Divorce polémique au Consistoire de Paris
ANNA LATRON
Michel Gugenheim, Grand rabbin de France par intérim, est accusé d'avoir cautionné un chantage au divorce. 90.000 euros auraient été exigés d'une femme en échange de sa “liberté”
L'affaire déchire la communauté juive de France depuis quelques jours. Dans un article publié mercredi dernier, L'Express révélait que Michel Gugenheim, Grand rabbin de Paris et Grand rabbin de France par intérim, est accusé d'avoir participé à une extorsion de fonds et de faux témoignage dans une affaire de divorce religieux. Le rabbin, ainsi que deux autres religieux membres du service des divorces du Consistoire de Paris, aurait cautionné une forme de chantage au divorce au cours d'une audience au Beth din, le tribunal rabbinique.
En mars dernier, Michel Gugenheim était l'un des trois juges dans une affaire de divorce au Beth din de Paris. Une femme demandait le guet, un document qui officialise le divorce religieux et permet aux anciens époux de se remarier religieusement. Un document parfois difficile à obtenir pour les femmes, explique le site fait-religieux: “il doit lui être remis en mains propres par son mari ou par un émissaire. Les maris récalcitrants peuvent allonger la procédure, au point que les femmes à qui on refuse le guet sont appelées agounot, signifiant littéralement “femmes enchaînées”. Ces dernières sont mises à l'écart de la communauté et ne peuvent pas refaire leur vie sans être considérées comme adultères lorsqu'elles n'ont pas obtenu le document.”
Le prix de la liberté?
Dans le cas révélé par L'Express, la femme attendait le guet depuis 5 ans. Son mari exigeait 30.000 euros en espèces, qu'elle revienne sur ses témoignages au cours de la procédure civile de divorce et qu'elle retire ses plaintes, déposées depuis le début de la procédure, en contrepartie du document. Ces exigences, le rabbin Michel Gugenheim les aurait approuvées, déclarant lors de l'audience que “c'est le prix de sa liberté” et demandant que la femme revienne immédiatement sur son témoignage par mail. Au fil de l'audience, les enchères montent: la somme de 30.000 euros en liquide passe à un chèque de 90.000 euros.
Par précaution, les proches de la jeune femme ont filmé la cérémonie et ont déposé une main courante au commissariat du 19e arrondissement de Paris. Après avoir reçu le fameux document, la famille exige qu'on lui restitue le chèque, menaçant de déposer plainte pour extorsion de fonds, preuves et images à l'appui.
“Mettre fin à des pratiques odieuses”
L'affaire aurait dû rester au sein de la communauté juive – la famille de la jeune femme, très pratiquante, souhaite que celle-ci ne s'ébruite pas - mais c'était sans compter sur les réseaux sociaux et les sites juifs, qui s'indignent et relayent les faits. Le think-tank progressiste Avenir du judaïsme a été l'un des premiers sites à lancer l'alerte, parlant de “RackGuet”.
Selon l'association, 200 à 300 femmes en France pourraient être en attente de leur guet, sans qu'aucune statistique officielle soit disponible. “Je ne pense pas qu'il y a enrichissement personnel du Consistoire, confie un membres d'Avenir du Judaïsme à L'Express. C'est une situation dramatique, où le tribunal répercute les exigences du mari. C'est le fruit d'une vision conservatrice incarnée par le Grand rabbin de Paris et le tribunal rabbinique de Paris.”
Dans une interview à Radio Shalom, un des frères de la femme dénonce une mentalité “rétrograde et misogyne” des religieux mais refuse de jetter le discrédit sur l'ensemble du Consistoire. Il craint que ce scandale “attise l'antisémitisme à cause de l'argent” mais veut “mettre fin à des pratiques odieuses”.
Dans un communiqué publié ce vendredi, le Grand rabbin Michel Gugenheim, estime qu'il s'agit d'une “manipulation grossière visant à nuire à l’institution consistoriale” et nie “avoir exercé une quelconque pression sur les parties concernées”.
L'affaire tombe mal, alors que le judaïsme français doit élire, le 22 juin prochain, un nouveau Grand rabbin de France, après la démission de Gilles Bernheim en avril 2013.
ANNA LATRON
Michel Gugenheim, Grand rabbin de France par intérim, est accusé d'avoir cautionné un chantage au divorce. 90.000 euros auraient été exigés d'une femme en échange de sa “liberté”
L'affaire déchire la communauté juive de France depuis quelques jours. Dans un article publié mercredi dernier, L'Express révélait que Michel Gugenheim, Grand rabbin de Paris et Grand rabbin de France par intérim, est accusé d'avoir participé à une extorsion de fonds et de faux témoignage dans une affaire de divorce religieux. Le rabbin, ainsi que deux autres religieux membres du service des divorces du Consistoire de Paris, aurait cautionné une forme de chantage au divorce au cours d'une audience au Beth din, le tribunal rabbinique.
En mars dernier, Michel Gugenheim était l'un des trois juges dans une affaire de divorce au Beth din de Paris. Une femme demandait le guet, un document qui officialise le divorce religieux et permet aux anciens époux de se remarier religieusement. Un document parfois difficile à obtenir pour les femmes, explique le site fait-religieux: “il doit lui être remis en mains propres par son mari ou par un émissaire. Les maris récalcitrants peuvent allonger la procédure, au point que les femmes à qui on refuse le guet sont appelées agounot, signifiant littéralement “femmes enchaînées”. Ces dernières sont mises à l'écart de la communauté et ne peuvent pas refaire leur vie sans être considérées comme adultères lorsqu'elles n'ont pas obtenu le document.”
Le prix de la liberté?
Dans le cas révélé par L'Express, la femme attendait le guet depuis 5 ans. Son mari exigeait 30.000 euros en espèces, qu'elle revienne sur ses témoignages au cours de la procédure civile de divorce et qu'elle retire ses plaintes, déposées depuis le début de la procédure, en contrepartie du document. Ces exigences, le rabbin Michel Gugenheim les aurait approuvées, déclarant lors de l'audience que “c'est le prix de sa liberté” et demandant que la femme revienne immédiatement sur son témoignage par mail. Au fil de l'audience, les enchères montent: la somme de 30.000 euros en liquide passe à un chèque de 90.000 euros.
Par précaution, les proches de la jeune femme ont filmé la cérémonie et ont déposé une main courante au commissariat du 19e arrondissement de Paris. Après avoir reçu le fameux document, la famille exige qu'on lui restitue le chèque, menaçant de déposer plainte pour extorsion de fonds, preuves et images à l'appui.
“Mettre fin à des pratiques odieuses”
L'affaire aurait dû rester au sein de la communauté juive – la famille de la jeune femme, très pratiquante, souhaite que celle-ci ne s'ébruite pas - mais c'était sans compter sur les réseaux sociaux et les sites juifs, qui s'indignent et relayent les faits. Le think-tank progressiste Avenir du judaïsme a été l'un des premiers sites à lancer l'alerte, parlant de “RackGuet”.
Selon l'association, 200 à 300 femmes en France pourraient être en attente de leur guet, sans qu'aucune statistique officielle soit disponible. “Je ne pense pas qu'il y a enrichissement personnel du Consistoire, confie un membres d'Avenir du Judaïsme à L'Express. C'est une situation dramatique, où le tribunal répercute les exigences du mari. C'est le fruit d'une vision conservatrice incarnée par le Grand rabbin de Paris et le tribunal rabbinique de Paris.”
Dans une interview à Radio Shalom, un des frères de la femme dénonce une mentalité “rétrograde et misogyne” des religieux mais refuse de jetter le discrédit sur l'ensemble du Consistoire. Il craint que ce scandale “attise l'antisémitisme à cause de l'argent” mais veut “mettre fin à des pratiques odieuses”.
Dans un communiqué publié ce vendredi, le Grand rabbin Michel Gugenheim, estime qu'il s'agit d'une “manipulation grossière visant à nuire à l’institution consistoriale” et nie “avoir exercé une quelconque pression sur les parties concernées”.
L'affaire tombe mal, alors que le judaïsme français doit élire, le 22 juin prochain, un nouveau Grand rabbin de France, après la démission de Gilles Bernheim en avril 2013.