Française qui est accusé d'avoir instrumentalisé le christianisme dans la sphère politique.
Cette fête avait lieu en octobre mais aujourd'hui, elle clôt l'année liturgique. D'où vient ce changement ?
C'est après Vatican II que Paul VI déplace la date. Pendant la réforme liturgique post-conciliaire, on le presse d'abandonner cette fête liturgique très récente : elle n'était pas traditionnelle... Mais le pape en fait le point final de la vie liturgique qui ouvre à une nouvelle année : il a voulu la « dés-idéologiser » pour lui donner toute sa mesure spirituelle et authentiquement biblique. La réforme de Paul VI a ainsi mis au jour de manière éclatante le sens chrétien, religieux, théologique de cette fête.
http://www.lavie.fr/religion/catholicisme/pourquoi-parle-t-on-de-christ-roi-18-11-2016-77870_16.php