La religion au Brésil (1/3)
Ruggero Gambacurta-Scopello - publié le 19/07/2013
Alors que des millions de jeunes convergent actuellement vers le Brésil pour assister aux JMJ, Le Monde des Religions consacre un dossier sur la situation religieuse dans ce pays de près de 200 millions d'habitants, où le catholicisme, malgré un leger recul, est toujours fortement majoritaire.
« Dieu est brésilien » : c’est le titre d’un film de Carlos Diegues et João Ubaldo Ribeiro (2002). Dieu décide de prendre des vacances sur les plages brésiliennes et se cherche un remplaçant dans le pays. À l’heure des Journées mondiales de la jeunesse à Rio de Janeiro, le temps est venu de faire un point sur la religion au Brésil.
Ce pays a une ferveur peu commune. De la synagogue de Recife à la cathédrale de Rio de Janeiro, des églises baroques ruisselant d’or de San Salvador da Bahia à la Catedral Mundial da Fé-Templo da Glória do Novo Israel – immense temple néo-pentecôtiste de Rio – la religion est très présente dans la société brésilienne, et même dans la politique. D’après l’Institut brésilien de géographie et de statistique (IBGE), six Brésiliens sur dix estiment qu’il n’est pas envisageable de voter pour un candidat athée, quelle que soit la fonction briguée. Le crucifix est partout présent dans les lieux publics, et certaines sessions parlementaires se déroulent sous la protection des divinités du candomblé, un culte afro-brésilien mêlé d’éléments chrétiens. Le Brésil est exactement dans la moyenne internationale, avec 50% de la population qui pratique une religion. Or, échappe-t-il à la sécularisation qui frappe la plupart des sociétés modernes ?
De quelles religions parle-t-on ?
Sous la catégorie « catholicisme », l’IBGE regroupe les Églises suivantes : apostolique romaine, catholique charismatique, catholique pentecôtiste, catholique arménienne, catholique ukrainienne, apostolique brésilienne, catholique orthodoxe et d’autres encore. L’évangélisme pentecôtiste, quant à lui, recouvre l’Église évangélique-Assemblée de Dieu, l’Église-Assemblée de Dieu de Madureira, l’Église-Assemblée de Dieu et de tous les saints, l’Église évangélique pentecôtiste Brésil pour le Christ, l’Église universelle du Règne de Dieu (qualifiée de secte en France), et enfin l’Église évangélique-Maison de prière.
L’évangélisme de mission, enfin – ou évangélisme historique traditionnel – regroupe les Églises luthériennes et évangéliques presbytériennes, ainsi que l’Église presbytérienne du Brésil, l’Église presbytérienne rénovée, l’Église évangélique rénovée, la Convention baptiste brésilienne, l’Église baptiste biblique, l’Église évangélique adventiste du septième jour, l’Église évangélique adventiste de la promesse pour n’en citer que quelques-unes.
Sont également présentes, dans le paysage religieux brésilien, le judaïsme, l’islam, le bouddhisme, le shintoïsme, et l’hindouisme, sans oublier les religions afro-brésiliennes (umbanda, candomblé, macumba), qui comptent encore aujourd’hui un nombre très important d’adeptes.
Les différents facteurs
Actuellement, au Brésil, la proportion de catholiques tend à diminuer, et celle des évangéliques et des « sans religion » est en progression. C’est en 2010 que la proportion de catholiques a baissé pour la première fois en termes absolus, passant de 73,6 % en 2000 à 64,6 %. En 1872, en revanche, les catholiques représentaient 99,7 % de la population. Le nombre d’évangéliques, d’après les calculs des sociologues statisticiens, a fortement augmenté, et plus précisément le nombre des pentecôtistes, qui a passé de 15,4 % en 2000 à 22,2 % en 2010 (42,3 millions de personnes), avec une augmentation de 200 % entre 1970 et 2010.
Le facteur urbain. D’après les statistiques, les catholiques sont davantage présents dans les campagnes que dans les villes ; or l’urbanisation galopante (85 % des Brésiliens vivent en milieu urbain) favorise la croissance du nombre d’évangéliques.
Le facteur centre/périphérie. Il apparaît aussi que l’Église catholique est assez présente au centre-ville, mais elle perd de son influence dès qu’on s’en éloigne, tandis que les évangéliques sont puissants dans les quartiers périphériques. L’Église catholique a perdu de son influence dans les bidonvilles et les segments moins favorisés de la population ; les évangéliques en revanche ont gagné du terrain dans les périphéries éloignées, mais ne prédominent pas dans les campagnes.
L’âge et le sexe. De façon générale, la pratique religieuse au Brésil est plus forte chez les femmes (57 %) que chez les hommes (44 %), et aussi plus forte chez les personnes âgées que parmi les jeunes. Précisons que les catholiques sont majoritairement des hommes et qu’ils sont plus âgés que les évangéliques. Dire que l’évangélisme est une religion de femmes serait faux, mais dans certaines de leurs églises la proportion de femmes atteint 80 %. Sachant que c’est surtout la religion de la mère qui influe sur celle de l’enfant, que l’urbanisation ne va pas s’arrêter, et que les problèmes des bidonvilles vont perdurer, on peut estimer que la croissance des évangéliques n’est qu’à ses débuts.
D’après le Centre de recherches en sociologie de la Fondation Getulio Vargas, la « révolution féminine » – qui a lutté pour obtenir une augmentation du niveau de vie des femmes et leur entrée sur le marché du travail à des postes plus élevés – a influé sur la baisse du catholicisme. L’éthique protestante serait plus favorable que le catholicisme à l’émancipation économique des femmes (Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme). Là où parfois les hommes abandonnent leur croyance, les femmes tout au plus en changent.
Classes sociales. Les statistiques au Brésil découpent la société en diverses classes sociales : A, B, C, D, E. La classe « A » est celle des plus riches, la « E », celle des plus pauvres. La fameuse classe « C » est la classe moyenne. Il apparaît que la classe « E » est la moins religieuse de toutes, avec, en 2009, 7,72 % de pauvres qui se disent sans religion. Ce taux des « sans religion » devient très faible dans les classes intermédiaires (4,04 %), mais est en revanche plus fort dans les classes « A » et « B », composées de gens riches ou aisés, avec, souvent, un haut niveau d’études.
Les catholiques sont assez équitablement répartis (73 % dans les classes « D » et « C »), mais sont plus fortement concentrés parmi les pauvres et parmi les aisés/riches. Les évangéliques pentecôtistes atteignent les niveaux intermédiaires inférieurs de salaires. Contrairement aux pentecôtistes, les évangéliques traditionnels ont un niveau d’éducation plus élevé et appartiennent généralement aux classes « A », « B », et « C ». Leur proportion diminue en fonction de leur salaire. Par exemple, les baptistes sont surreprésentés dans la classe moyenne, la classe « C », ou dans la classe « A » et « B », avec une diminution progressive selon l’augmentation du revenu.
Quant au taux d’adhésion à ce que l’IBGE nomme « autres religions », il diminue linéairement à partir des classes « A » et « B », et c’est surtout le fait d’individus peu éduqués. On pourra noter que la classe « D » est celle où l’Assemblée de Dieu est la plus importante.
http://www.lemondedesreligions.fr/savoir/la-religion-au-bresil-1-3-19-07-2013-3278_110.php
Ruggero Gambacurta-Scopello - publié le 19/07/2013
Alors que des millions de jeunes convergent actuellement vers le Brésil pour assister aux JMJ, Le Monde des Religions consacre un dossier sur la situation religieuse dans ce pays de près de 200 millions d'habitants, où le catholicisme, malgré un leger recul, est toujours fortement majoritaire.
« Dieu est brésilien » : c’est le titre d’un film de Carlos Diegues et João Ubaldo Ribeiro (2002). Dieu décide de prendre des vacances sur les plages brésiliennes et se cherche un remplaçant dans le pays. À l’heure des Journées mondiales de la jeunesse à Rio de Janeiro, le temps est venu de faire un point sur la religion au Brésil.
Ce pays a une ferveur peu commune. De la synagogue de Recife à la cathédrale de Rio de Janeiro, des églises baroques ruisselant d’or de San Salvador da Bahia à la Catedral Mundial da Fé-Templo da Glória do Novo Israel – immense temple néo-pentecôtiste de Rio – la religion est très présente dans la société brésilienne, et même dans la politique. D’après l’Institut brésilien de géographie et de statistique (IBGE), six Brésiliens sur dix estiment qu’il n’est pas envisageable de voter pour un candidat athée, quelle que soit la fonction briguée. Le crucifix est partout présent dans les lieux publics, et certaines sessions parlementaires se déroulent sous la protection des divinités du candomblé, un culte afro-brésilien mêlé d’éléments chrétiens. Le Brésil est exactement dans la moyenne internationale, avec 50% de la population qui pratique une religion. Or, échappe-t-il à la sécularisation qui frappe la plupart des sociétés modernes ?
De quelles religions parle-t-on ?
Sous la catégorie « catholicisme », l’IBGE regroupe les Églises suivantes : apostolique romaine, catholique charismatique, catholique pentecôtiste, catholique arménienne, catholique ukrainienne, apostolique brésilienne, catholique orthodoxe et d’autres encore. L’évangélisme pentecôtiste, quant à lui, recouvre l’Église évangélique-Assemblée de Dieu, l’Église-Assemblée de Dieu de Madureira, l’Église-Assemblée de Dieu et de tous les saints, l’Église évangélique pentecôtiste Brésil pour le Christ, l’Église universelle du Règne de Dieu (qualifiée de secte en France), et enfin l’Église évangélique-Maison de prière.
L’évangélisme de mission, enfin – ou évangélisme historique traditionnel – regroupe les Églises luthériennes et évangéliques presbytériennes, ainsi que l’Église presbytérienne du Brésil, l’Église presbytérienne rénovée, l’Église évangélique rénovée, la Convention baptiste brésilienne, l’Église baptiste biblique, l’Église évangélique adventiste du septième jour, l’Église évangélique adventiste de la promesse pour n’en citer que quelques-unes.
Sont également présentes, dans le paysage religieux brésilien, le judaïsme, l’islam, le bouddhisme, le shintoïsme, et l’hindouisme, sans oublier les religions afro-brésiliennes (umbanda, candomblé, macumba), qui comptent encore aujourd’hui un nombre très important d’adeptes.
Les différents facteurs
Actuellement, au Brésil, la proportion de catholiques tend à diminuer, et celle des évangéliques et des « sans religion » est en progression. C’est en 2010 que la proportion de catholiques a baissé pour la première fois en termes absolus, passant de 73,6 % en 2000 à 64,6 %. En 1872, en revanche, les catholiques représentaient 99,7 % de la population. Le nombre d’évangéliques, d’après les calculs des sociologues statisticiens, a fortement augmenté, et plus précisément le nombre des pentecôtistes, qui a passé de 15,4 % en 2000 à 22,2 % en 2010 (42,3 millions de personnes), avec une augmentation de 200 % entre 1970 et 2010.
Le facteur urbain. D’après les statistiques, les catholiques sont davantage présents dans les campagnes que dans les villes ; or l’urbanisation galopante (85 % des Brésiliens vivent en milieu urbain) favorise la croissance du nombre d’évangéliques.
Le facteur centre/périphérie. Il apparaît aussi que l’Église catholique est assez présente au centre-ville, mais elle perd de son influence dès qu’on s’en éloigne, tandis que les évangéliques sont puissants dans les quartiers périphériques. L’Église catholique a perdu de son influence dans les bidonvilles et les segments moins favorisés de la population ; les évangéliques en revanche ont gagné du terrain dans les périphéries éloignées, mais ne prédominent pas dans les campagnes.
L’âge et le sexe. De façon générale, la pratique religieuse au Brésil est plus forte chez les femmes (57 %) que chez les hommes (44 %), et aussi plus forte chez les personnes âgées que parmi les jeunes. Précisons que les catholiques sont majoritairement des hommes et qu’ils sont plus âgés que les évangéliques. Dire que l’évangélisme est une religion de femmes serait faux, mais dans certaines de leurs églises la proportion de femmes atteint 80 %. Sachant que c’est surtout la religion de la mère qui influe sur celle de l’enfant, que l’urbanisation ne va pas s’arrêter, et que les problèmes des bidonvilles vont perdurer, on peut estimer que la croissance des évangéliques n’est qu’à ses débuts.
D’après le Centre de recherches en sociologie de la Fondation Getulio Vargas, la « révolution féminine » – qui a lutté pour obtenir une augmentation du niveau de vie des femmes et leur entrée sur le marché du travail à des postes plus élevés – a influé sur la baisse du catholicisme. L’éthique protestante serait plus favorable que le catholicisme à l’émancipation économique des femmes (Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme). Là où parfois les hommes abandonnent leur croyance, les femmes tout au plus en changent.
Classes sociales. Les statistiques au Brésil découpent la société en diverses classes sociales : A, B, C, D, E. La classe « A » est celle des plus riches, la « E », celle des plus pauvres. La fameuse classe « C » est la classe moyenne. Il apparaît que la classe « E » est la moins religieuse de toutes, avec, en 2009, 7,72 % de pauvres qui se disent sans religion. Ce taux des « sans religion » devient très faible dans les classes intermédiaires (4,04 %), mais est en revanche plus fort dans les classes « A » et « B », composées de gens riches ou aisés, avec, souvent, un haut niveau d’études.
Les catholiques sont assez équitablement répartis (73 % dans les classes « D » et « C »), mais sont plus fortement concentrés parmi les pauvres et parmi les aisés/riches. Les évangéliques pentecôtistes atteignent les niveaux intermédiaires inférieurs de salaires. Contrairement aux pentecôtistes, les évangéliques traditionnels ont un niveau d’éducation plus élevé et appartiennent généralement aux classes « A », « B », et « C ». Leur proportion diminue en fonction de leur salaire. Par exemple, les baptistes sont surreprésentés dans la classe moyenne, la classe « C », ou dans la classe « A » et « B », avec une diminution progressive selon l’augmentation du revenu.
Quant au taux d’adhésion à ce que l’IBGE nomme « autres religions », il diminue linéairement à partir des classes « A » et « B », et c’est surtout le fait d’individus peu éduqués. On pourra noter que la classe « D » est celle où l’Assemblée de Dieu est la plus importante.
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