A la rencontre des Témoins de Jéhovah de Corse
05 septembre 2016 à 14:07
Dernière minute
Présents en Corse depuis les années 50, les Témoins de Jéhovah sont aujourd'hui plus d’un millier sur l’île. Parfois accusé de profiter des faibles, le mouvement méconnu vient d’ouvrir une huitième salle. Mais qui sont ces adeptes du porte-à-porte ?
Si vous avez longé la Plaine orientale ces dernières semaines, vous l'avez peut-être aperçue. À la sortie nord de Folelli, sur la commune de Castellare-di-Casinca, s’est érigée une intrigante bâtisse, à mi-chemin entre un bunker et une discothèque minimaliste. Muni d’un parking pouvant accueillir une cinquantaine de véhicules, le bâtiment gris foncé ne se démarque que par un logo bleu frappé des lettres JW, pour Jehovah’s Witnesses. Les Témoins de Jéhovah, en version originale. Comme chaque mardi, dès 18 h 30, une masse de fidèles endimanchés se gare silencieusement.
On y retrouve des personnes âgées mais aussi des enfants, des jeunes, dont certains ne présentent pas vraiment l’allure coincée que l’on prête au mouvement. Ils ont beau être près d’une centaine, chaque fidèle se salue à la chaîne, d’une poignée de main douce mais ferme, d’un sourire et d’une formule de politesse chaleureuse. Tout le monde se tutoie et s’appelle '‘frère Frédéric’’, ‘‘frère Serge ‘‘ou ‘‘soeur Marie’’. À l’entrée, Alain Guilbaud accueille sa famille. Bedaine imposante, moustache blanche et chemise frappée du sigle JW, l’homme de 61 ans se présente comme un ‘‘Témoin de Jéhovah comme les autres’’. Originaire du Poitou, atterri en Corse au début des années 90, Alain a grandi dans une famille entièrement vouée au ‘‘maître suprême de l’univers’’ et coordonne la réunion de ce jour. À l’intérieur, les salutations continuent.
Raphaël Poletti
Si l’extérieur attire le regard, la pièce principale rappelle les salles de conférence les plus banales. Entre un faux plafond en dalle et une moquette aux motifs noirs et jaunes, la quasi-totalité des chaises au rembourrage en polyuréthane violet est remplie. Sur une estrade dépouillée, Alain Guilbaud intime ses frères et soeurs à se lever ‘‘s’ils le veulent’’.
Alors qu’une première prière est prononcée, les fidèles baissent la tête, un couple de quadra se tient la main, une jeune fille ferme les yeux. La réunion durera deux heures, sans les sources de distraction esthétiques d’une église catholique ou de passe-temps plus moderne : au royaume de Jéhovah, le téléphone ne passe pas. Si une mère et sa petite fille se penchent sur une tablette numérique, c’est uniquement pour y suivre la lecture de la Bible.
À la prochaine séance, on interrogera les présents sur les passages du livre saint lus ce jour-là, comme à l’école. Sauf qu’à la congrégation de Castellare-di-Casinca il n’y a pas de mauvais élèves. Tout le monde veut participer et les efforts sont encouragés. Vient ensuite le moment des travaux pratiques : un binôme monte sur scène et s’entraîne à converser. L’un joue le rôle du missionnaire, l’autre celui de la personne à convaincre. On corrige ensuite le ton, l’élocution, les arguments apportés. Vous l’aurez compris : on s’entraîne à faire du porte à porte.
MISSIONNAIRES, BAIGNOIRES ET EXPLOSIFS
C’est par le porte-à-porte que le père de Sauveur Battaglia a été converti à la fin des années 50. Originaire de Borgo, cet ancien employé d’une société d’agencement a baigné durant toute son existence dans le culte de Jéhovah. Pourtant, en alternant Corse et Français, Sauveur assure ne pas avoir vécu de manière très différente du commun des mortels : ‘‘J’ai travaillé jusqu’à il y a six mois, ma femme est aide-soignante à l’hôpital de Bastia. On a mené une vie normale. Vous pouvez m’inviter à dîner, je viendrai !’’ Contrairement à la rumeur, les Témoins ne vivent pas tous en vase clos. Comme dans toute religion, certains sont simplement plus renfermés et extrémistes que d’autres, ce qui ne semble pas être le cas du Burghisgianu.
Chez Jéhovah, le baptême se prend ‘‘à l’âge de raison’’, qui varie selon les cas mais se situe en général vers la fin de l’adolescence. En Corse, il se pratique dans des piscines, à la mer, ou dans le cas de Sauveur, dans... une baignoire. Si l’une de ses filles a épousé sa foi, l’autre a refusé. Pour autant, son père ne lui en tient pas rigueur : ‘‘On a enseigné notre religion à nos deux filles. Une d’elle a décidé de prendre le baptême, l’autre non. Libre à elle. J’étais déçu parce que nous sommes persuadés d’avoir la vérité. Il n’y a qu’un seul dieu et la vérité vient de la Bible, donc je voudrais de tout coeur que ma fi lle devienne Témoin de Jéhovah mais je ne vais pas l'obliger! On a de bons rapports.» De bons rapports, même si la fi lle de Sauveur est libre de s’engouffrer dans les interdits du mouvement, tels la consommation de cigarettes, de drogues et le sexe avant le mariage. Paradoxalement, les boissons alcooliseés sont autorisées - jusqu’à un certain point : '‘On boit mais pas jusqu’à être saoul, semble se féliciter Sauveur. La Bible condamne l’ivrognerie et la gloutonnerie. Un’pastizzu o duii, je vais me les boire.’’ Que Sauveur apparaisse comme un voisin normal n’empêche pas la population corse d’exprimer une certaine animosité envers les Témoins. Débarqué en Corse de la région de Toulon, il y a quatre ans, ‘‘frère’’ Denis Verdi révèle ainsi : ‘‘Quand certains sont réticents, on quitte vite leur perron pour ne pas les importuner. Mais ça peut être plus véhément: une fois, un vieil homme a menacé de prendre son fusil pour nous faire dégager…’’
La suite ici.
http://www.corsematin.com/article/derniere-minute/a-la-rencontre-des-temoins-de-jehovah-de-corse
05 septembre 2016 à 14:07
Dernière minute
Présents en Corse depuis les années 50, les Témoins de Jéhovah sont aujourd'hui plus d’un millier sur l’île. Parfois accusé de profiter des faibles, le mouvement méconnu vient d’ouvrir une huitième salle. Mais qui sont ces adeptes du porte-à-porte ?
Si vous avez longé la Plaine orientale ces dernières semaines, vous l'avez peut-être aperçue. À la sortie nord de Folelli, sur la commune de Castellare-di-Casinca, s’est érigée une intrigante bâtisse, à mi-chemin entre un bunker et une discothèque minimaliste. Muni d’un parking pouvant accueillir une cinquantaine de véhicules, le bâtiment gris foncé ne se démarque que par un logo bleu frappé des lettres JW, pour Jehovah’s Witnesses. Les Témoins de Jéhovah, en version originale. Comme chaque mardi, dès 18 h 30, une masse de fidèles endimanchés se gare silencieusement.
On y retrouve des personnes âgées mais aussi des enfants, des jeunes, dont certains ne présentent pas vraiment l’allure coincée que l’on prête au mouvement. Ils ont beau être près d’une centaine, chaque fidèle se salue à la chaîne, d’une poignée de main douce mais ferme, d’un sourire et d’une formule de politesse chaleureuse. Tout le monde se tutoie et s’appelle '‘frère Frédéric’’, ‘‘frère Serge ‘‘ou ‘‘soeur Marie’’. À l’entrée, Alain Guilbaud accueille sa famille. Bedaine imposante, moustache blanche et chemise frappée du sigle JW, l’homme de 61 ans se présente comme un ‘‘Témoin de Jéhovah comme les autres’’. Originaire du Poitou, atterri en Corse au début des années 90, Alain a grandi dans une famille entièrement vouée au ‘‘maître suprême de l’univers’’ et coordonne la réunion de ce jour. À l’intérieur, les salutations continuent.
Raphaël Poletti
Si l’extérieur attire le regard, la pièce principale rappelle les salles de conférence les plus banales. Entre un faux plafond en dalle et une moquette aux motifs noirs et jaunes, la quasi-totalité des chaises au rembourrage en polyuréthane violet est remplie. Sur une estrade dépouillée, Alain Guilbaud intime ses frères et soeurs à se lever ‘‘s’ils le veulent’’.
Alors qu’une première prière est prononcée, les fidèles baissent la tête, un couple de quadra se tient la main, une jeune fille ferme les yeux. La réunion durera deux heures, sans les sources de distraction esthétiques d’une église catholique ou de passe-temps plus moderne : au royaume de Jéhovah, le téléphone ne passe pas. Si une mère et sa petite fille se penchent sur une tablette numérique, c’est uniquement pour y suivre la lecture de la Bible.
À la prochaine séance, on interrogera les présents sur les passages du livre saint lus ce jour-là, comme à l’école. Sauf qu’à la congrégation de Castellare-di-Casinca il n’y a pas de mauvais élèves. Tout le monde veut participer et les efforts sont encouragés. Vient ensuite le moment des travaux pratiques : un binôme monte sur scène et s’entraîne à converser. L’un joue le rôle du missionnaire, l’autre celui de la personne à convaincre. On corrige ensuite le ton, l’élocution, les arguments apportés. Vous l’aurez compris : on s’entraîne à faire du porte à porte.
MISSIONNAIRES, BAIGNOIRES ET EXPLOSIFS
C’est par le porte-à-porte que le père de Sauveur Battaglia a été converti à la fin des années 50. Originaire de Borgo, cet ancien employé d’une société d’agencement a baigné durant toute son existence dans le culte de Jéhovah. Pourtant, en alternant Corse et Français, Sauveur assure ne pas avoir vécu de manière très différente du commun des mortels : ‘‘J’ai travaillé jusqu’à il y a six mois, ma femme est aide-soignante à l’hôpital de Bastia. On a mené une vie normale. Vous pouvez m’inviter à dîner, je viendrai !’’ Contrairement à la rumeur, les Témoins ne vivent pas tous en vase clos. Comme dans toute religion, certains sont simplement plus renfermés et extrémistes que d’autres, ce qui ne semble pas être le cas du Burghisgianu.
Chez Jéhovah, le baptême se prend ‘‘à l’âge de raison’’, qui varie selon les cas mais se situe en général vers la fin de l’adolescence. En Corse, il se pratique dans des piscines, à la mer, ou dans le cas de Sauveur, dans... une baignoire. Si l’une de ses filles a épousé sa foi, l’autre a refusé. Pour autant, son père ne lui en tient pas rigueur : ‘‘On a enseigné notre religion à nos deux filles. Une d’elle a décidé de prendre le baptême, l’autre non. Libre à elle. J’étais déçu parce que nous sommes persuadés d’avoir la vérité. Il n’y a qu’un seul dieu et la vérité vient de la Bible, donc je voudrais de tout coeur que ma fi lle devienne Témoin de Jéhovah mais je ne vais pas l'obliger! On a de bons rapports.» De bons rapports, même si la fi lle de Sauveur est libre de s’engouffrer dans les interdits du mouvement, tels la consommation de cigarettes, de drogues et le sexe avant le mariage. Paradoxalement, les boissons alcooliseés sont autorisées - jusqu’à un certain point : '‘On boit mais pas jusqu’à être saoul, semble se féliciter Sauveur. La Bible condamne l’ivrognerie et la gloutonnerie. Un’pastizzu o duii, je vais me les boire.’’ Que Sauveur apparaisse comme un voisin normal n’empêche pas la population corse d’exprimer une certaine animosité envers les Témoins. Débarqué en Corse de la région de Toulon, il y a quatre ans, ‘‘frère’’ Denis Verdi révèle ainsi : ‘‘Quand certains sont réticents, on quitte vite leur perron pour ne pas les importuner. Mais ça peut être plus véhément: une fois, un vieil homme a menacé de prendre son fusil pour nous faire dégager…’’
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