L’enfant et la religion ( 654)
avocats006_17_1Un enfant – soit juridiquement la personne âgée de moins de 18 ans – peut-il faire choix d’une religion, la pratiquer et exprimer ses convictions ?
Plus que jamais la question mérite d’être posée avec dans notre pays plusieurs centaines – plusieurs milliers ? – d’adolescents qui affirment et affichent leur foi religieuse, voire sont prêts, en son nom, à tous les extrêmes.
On perçoit aisément l’inquiétude, sinon l’angoisse, des parents ou des proches devant un comportement paroxystique et leur souci de mettre un frein à ce qui est perçu comme une dérive. On entend la difficulté de l’exercice avec des jeunes, filles comme garçons – et à l‘expérience encore plus pour les filles que pour les garçons – dressés face aux adultes dans ce qu’on appelle communément la crise d’adolescence. Il est aisé pour ces jeunes de prendre les adultes dans leurs contradictions : comment peuvent-ils affirmer la liberté de conscience et s’y opposer concernant leur enfant ? Il faudra aux parents faire preuve de beaucoup de diplomatie et avaler quelques couleuvres pour parvenir, s’ils y parviennent, à leur fin. D’autant que la concurrence est rude sur internet et dans les quartiers avec les prédicateurs de tous poils en contact avec ces jeunes
Laissons en l’état ces difficultés factuelles pour nous attacher à un aspect ponctuel, mais majeur : que dit le droit ? Reconnaît-il la liberté de conscience aux plus jeunes ?
A priori, les parents se voient reconnaître aujourd’hui par la loi nationale et internationale le droit – et le devoir – d’éduquer leurs enfants dans les valeurs auxquelles ils adhérent. La puissance publique (d’Etat et territoriale) se doit de respecter leurs convictions, mais l’histoire et l’actualité sont là, s’il le fallait, pour rappeler que beaucoup de familles sont encore pourchassées en raison de leurs convictions religieuses. Tous les cultes ont vécu ou supportent ces mauvais traitements et ces avanies.
Le droit international est pourtant clair : il consacre la liberté de conscience de chacun – sans considération de sexe ou de seuil d’âge – d’où découlent la liberté de pensée, la liberté religieuse avec le droit de croire et de ne pas croire, le droit d’exprimer ses convictions et de pratiquer son culte.
L’enfant partage naturellement et simplement la religion de ses parents. De fait, historiquement et de par le monde, on est catholiques, protestants, musulmans … ou athees en famille. On ajouterait qu’on le veuille ou pas !
Plus largement, traditionnellement, on admet qu’il revient aux parents – dans d’autres cultures on vise le groupe ou la communauté -, de veiller à l’éducation morale et spirituelle de leur enfant. Ne le voudraient-ils pas qu’ils joueraient un rôle non négligeable sur ce point. L’enfant est un » être situé » au sens où, dès la conception, il est dépendant et en osmose avec son milieu naturel. Il va, petit à petit, prendre ses distances – on dit son autonomie -, mais rarement totalement tellement chacun d’entre nous est intrinsèquement fait de son histoire. C’est une réalité universelle et intemporelle que l’enfant va s’élever dans l’ensemble des normes explicites et implicites, des modes d’organisation, de pensée, de comportements de ceux qui l’environnement, sa famille bien sûr en premier lieu, mais son quartier, son époque, etc. Et puis va arriver le moment où l’individu ne sera plus explicitement sous influence : il va sans doute faire siennes nombre de ces valeurs, mais se distancier d’autres, en trouver qui seront les siennes. Le tout constituera ses références personnelles. Ainsi nombre de frères et de soeurs élevés à la même mamelle familiale sont singulièrement différents dans leurs convictions intimes et encore dans leurs grandes valeurs de référence. On pourrait prendre des exemples tirés de la vie politique qui montrent bien que les itinéraires personnels ne sont pas que déterminé par la culture familiale ou clanique. Fort heureusement !
En d’autres termes, les attitudes des adultes qui forment le premier cercle de la vie de l’enfant va rejaillir sur l’être en développement qu’il est.
Quand on sait par ailleurs l’importance de convictions religieuses – entendues ici au sens large c’est-à-dire en allant jusqu’à l’agnosticisme – pour les individus et les groupes d’appartenance, on mesure le souci qu’ont la plupart des parents de les faire partager à leurs descendants.
Il y a encore ce souci de nombre de gens de s’identifier à travers l’appartenance des convictions religieuses et donc tous naturellement la préoccupation d’y attraper ses propres enfants. Cela est tellement vrai que l’histoire ne manque pas d’exemples de massacres d’enfants même en très bas-âge pour éviter la propagation des idées religieuses pourchassées.
Tout simplement, il est de l’ordre de toutes les religions d’attendre de leurs adeptes le nécessaire pour transmettre leur foi à leurs enfants. Certaines l’affirment et souhaitent que rien ne soit négligé pour y tendre. Ainsi les catholiques se doivent de faire baptiser leurs enfants dans les première semaines (Canon 867 §1) et de leur donner un enseignement religieux.
Cette influence de fait, ce souci de faire partager à l’enfant ce à quoi l’on croit, cette volonté de s’identifier à un groupe ou que culture de référence, il s’en fallait pas plus pour affirmer qu’il appartient aux parents de contribuer au choix des convictions religieuses de l’enfant. Et tout naturellement cette norme se devait de devenir la loi.
Cette reconnaissance va très loin puisqu’elle peut conduire à autoriser des actes et des comportements de la part des parents qui, de facto, contribuent à inscrire l’enfant dans leur religion. On pense bien sûr à la circoncision sachant que l’excision parmi d’autres pratiques peut aussi avoir cette dimension.
Ces attitudes supportent une interpellation si l’on entend prendre en compte les droits propres de l’enfant. Ne va-t-il pas se retrouver embarqué dans la pratique d’une foi à laquelle il n’adhère pas, pire d’un marquage fort, voire irréversible, dans son corps.
La question de la circoncision est ainsi très sulfureuse et pour la communauté israélite une ligne jaune dont il ne faudrait pas s’approcher. Qu’on veuille bien se souvenir des réactions suscitées par le jugement du tribunal de Francfort qui condamna la pratique de la circoncision pour des raisons autres que médicales et, en reflexe, l’adoption d’une loi pour consacrer sa légalité. De même le tollé suscité par la décision du Conseil de l’Europe recommandant aux Etats de condamner l’excision et … d’ouvrir un débat sur la circoncision religieuse.[1]
A l’inverse la puissance publique française s’autorise à passer outre aux convictions religieuses quand les parents par le respect de certaines règles mettent en danger leur enfant. Ce sera le cas pour les Témoins de Jéhovah qui refusent toute transfusion sanguine voire toute opération sur leur enfant. Le médecin seul en extrême urgence avec un diagnostic vital, le parquet en urgence relative, le juge des enfants à froid peuvent passer outre à un refus opposé par les parents (décret sur les centres hospitaliers de 1972, articles L 1111 et s Code de la sante, puis art. 375-7 C.civ.).
Sans s’arrêter plus à ces situations paroxystiques, les difficultés ne manquent pas pour prendre en compte les droits reconnus aux parents. Qu’est ce que la religion des parents ? Et si l’on est agnostique. S’ils sont des religions différentes quelle sera la religion de l’enfant ? Et s’ils évoluent dans leurs convictions, les enfants devront-ils suivre ? Les parents peuvent s’entendre, mais aussi ne pas vouloir céder un once de terrain sur un sujet aussi essentiel pour la structuration de la personnalité de leur enfant. Comment régler ce différent ? Et tout simplement pensera-t-on prendre en compte le point de vue l’enfant ?
Le pouvoir d’influence reconnu aux parents ne date pas d’aujourd’hui. On se référera avec intérêt au jurisconsulte Grotius (1583-1645) cité par Mme Sabine Besson [2] : » La raison veut que ceux qui ne sont pas capables de se conduite se laissent conduire par autrui; or, il n’y a personne sur qui l’emploi de gouverner un enfant tombe plus naturellement que sur ceux qui lui ont donné naissance « .
Notre code civil s’inscrit dans cette veine : les parents ont une vocation première à assumer l’éducation de leur enfants (art. 371-2 du code civil) et de tout naturellement à veiller à son éducation quelle soit morale ou religieuse.
Notre droit a eu le souci de libérer les familles de toute contrainte extérieure comme celles de l’Etat qui n’a pas à se mêler de ce qui fait le cœur de la vie privée des individus. La Cour européenne des droits de l’homme a eu en plusieurs occasions de condamner toute tentative d’endoctrinement religieux par l’Etat. En revanche, une éducation aux religions, à une approche comparative des principales religions, à leur contenu et à leur l’influence historique serait compatible avec ce principe de neutralité de l’Etat.
Des difficultés peuvent apparaître quand les parents ont des convictions religieuses différentes (ou que l’un en a quand l’autre s’y refuse) et s’opposent sur l’orientation à donner à l’enfant. Il n’y a ici qu’une déclinaison des règles de l’exercice de l’autorité parentale auxquelles on renverra.
Dans l’hypothèse où un seul parent a reconnu l’enfant et a l’exercice complet de l’autorité parentale, il est » maître » à bord … sous réserve on le verra du droit de l’enfant de faire valoir son point de vue. Dans le cas où il y a co-responsabilité parentale que le couple soit marié ou non, la donne peut être plus délicate.
Il arrivera fréquemment qui l’un des parents ne s’oppose pas à la pratique de l’autre pour l’enfant. S’il y a conflit on trouvera un point d’application de la théorie des actes usuels : ainsi inscrire l’enfant dans une école laïque ou religieuse est-il un acte usuel dans cette famille. En cas de conflit, la règle usuelle doit être suivie (art. 372-1 du code civil : » la pratique qu’ils avaient précédemment pu suivre dans des circonstances semblables » ) sauf exception justifiée que le juge appréciera car après tout ce qui est bon pour un enfant peut ne pas s’avérer l’être pour l’autre. La loi (art. 376 -1 code civil) autorise les parents à dire dans un pacte ce qu’ils envisagent à la matière. Ce pacte servira de référence en cas de difficultés. Force est de constater que quasiment aucun couple ne recourt à cette formule du pacte. Au mieux ils se seront entendus de fait avant que le « problème » ne se pose en recherchant un terrain d’entente où chacun respecte l’autre.
Des convictions peuvent apparaître ou s’accentuer qui transforment éventuellement la donne. Par exemple, le fait que tel parent se convertisse à telle croyance. S’il n’y a pas d’usage ou de pacte entre parents, là encore il faudra se référer au juge en cas de difficulté. C’est le juge aux affaires familiales qui aujourd’hui – depuis la loi du 8 janvier 1993 – a compétence dans ce domaine que le couple parentale soit ou non uni par les liens du mariage.
L’idée-clé qui ressort des décisions de justice est de respecter les acquis et de résister aux changements. Il y a peu de décision judiciaire en la matière et il faut les prendre toutes comme des cas d’espèce.
Certains magistrats trouvent la neutralité dans le refus de toute approche religieuse, d’autres recherche un » panachage » entre l’information donnée par l’un des parents et celle donnée par l’autre.
Allant dans ce sens ne peut-on pas affirmer que le choix des convictions religieuses ne ressort pas du groupe en l’espèce familial , mais est une liberté fondamentale. Un droit pour l’enfant et d’une manière générale pour tout individu; un droit qui va s’exercer petit à petit allant jusqu’à s’affirmer ou s’afficher publiquement quand l’individu s’en sentira la force.
L’enfant peut-il s’autonomiser de cette pression, sinon de cette influence familiale ?
Jusqu’à la Convention internationale relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 on s’attachait essentiellement à garantir la liberté de conscience et de pratique religieuse des parents. Tout en réaffirmant la légitimité et la légalité de la démarche parentale, la loi en est venue à reconnaître explicitement les droits et libertés de l’enfant. L’enfant n‘est-il pas une personne comme l’affirmait notamment Catherine Dolto. Comme tel ne doit-il pas disposer de la liberté de conscience et donc de la liberté de religion.
APetitjugeborder cette question suppose qu’on soit au clair sur le statut fait à l’enfant. Très tôt – et déjà fœtus – l’enfant a des droits, comme celui d’accéder aux soins ou à l’éducation. Durant la petite enfance ses droits vont être exercés par les titulaires de l’autorité parentale, parents ou tuteur. Sa capacité d’agir personnellement est réduite. La loi lui reconnaît personnellement certains droits qu’il peut exercer personnellement comme celui de consentir à son adoption à 13 ans. Il peut saisir un juge des enfants, demandé à être entendu par un juge aux affaits familiales ou porter plaintes dès qu’il a le discernement. Surtout il pourra se voir condamné pour être l’auteur d’une infraction – par exemple un vol – dès lors qu’on estimera qu’il avait le discernement le jour des faits. [3] La loi ne fixe pas de seuil d’âge, mais ce discernement sera généralement tenu pour acquis auteur de 7 – 8 ans. Pour revenir à notre sujet on image difficilement un enfant de 6 ou 7 ans souhaitant se convertir en connaissance de cause mais on peut voir des enfants ce cet âge refuser de suivre telle ou telle pratique religieuse
De fait l’emprise familiale est souvent ici à son maximum. L’enfant peut-il légalement s’en abstraire ? Trois questions concrètes se présentent.
1 – L’enfant peut-il choisir sa religion et déjà refuser celle que l’on souhaiterait lui imposer ?
La question est aujourd’hui d’une grande acuité.
Dans un arrêt du 11 juin 1991 la Cour de cassation répondait péremptoirement par la négative : avant 18 ans un enfant ne peut pas choisi sa religion. En l’espèce une jeune fille de 16 ans, élevée dans la religion catholique par sa mère souhaitait suivre l’exemple de son père en devenant, avec l’accord celui-ci, les deux parents étant divorcés, Témoin de Jéhovah.
Le juge des tutelles alors compétent et le tribunal de grande instance saisi en appel avaient estimé que la mère » s’opposait à juste titre au baptême de son enfant « . Indéniablement le TGI tenait compte de ce que la jeune fille entend recevoir le baptême des Témoins de Jéhovah, c’est-à-dire s’inscrire dans une secte qui même si elle n’est pas comparable à d’autres qui asservissent les individus « implique un endoctrinement considérable, totalement incompatible avec le désir de noire société de ne pas imposer à des adolescents un quelconque carcan ». Le tribunal décidant alors que « c’est seulement quand elle serait majeure que la jeune Catherine pourra faire le choix de cette religion « . On doit lui refuser le baptême des Témoins de Jéhovah car « ce sacrement ne fera que l’ancrer davantage dans une religion qui, dans ses exigences énormes ne doit s’adresser qu’aux adultes du moins lorsqu’il s’agit d’une conversion « .[4]
La Cour de Cassation rejeta le pourvoi du père visant à permettre que sa fille soit autorisée à se faire baptiser et estima « qu’il convenait d’attendre qu’elle soit devenue majeure pour exercer ce choix. » En d’autres termes, elle déniait à l’enfant mineur le droit de choisir sa religion. En tous cas, la Cour de Cassation ne devait pas avoir connaissance de la Convention des Nations unies sur les droits de l’enfant ratifiée par la France deux ans plus tôt qui dans son article 14 reconnaît explicitement la liberté de conscience et religion des enfants. Qu’on en juge :
Article 14
Les Etats parties respectent le droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion.
On rappellera que la Convention des Nations unies du 20 novembre 1989 dument ratifiée par la France et sans réserves portant sur ce point, comme toute traite (article 55 de la Constitution) a valeur constitutionnelle c’est-à-dire l’emporte sur toutes les dispositions législatives contraires qui pourraient exister. Elle est même self–executing [5] et peut être invoquée directement devant les tribunaux. En d’autres termes, juridiquement un enfant est en droit de refuser de faire le choix de telle religion. D’abord, et le droit n’a rien faire dans ce domaine, parce que nul ne peut pénétrer l’esprit et avoir prise sur les convictions intimes d’un individu. On peut s’y évertuer ; on peut y parvenir fréquemment par la conviction voire en instaurant une emprise sur la personne, mais celle-ci peut résiste
Bien évidemment la Convention ne néglige pas le rôle des parents pour guider leur enfant et l’accompagner. L’alinéa 2 reprend alors les textes déjà acquis comme l’avait l’article 18 al. 4 du Pacte sur les Droits civiques et politiques des Nations unies de 1966 : » Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à faire respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions. »
Article 14
Les Etats parties respectent le droit et le devoir des parents ou, le cas échéant, des représentants légaux de l’enfant, de guider celui-ci dans l’exercice du droit susmentionné d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités.
En d’autres termes les parents sont droit de « guider » leur enfant mais celui-ci est tout aussi en droit de ne pas y consentir et tout simplement de revendiquer d’être agnostique.
A quel âge l’enfant a t-il la compétence pour exercer ses droits? La loi ne fixe pas de seuil d’âge ; comme il a été dit supra elle renvoie ici comme en d’autres domaines au discernement c’est-à-dire a priori 7-8 ans.
En pratique l’enfant pourra rencontrer des difficultés dans la mise en oeuvre de son droit. Ne fut-ce que parce que la pression familiale implicite ou explicite s’y opposera fortement. Il peut se trouver en danger physique. Il lui faudra souvent composer et attendre.
Certains auront pu subir une atteinte physique comme la circoncision pour marquer leur appartenance à une communauté religieuse. On verra et on voit déjà de plus en plus souvent des adolescents revendiquer une foi religieuse indépendamment de leur famille.
JP RosenczveigBeaucoup s’en inquiètent, et déjà les parents, qui aujourd’hui, plus que jamais craignent les excès et les dérapages de la part de jeunes qui recherchent souvent dans la foi un cadre structurant et identifiant. Comment ne pas très préoccupé quand des jeunes filles coquettes, pleines de vie, avides de sortir et de s’amuser changent radicalement de comportement et d’habillement ou quand du jour au lendemain un garçon troque son jean pour une djellaba et se fait pousser la barbe pour ne s’attacher qu’à quelques signes parmi d’autres
La tentation est grande vouloir poser un interdit. Un moindre mal ! Outre la légalité de l’attitude, nos textes consacrent formellement la liberté de conscience, se pose la question de la faisabilité.
2 – L’enfant peut-il pratiquer sa religion ?
Il faut aussi répondre par l’affirmative dès lors que l’environnement sociétal et familial n’y mettent pas obstacle
Un enfant confié à une institution est en droit de vouloir et de pouvoir exercer sa religion. Catholique il doit pouvoir aller à la messe … si l’on dispose permettant de l’y conduire ou de faciliter son déplacement. La chose peut être malaisée s’il la structure est éloignée du milieu urbain. Musulman il doit pouvoir faire des prières ou ses ablutions dès lors qu’il ne perturbe pas la vie de l’institution.
3- L’enfant peut il exprimer ses convictions religieuses ?
Là encore oui dans le respect des règles posées par la République
Aux termes de l’article 14 al.3 de la CIDE seule la loi peut porter atteinte à l’expression des convictions religieuses – une simple circulaire n’y suffirait pas – et encore faut-il un trouble à l’ordre public.
Article 14
La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut être soumise qu’aux seules restrictions qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires pour préserver la sûreté publique, l’ordre public, la santé et la moralité publiques, ou les libertés et droits fondamentaux d’autrui.
L’ordre public est un concept très relatif et infiniment politique. Il était troublé à Creil avec trois jeunes filles qui se présentaient au collège avec un voile sur la tête quand, dans nombre d’autres endroits de France, les 2000 jeunes filles qui dans cette époque avaient la même démarche ne suscitaient pas de trouble à l’ordre public. A Creil on avait un principal revendiquant son appartenance à l’UMP s’apposant à une instrumentalisation de ces jeunes filles ! La loi du 9 pars 2004 confirme la liberté d’exprimer ses convictions religieuses mais à condition, dans l’espace scolaires de ne pas avoir une attitude ostentatoire et prosélyte. Elle renvoie au cas par cas le soin d’apprécier si tel morceau de tissu, telle croix, etc. peut père qualifié de signe religieux ostentatoire. La différence entre un voile et un bandana est tenue. Dans un souci d’apaisement et de pédagogie la loi demande d’instaurer un dialogue, de tenter de convaincre les jeunes concernés avant d’envisager une exclusion scolaire. [6]
On ajoutera que l’article 1200 CPC – daté de 1981 – affirme également le souci de respecter la liberté de conscience des enfants pris en charge dans e cadre de l’assistance éducative définie par les articles 375 et s du code civil. Le juge doit prendre en compte les convictions religieuses des parents certes, mais aussi de l’enfant :
Article 1200 CPC
Créé par Décret 81-500 1981-05-12 art. 5 et 52 « Dans l’application de l’assistance éducative, il doit être tenu compte des convictions religieuses ou philosophiques du mineur et de sa famille. »
avocat_jeuneEn d’autres termes, dans la conception moderne de l’enfant, être de chair et de sans, doué d’une sensibilité et d’affects, susceptible de réfléchir, capable selon l’âge et le sujet à décider pour ce qui le concerne, notre droit a été amené à consacrer la liberté de conscience de religion des personnes de moins de 18 ans. Telle est la norme internationale ! On voit au passage la rupture par rapport à l’approche traditionnelle où l’enfant est propriété de ses parents ; lesquels exercent sinon un droit de vie et de mort, du moins aujourd’hui une autorité sans contrôle ou sous un contrôle très cantonné de la puissance publique ; l’enfant est un être privé et public ; il est certes incapable, mais peut exercer les droits et libertés reconnus par la loi s’il a le discernement, quitte à assumer les responsabilités disciplinaires, civiles et pénales qui en découlent.
Il reste aux parents qui ont le sentiment que leur enfant est victime d’une emprise préoccupante à dialoguer, à convaincre, en tous cas à éviter de rompre le fil du dialogue. Le simple registre de l’autorité ne suffit pas. Il est largement passé le temps où l’on pouvait penser qu’un embastillement ou un placement au couvent pouvait faire officebalance
Sur ce sujet on ne peut plus sensible au regard des libertés individuelles et de l’ordre social, l’affirmation de l’enfant comme personne conduit inéluctablement à consacrer le droit de l’enfant douté de discernement de choisir sa religion ou son agnostisme Il pourra exerccer son culte et d’une manière générale exprimer ses convictions dans le respect des autres et de l’ordre public.
Il n’est pas certain que tous les parents et les adultes en général soient au clair sur nos règles du jeu juridiques.
[1] Les autorités représentant la communauté juive de France ont du s’offrir une pleine page du journal Le Monde pour appeler la jouissance publique à respecter une « pratique millénaire ». Le président Hollande les recevant leur déclara qu’il n’était pas question de toucher à quoi que ce soit ! Exit même le débat souhaité par le Conseil de l’Europe avec, au fond, la question de savoir si le corps de l’enfant lui appartient ou pas.
[2] Droit de la famille, religions et sectes, p. 70, Ed. EMCC, mars 1997
[3] Jusqu’à 10 ans il n’encourt que des mesures éducatives, à 10 ans on peut aussi prononcer des sanctions éducatives, à partir de 13 ans des peines peuvent également être prononcées
[4] L’idée est tout simplement insupportable qu’il y aurait des religions auxquelles on peut se convertir et pas d’autres ! Faut-il rappeler qu’une secte est une religion qui n’a pas encore réussi et qu’au temps jadis les chrétiens ont été persécutés par les païens ! Où il est bien démontré que la Cour de Cassation ne juge pas en droit mais en fait. Il est indéniable que derrière l’intérêt de l’enfant, c’est la » secte » qui fait peur ! On notera au passage – et cela conforte notre thèse – que la juridiction parle dans un temps de » secte « , puis de » religion » mélangeant allègrement les concepts
[5] Il a quand même fallu attendre 2005 pour que la Cour de cassation lui reconnaisse cette portée quitte à vérifier point par point celles de ses dispositions qui peuvent s’appliquer directement quand le Conseil d’Etat n’avait pas hésite à le dire d’entrée de jeu .
[6] Juridiquement cette loi ne s’imposait pas : la jurisprudence du Conseil d’Etat traçait clairement le cadre, mais une loi est plus qu’un instrument juridique technique, elle a une portée politique et il était important que la République marque alors une limite à ceux qui l’interpellait
http://jprosen.blog.lemonde.fr/2016/11/01/lenfant-et-la-religion-654/
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Plus que jamais la question mérite d’être posée avec dans notre pays plusieurs centaines – plusieurs milliers ? – d’adolescents qui affirment et affichent leur foi religieuse, voire sont prêts, en son nom, à tous les extrêmes.
On perçoit aisément l’inquiétude, sinon l’angoisse, des parents ou des proches devant un comportement paroxystique et leur souci de mettre un frein à ce qui est perçu comme une dérive. On entend la difficulté de l’exercice avec des jeunes, filles comme garçons – et à l‘expérience encore plus pour les filles que pour les garçons – dressés face aux adultes dans ce qu’on appelle communément la crise d’adolescence. Il est aisé pour ces jeunes de prendre les adultes dans leurs contradictions : comment peuvent-ils affirmer la liberté de conscience et s’y opposer concernant leur enfant ? Il faudra aux parents faire preuve de beaucoup de diplomatie et avaler quelques couleuvres pour parvenir, s’ils y parviennent, à leur fin. D’autant que la concurrence est rude sur internet et dans les quartiers avec les prédicateurs de tous poils en contact avec ces jeunes
Laissons en l’état ces difficultés factuelles pour nous attacher à un aspect ponctuel, mais majeur : que dit le droit ? Reconnaît-il la liberté de conscience aux plus jeunes ?
A priori, les parents se voient reconnaître aujourd’hui par la loi nationale et internationale le droit – et le devoir – d’éduquer leurs enfants dans les valeurs auxquelles ils adhérent. La puissance publique (d’Etat et territoriale) se doit de respecter leurs convictions, mais l’histoire et l’actualité sont là, s’il le fallait, pour rappeler que beaucoup de familles sont encore pourchassées en raison de leurs convictions religieuses. Tous les cultes ont vécu ou supportent ces mauvais traitements et ces avanies.
Le droit international est pourtant clair : il consacre la liberté de conscience de chacun – sans considération de sexe ou de seuil d’âge – d’où découlent la liberté de pensée, la liberté religieuse avec le droit de croire et de ne pas croire, le droit d’exprimer ses convictions et de pratiquer son culte.
L’enfant partage naturellement et simplement la religion de ses parents. De fait, historiquement et de par le monde, on est catholiques, protestants, musulmans … ou athees en famille. On ajouterait qu’on le veuille ou pas !
Plus largement, traditionnellement, on admet qu’il revient aux parents – dans d’autres cultures on vise le groupe ou la communauté -, de veiller à l’éducation morale et spirituelle de leur enfant. Ne le voudraient-ils pas qu’ils joueraient un rôle non négligeable sur ce point. L’enfant est un » être situé » au sens où, dès la conception, il est dépendant et en osmose avec son milieu naturel. Il va, petit à petit, prendre ses distances – on dit son autonomie -, mais rarement totalement tellement chacun d’entre nous est intrinsèquement fait de son histoire. C’est une réalité universelle et intemporelle que l’enfant va s’élever dans l’ensemble des normes explicites et implicites, des modes d’organisation, de pensée, de comportements de ceux qui l’environnement, sa famille bien sûr en premier lieu, mais son quartier, son époque, etc. Et puis va arriver le moment où l’individu ne sera plus explicitement sous influence : il va sans doute faire siennes nombre de ces valeurs, mais se distancier d’autres, en trouver qui seront les siennes. Le tout constituera ses références personnelles. Ainsi nombre de frères et de soeurs élevés à la même mamelle familiale sont singulièrement différents dans leurs convictions intimes et encore dans leurs grandes valeurs de référence. On pourrait prendre des exemples tirés de la vie politique qui montrent bien que les itinéraires personnels ne sont pas que déterminé par la culture familiale ou clanique. Fort heureusement !
En d’autres termes, les attitudes des adultes qui forment le premier cercle de la vie de l’enfant va rejaillir sur l’être en développement qu’il est.
Quand on sait par ailleurs l’importance de convictions religieuses – entendues ici au sens large c’est-à-dire en allant jusqu’à l’agnosticisme – pour les individus et les groupes d’appartenance, on mesure le souci qu’ont la plupart des parents de les faire partager à leurs descendants.
Il y a encore ce souci de nombre de gens de s’identifier à travers l’appartenance des convictions religieuses et donc tous naturellement la préoccupation d’y attraper ses propres enfants. Cela est tellement vrai que l’histoire ne manque pas d’exemples de massacres d’enfants même en très bas-âge pour éviter la propagation des idées religieuses pourchassées.
Tout simplement, il est de l’ordre de toutes les religions d’attendre de leurs adeptes le nécessaire pour transmettre leur foi à leurs enfants. Certaines l’affirment et souhaitent que rien ne soit négligé pour y tendre. Ainsi les catholiques se doivent de faire baptiser leurs enfants dans les première semaines (Canon 867 §1) et de leur donner un enseignement religieux.
Cette influence de fait, ce souci de faire partager à l’enfant ce à quoi l’on croit, cette volonté de s’identifier à un groupe ou que culture de référence, il s’en fallait pas plus pour affirmer qu’il appartient aux parents de contribuer au choix des convictions religieuses de l’enfant. Et tout naturellement cette norme se devait de devenir la loi.
Cette reconnaissance va très loin puisqu’elle peut conduire à autoriser des actes et des comportements de la part des parents qui, de facto, contribuent à inscrire l’enfant dans leur religion. On pense bien sûr à la circoncision sachant que l’excision parmi d’autres pratiques peut aussi avoir cette dimension.
Ces attitudes supportent une interpellation si l’on entend prendre en compte les droits propres de l’enfant. Ne va-t-il pas se retrouver embarqué dans la pratique d’une foi à laquelle il n’adhère pas, pire d’un marquage fort, voire irréversible, dans son corps.
La question de la circoncision est ainsi très sulfureuse et pour la communauté israélite une ligne jaune dont il ne faudrait pas s’approcher. Qu’on veuille bien se souvenir des réactions suscitées par le jugement du tribunal de Francfort qui condamna la pratique de la circoncision pour des raisons autres que médicales et, en reflexe, l’adoption d’une loi pour consacrer sa légalité. De même le tollé suscité par la décision du Conseil de l’Europe recommandant aux Etats de condamner l’excision et … d’ouvrir un débat sur la circoncision religieuse.[1]
A l’inverse la puissance publique française s’autorise à passer outre aux convictions religieuses quand les parents par le respect de certaines règles mettent en danger leur enfant. Ce sera le cas pour les Témoins de Jéhovah qui refusent toute transfusion sanguine voire toute opération sur leur enfant. Le médecin seul en extrême urgence avec un diagnostic vital, le parquet en urgence relative, le juge des enfants à froid peuvent passer outre à un refus opposé par les parents (décret sur les centres hospitaliers de 1972, articles L 1111 et s Code de la sante, puis art. 375-7 C.civ.).
Sans s’arrêter plus à ces situations paroxystiques, les difficultés ne manquent pas pour prendre en compte les droits reconnus aux parents. Qu’est ce que la religion des parents ? Et si l’on est agnostique. S’ils sont des religions différentes quelle sera la religion de l’enfant ? Et s’ils évoluent dans leurs convictions, les enfants devront-ils suivre ? Les parents peuvent s’entendre, mais aussi ne pas vouloir céder un once de terrain sur un sujet aussi essentiel pour la structuration de la personnalité de leur enfant. Comment régler ce différent ? Et tout simplement pensera-t-on prendre en compte le point de vue l’enfant ?
Le pouvoir d’influence reconnu aux parents ne date pas d’aujourd’hui. On se référera avec intérêt au jurisconsulte Grotius (1583-1645) cité par Mme Sabine Besson [2] : » La raison veut que ceux qui ne sont pas capables de se conduite se laissent conduire par autrui; or, il n’y a personne sur qui l’emploi de gouverner un enfant tombe plus naturellement que sur ceux qui lui ont donné naissance « .
Notre code civil s’inscrit dans cette veine : les parents ont une vocation première à assumer l’éducation de leur enfants (art. 371-2 du code civil) et de tout naturellement à veiller à son éducation quelle soit morale ou religieuse.
Notre droit a eu le souci de libérer les familles de toute contrainte extérieure comme celles de l’Etat qui n’a pas à se mêler de ce qui fait le cœur de la vie privée des individus. La Cour européenne des droits de l’homme a eu en plusieurs occasions de condamner toute tentative d’endoctrinement religieux par l’Etat. En revanche, une éducation aux religions, à une approche comparative des principales religions, à leur contenu et à leur l’influence historique serait compatible avec ce principe de neutralité de l’Etat.
Des difficultés peuvent apparaître quand les parents ont des convictions religieuses différentes (ou que l’un en a quand l’autre s’y refuse) et s’opposent sur l’orientation à donner à l’enfant. Il n’y a ici qu’une déclinaison des règles de l’exercice de l’autorité parentale auxquelles on renverra.
Dans l’hypothèse où un seul parent a reconnu l’enfant et a l’exercice complet de l’autorité parentale, il est » maître » à bord … sous réserve on le verra du droit de l’enfant de faire valoir son point de vue. Dans le cas où il y a co-responsabilité parentale que le couple soit marié ou non, la donne peut être plus délicate.
Il arrivera fréquemment qui l’un des parents ne s’oppose pas à la pratique de l’autre pour l’enfant. S’il y a conflit on trouvera un point d’application de la théorie des actes usuels : ainsi inscrire l’enfant dans une école laïque ou religieuse est-il un acte usuel dans cette famille. En cas de conflit, la règle usuelle doit être suivie (art. 372-1 du code civil : » la pratique qu’ils avaient précédemment pu suivre dans des circonstances semblables » ) sauf exception justifiée que le juge appréciera car après tout ce qui est bon pour un enfant peut ne pas s’avérer l’être pour l’autre. La loi (art. 376 -1 code civil) autorise les parents à dire dans un pacte ce qu’ils envisagent à la matière. Ce pacte servira de référence en cas de difficultés. Force est de constater que quasiment aucun couple ne recourt à cette formule du pacte. Au mieux ils se seront entendus de fait avant que le « problème » ne se pose en recherchant un terrain d’entente où chacun respecte l’autre.
Des convictions peuvent apparaître ou s’accentuer qui transforment éventuellement la donne. Par exemple, le fait que tel parent se convertisse à telle croyance. S’il n’y a pas d’usage ou de pacte entre parents, là encore il faudra se référer au juge en cas de difficulté. C’est le juge aux affaires familiales qui aujourd’hui – depuis la loi du 8 janvier 1993 – a compétence dans ce domaine que le couple parentale soit ou non uni par les liens du mariage.
L’idée-clé qui ressort des décisions de justice est de respecter les acquis et de résister aux changements. Il y a peu de décision judiciaire en la matière et il faut les prendre toutes comme des cas d’espèce.
Certains magistrats trouvent la neutralité dans le refus de toute approche religieuse, d’autres recherche un » panachage » entre l’information donnée par l’un des parents et celle donnée par l’autre.
Allant dans ce sens ne peut-on pas affirmer que le choix des convictions religieuses ne ressort pas du groupe en l’espèce familial , mais est une liberté fondamentale. Un droit pour l’enfant et d’une manière générale pour tout individu; un droit qui va s’exercer petit à petit allant jusqu’à s’affirmer ou s’afficher publiquement quand l’individu s’en sentira la force.
L’enfant peut-il s’autonomiser de cette pression, sinon de cette influence familiale ?
Jusqu’à la Convention internationale relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 on s’attachait essentiellement à garantir la liberté de conscience et de pratique religieuse des parents. Tout en réaffirmant la légitimité et la légalité de la démarche parentale, la loi en est venue à reconnaître explicitement les droits et libertés de l’enfant. L’enfant n‘est-il pas une personne comme l’affirmait notamment Catherine Dolto. Comme tel ne doit-il pas disposer de la liberté de conscience et donc de la liberté de religion.
APetitjugeborder cette question suppose qu’on soit au clair sur le statut fait à l’enfant. Très tôt – et déjà fœtus – l’enfant a des droits, comme celui d’accéder aux soins ou à l’éducation. Durant la petite enfance ses droits vont être exercés par les titulaires de l’autorité parentale, parents ou tuteur. Sa capacité d’agir personnellement est réduite. La loi lui reconnaît personnellement certains droits qu’il peut exercer personnellement comme celui de consentir à son adoption à 13 ans. Il peut saisir un juge des enfants, demandé à être entendu par un juge aux affaits familiales ou porter plaintes dès qu’il a le discernement. Surtout il pourra se voir condamné pour être l’auteur d’une infraction – par exemple un vol – dès lors qu’on estimera qu’il avait le discernement le jour des faits. [3] La loi ne fixe pas de seuil d’âge, mais ce discernement sera généralement tenu pour acquis auteur de 7 – 8 ans. Pour revenir à notre sujet on image difficilement un enfant de 6 ou 7 ans souhaitant se convertir en connaissance de cause mais on peut voir des enfants ce cet âge refuser de suivre telle ou telle pratique religieuse
De fait l’emprise familiale est souvent ici à son maximum. L’enfant peut-il légalement s’en abstraire ? Trois questions concrètes se présentent.
1 – L’enfant peut-il choisir sa religion et déjà refuser celle que l’on souhaiterait lui imposer ?
La question est aujourd’hui d’une grande acuité.
Dans un arrêt du 11 juin 1991 la Cour de cassation répondait péremptoirement par la négative : avant 18 ans un enfant ne peut pas choisi sa religion. En l’espèce une jeune fille de 16 ans, élevée dans la religion catholique par sa mère souhaitait suivre l’exemple de son père en devenant, avec l’accord celui-ci, les deux parents étant divorcés, Témoin de Jéhovah.
Le juge des tutelles alors compétent et le tribunal de grande instance saisi en appel avaient estimé que la mère » s’opposait à juste titre au baptême de son enfant « . Indéniablement le TGI tenait compte de ce que la jeune fille entend recevoir le baptême des Témoins de Jéhovah, c’est-à-dire s’inscrire dans une secte qui même si elle n’est pas comparable à d’autres qui asservissent les individus « implique un endoctrinement considérable, totalement incompatible avec le désir de noire société de ne pas imposer à des adolescents un quelconque carcan ». Le tribunal décidant alors que « c’est seulement quand elle serait majeure que la jeune Catherine pourra faire le choix de cette religion « . On doit lui refuser le baptême des Témoins de Jéhovah car « ce sacrement ne fera que l’ancrer davantage dans une religion qui, dans ses exigences énormes ne doit s’adresser qu’aux adultes du moins lorsqu’il s’agit d’une conversion « .[4]
La Cour de Cassation rejeta le pourvoi du père visant à permettre que sa fille soit autorisée à se faire baptiser et estima « qu’il convenait d’attendre qu’elle soit devenue majeure pour exercer ce choix. » En d’autres termes, elle déniait à l’enfant mineur le droit de choisir sa religion. En tous cas, la Cour de Cassation ne devait pas avoir connaissance de la Convention des Nations unies sur les droits de l’enfant ratifiée par la France deux ans plus tôt qui dans son article 14 reconnaît explicitement la liberté de conscience et religion des enfants. Qu’on en juge :
Article 14
Les Etats parties respectent le droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion.
On rappellera que la Convention des Nations unies du 20 novembre 1989 dument ratifiée par la France et sans réserves portant sur ce point, comme toute traite (article 55 de la Constitution) a valeur constitutionnelle c’est-à-dire l’emporte sur toutes les dispositions législatives contraires qui pourraient exister. Elle est même self–executing [5] et peut être invoquée directement devant les tribunaux. En d’autres termes, juridiquement un enfant est en droit de refuser de faire le choix de telle religion. D’abord, et le droit n’a rien faire dans ce domaine, parce que nul ne peut pénétrer l’esprit et avoir prise sur les convictions intimes d’un individu. On peut s’y évertuer ; on peut y parvenir fréquemment par la conviction voire en instaurant une emprise sur la personne, mais celle-ci peut résiste
Bien évidemment la Convention ne néglige pas le rôle des parents pour guider leur enfant et l’accompagner. L’alinéa 2 reprend alors les textes déjà acquis comme l’avait l’article 18 al. 4 du Pacte sur les Droits civiques et politiques des Nations unies de 1966 : » Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à faire respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions. »
Article 14
Les Etats parties respectent le droit et le devoir des parents ou, le cas échéant, des représentants légaux de l’enfant, de guider celui-ci dans l’exercice du droit susmentionné d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités.
En d’autres termes les parents sont droit de « guider » leur enfant mais celui-ci est tout aussi en droit de ne pas y consentir et tout simplement de revendiquer d’être agnostique.
A quel âge l’enfant a t-il la compétence pour exercer ses droits? La loi ne fixe pas de seuil d’âge ; comme il a été dit supra elle renvoie ici comme en d’autres domaines au discernement c’est-à-dire a priori 7-8 ans.
En pratique l’enfant pourra rencontrer des difficultés dans la mise en oeuvre de son droit. Ne fut-ce que parce que la pression familiale implicite ou explicite s’y opposera fortement. Il peut se trouver en danger physique. Il lui faudra souvent composer et attendre.
Certains auront pu subir une atteinte physique comme la circoncision pour marquer leur appartenance à une communauté religieuse. On verra et on voit déjà de plus en plus souvent des adolescents revendiquer une foi religieuse indépendamment de leur famille.
JP RosenczveigBeaucoup s’en inquiètent, et déjà les parents, qui aujourd’hui, plus que jamais craignent les excès et les dérapages de la part de jeunes qui recherchent souvent dans la foi un cadre structurant et identifiant. Comment ne pas très préoccupé quand des jeunes filles coquettes, pleines de vie, avides de sortir et de s’amuser changent radicalement de comportement et d’habillement ou quand du jour au lendemain un garçon troque son jean pour une djellaba et se fait pousser la barbe pour ne s’attacher qu’à quelques signes parmi d’autres
La tentation est grande vouloir poser un interdit. Un moindre mal ! Outre la légalité de l’attitude, nos textes consacrent formellement la liberté de conscience, se pose la question de la faisabilité.
2 – L’enfant peut-il pratiquer sa religion ?
Il faut aussi répondre par l’affirmative dès lors que l’environnement sociétal et familial n’y mettent pas obstacle
Un enfant confié à une institution est en droit de vouloir et de pouvoir exercer sa religion. Catholique il doit pouvoir aller à la messe … si l’on dispose permettant de l’y conduire ou de faciliter son déplacement. La chose peut être malaisée s’il la structure est éloignée du milieu urbain. Musulman il doit pouvoir faire des prières ou ses ablutions dès lors qu’il ne perturbe pas la vie de l’institution.
3- L’enfant peut il exprimer ses convictions religieuses ?
Là encore oui dans le respect des règles posées par la République
Aux termes de l’article 14 al.3 de la CIDE seule la loi peut porter atteinte à l’expression des convictions religieuses – une simple circulaire n’y suffirait pas – et encore faut-il un trouble à l’ordre public.
Article 14
La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut être soumise qu’aux seules restrictions qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires pour préserver la sûreté publique, l’ordre public, la santé et la moralité publiques, ou les libertés et droits fondamentaux d’autrui.
L’ordre public est un concept très relatif et infiniment politique. Il était troublé à Creil avec trois jeunes filles qui se présentaient au collège avec un voile sur la tête quand, dans nombre d’autres endroits de France, les 2000 jeunes filles qui dans cette époque avaient la même démarche ne suscitaient pas de trouble à l’ordre public. A Creil on avait un principal revendiquant son appartenance à l’UMP s’apposant à une instrumentalisation de ces jeunes filles ! La loi du 9 pars 2004 confirme la liberté d’exprimer ses convictions religieuses mais à condition, dans l’espace scolaires de ne pas avoir une attitude ostentatoire et prosélyte. Elle renvoie au cas par cas le soin d’apprécier si tel morceau de tissu, telle croix, etc. peut père qualifié de signe religieux ostentatoire. La différence entre un voile et un bandana est tenue. Dans un souci d’apaisement et de pédagogie la loi demande d’instaurer un dialogue, de tenter de convaincre les jeunes concernés avant d’envisager une exclusion scolaire. [6]
On ajoutera que l’article 1200 CPC – daté de 1981 – affirme également le souci de respecter la liberté de conscience des enfants pris en charge dans e cadre de l’assistance éducative définie par les articles 375 et s du code civil. Le juge doit prendre en compte les convictions religieuses des parents certes, mais aussi de l’enfant :
Article 1200 CPC
Créé par Décret 81-500 1981-05-12 art. 5 et 52 « Dans l’application de l’assistance éducative, il doit être tenu compte des convictions religieuses ou philosophiques du mineur et de sa famille. »
avocat_jeuneEn d’autres termes, dans la conception moderne de l’enfant, être de chair et de sans, doué d’une sensibilité et d’affects, susceptible de réfléchir, capable selon l’âge et le sujet à décider pour ce qui le concerne, notre droit a été amené à consacrer la liberté de conscience de religion des personnes de moins de 18 ans. Telle est la norme internationale ! On voit au passage la rupture par rapport à l’approche traditionnelle où l’enfant est propriété de ses parents ; lesquels exercent sinon un droit de vie et de mort, du moins aujourd’hui une autorité sans contrôle ou sous un contrôle très cantonné de la puissance publique ; l’enfant est un être privé et public ; il est certes incapable, mais peut exercer les droits et libertés reconnus par la loi s’il a le discernement, quitte à assumer les responsabilités disciplinaires, civiles et pénales qui en découlent.
Il reste aux parents qui ont le sentiment que leur enfant est victime d’une emprise préoccupante à dialoguer, à convaincre, en tous cas à éviter de rompre le fil du dialogue. Le simple registre de l’autorité ne suffit pas. Il est largement passé le temps où l’on pouvait penser qu’un embastillement ou un placement au couvent pouvait faire officebalance
Sur ce sujet on ne peut plus sensible au regard des libertés individuelles et de l’ordre social, l’affirmation de l’enfant comme personne conduit inéluctablement à consacrer le droit de l’enfant douté de discernement de choisir sa religion ou son agnostisme Il pourra exerccer son culte et d’une manière générale exprimer ses convictions dans le respect des autres et de l’ordre public.
Il n’est pas certain que tous les parents et les adultes en général soient au clair sur nos règles du jeu juridiques.
[1] Les autorités représentant la communauté juive de France ont du s’offrir une pleine page du journal Le Monde pour appeler la jouissance publique à respecter une « pratique millénaire ». Le président Hollande les recevant leur déclara qu’il n’était pas question de toucher à quoi que ce soit ! Exit même le débat souhaité par le Conseil de l’Europe avec, au fond, la question de savoir si le corps de l’enfant lui appartient ou pas.
[2] Droit de la famille, religions et sectes, p. 70, Ed. EMCC, mars 1997
[3] Jusqu’à 10 ans il n’encourt que des mesures éducatives, à 10 ans on peut aussi prononcer des sanctions éducatives, à partir de 13 ans des peines peuvent également être prononcées
[4] L’idée est tout simplement insupportable qu’il y aurait des religions auxquelles on peut se convertir et pas d’autres ! Faut-il rappeler qu’une secte est une religion qui n’a pas encore réussi et qu’au temps jadis les chrétiens ont été persécutés par les païens ! Où il est bien démontré que la Cour de Cassation ne juge pas en droit mais en fait. Il est indéniable que derrière l’intérêt de l’enfant, c’est la » secte » qui fait peur ! On notera au passage – et cela conforte notre thèse – que la juridiction parle dans un temps de » secte « , puis de » religion » mélangeant allègrement les concepts
[5] Il a quand même fallu attendre 2005 pour que la Cour de cassation lui reconnaisse cette portée quitte à vérifier point par point celles de ses dispositions qui peuvent s’appliquer directement quand le Conseil d’Etat n’avait pas hésite à le dire d’entrée de jeu .
[6] Juridiquement cette loi ne s’imposait pas : la jurisprudence du Conseil d’Etat traçait clairement le cadre, mais une loi est plus qu’un instrument juridique technique, elle a une portée politique et il était important que la République marque alors une limite à ceux qui l’interpellait
http://jprosen.blog.lemonde.fr/2016/11/01/lenfant-et-la-religion-654/
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