Un halloween particulièrement sanglant
Le Point.fr - Publié le 31/10/2012 à 23:10 - Modifié le 01/11/2012 à 00:26
Aux États-Unis, les magasins de déguisements proposent pour les jeunes enfants des costumes plus effrayants et sanglants les uns que les autres.
Cette année, la procession d'enfants qui viendra sonner aux portes des Américains risque d'être particulièrement effrayante. Les magasins de déguisements ont misé sur des costumes tous plus atroces les uns que les autres, du clown à la machette sanglante au zombie ninja en passant par "Freddy, les griffes de la nuit", le tout conçu pour des marmots d'à peine cinq ans.
Les costumes de tueur disponibles en taille enfant
La tendance n'est plus aux traditionnels déguisements de Frankenstein ou aux gentils dinosaures mais bien à l'horreur, même chez les tout-petits. Les costumes du tueur à griffes Freddie Krueger, du tueur d'enfants Michael Myers ou encore de Chucky, la poupée maléfique, sont maintenant disponibles en taille enfant. Les masques du personnage de Scream, très populaires l'année dernière, paraissent presque fades cette année. "Ces dernières années, la tendance est à ce qui sera le plus sinistre", explique Melissa Sprich, vice-présidente du marchandising pour la chaîne nationale de magasins Party City. Pour les bébés, cette tendance se décline en costume de diable, remplaçant les habituels dinosaures, ajoute Melissa Sprich.
Pour tous les autres âges, les parents sont à la recherche de costumes représentant les personnages de "Chucky, de Freddy, ou de Jason" alors même que leurs enfants sont trop jeunes pour regarder ces films.
Des mains coupées pour décorer la table
Les décorations sont devenues tout aussi effrayantes. Le magasin Spirit Halloween propose une version mécanique de la petite fille envoûtée du film L'Exorciste à placer dans la cour d'entrée, tandis que Papermart présente des mains découpées et dégoulinantes de faux sang enrobées dans du papier de boucher pour décorer la table... Un peu plus tôt ce mois-ci, Amber Boettcher a amené sa fille de 6 ans, Addi, dans un magasin de déguisements, à quelques pas de chez elle, dans le Minnesota. Elles cherchaient des pompons pour les ajouter au costume fait-main d'Addi.
Mais les courses ont tourné court lorsque la petite fille a vu la gamme de costumes d'horreur au rayon enfant. "Elle a eu peur", explique Amber Boettcher. "Le magasin était tellement dégoûtant et effrayant que nous sommes parties!"
Une monstruosité sans précédent
Les entreprises détentrices des droits sur les personnages de Freddy, Chucky ou Jason déterminent la taille des costumes, descendant jusqu'aux tailles 6-8 ans ou 10-12 ans pour certains personnages. Mais ces déguisements pour les 6-8 ans sont parfois portés par des enfants de cinq ans. David Skal, qui a dépeint la fascination de l'Amérique pour l'horreur dans de nombreux livres, s'étonne du niveau de "monstruosité chez les enfants" atteint cette année. Depuis des siècles, les masques effrayants et les "histoires qui font peur ont été utilisés pour faire passer aux enfants une sorte de message initiatique selon lequel le monde n'est pas toujours un lieu sûr et accueillant", explique David Skal. Peut-être cette année les parents sont-ils particulièrement préoccupés par l'état du monde, avance-t-il.
Pour son livre Death Makes a Holiday, Skal s'est entretenu avec des personnes qui ont grandi pendant la Grande Dépression des années 1930. Ils se déguisaient alors en clochards ou des mendiants. A l'époque, "les gens étaient très inquiets de voir l'échelle sociale s'effondrer. L'idée d'une montée en puissance des masses de 'mal-propres' peut être mise en parallèle avec notre fascination actuelle pour les zombies", explique l'écrivain.
Quand Frankenstein et Dracula tenaient la vedette
Chris Alexander, rédacteur en chef de Fangoria, un magazine d'horreur bien installé, explique que dans les années 1930, les personnages considérés aujourd'hui comme inoffensifs, tels que Frankenstein ou le comte de Dracula, troublaient les spectateurs autant que Chucky ou Michael Myers aujourd'hui. Mais ces personnages ont été décliné dans des décennies d'adaptations avant de devenir des costumes conçus pour les élèves de maternelle. Ce polissage n'a pas eu lieu pour des personnages comme Freddy Krueger: ils sont représentés de façon très réaliste en latex et tissu et finissent sur les frêles épaules des petits.
Même pour Chris Alexander, également réalisateur de films d'horreurs à petit budget, les déguisements actuels sont trop sanglants pour songer à les acheter à un enfant de cinq ans. "Mon bureau ressemble à un cauchemar devenu réalité" dit-il, "mais je n'habillerais jamais mon enfant comme Freddy Krueger ou Jason... Je suis assez choqué lorsque je vois ça", ajoute-t-il.
Pour l'enseigne Party City, la popularité de personnages de films d'horreur comme Chucky s'explique par la vague de nostalgie éprouvée par les parents actuels, enfants à l'époque. Les personnages de Ghostbuster et des jeux vidéos Mario et Luigi sont également à la mode en ce moment.
Nostalgie de l'horreur
La tendance est donc à la nostalgie et les enfants apprécient de voir l'effet de leurs déguisements sanglants sur les adultes, analyse Cynthia Edwards, professeur de psychologie enfantine à l'université Meredith de Raleigh (Caroline du Nord). "Un des plaisirs d'Halloween pour les enfants est de devenir le personnage dont ils portent le costume. Si vous vous habillez comme une princesse ou un pilote, vous êtes un princesse ou un pilote pendant quelques heures. Et alors se pose la question: s'il est habillé comme un personnage horrible, comment l'enfant le perçoit-il ?", s'interroge-t-elle. Une seule journée passée dans un univers d'horreur n'aura pas d'impact à long terme sur les enfants, mais certains seront perturbés par le fait de porter des déguisements sanglants ou de voir leurs camarades habillés de cette façon, estime Cynthia Edwards.
Ce qui peut être particulièrement déstabilisant pour les enfants, souligne le rédacteur en chef de Fangoria, c'est de voir les parents dire "non sur tous les tons à l'horreur et au sanguinolent" toute l'année et, une fois par an, les amener sans hésiter dans des magasins débordant de corps démembrés ou d'animaux mécaniques morts" pour acheter des déguisements effrayants. Puis, sans même laisser le temps aux enfants de placer cette imagerie inquiétante dans son contexte, "dès que le 31 octobre est passé, l'horreur est à nouveau enterrée".
Le Point.fr - Publié le 31/10/2012 à 23:10 - Modifié le 01/11/2012 à 00:26
Aux États-Unis, les magasins de déguisements proposent pour les jeunes enfants des costumes plus effrayants et sanglants les uns que les autres.
Cette année, la procession d'enfants qui viendra sonner aux portes des Américains risque d'être particulièrement effrayante. Les magasins de déguisements ont misé sur des costumes tous plus atroces les uns que les autres, du clown à la machette sanglante au zombie ninja en passant par "Freddy, les griffes de la nuit", le tout conçu pour des marmots d'à peine cinq ans.
Les costumes de tueur disponibles en taille enfant
La tendance n'est plus aux traditionnels déguisements de Frankenstein ou aux gentils dinosaures mais bien à l'horreur, même chez les tout-petits. Les costumes du tueur à griffes Freddie Krueger, du tueur d'enfants Michael Myers ou encore de Chucky, la poupée maléfique, sont maintenant disponibles en taille enfant. Les masques du personnage de Scream, très populaires l'année dernière, paraissent presque fades cette année. "Ces dernières années, la tendance est à ce qui sera le plus sinistre", explique Melissa Sprich, vice-présidente du marchandising pour la chaîne nationale de magasins Party City. Pour les bébés, cette tendance se décline en costume de diable, remplaçant les habituels dinosaures, ajoute Melissa Sprich.
Pour tous les autres âges, les parents sont à la recherche de costumes représentant les personnages de "Chucky, de Freddy, ou de Jason" alors même que leurs enfants sont trop jeunes pour regarder ces films.
Des mains coupées pour décorer la table
Les décorations sont devenues tout aussi effrayantes. Le magasin Spirit Halloween propose une version mécanique de la petite fille envoûtée du film L'Exorciste à placer dans la cour d'entrée, tandis que Papermart présente des mains découpées et dégoulinantes de faux sang enrobées dans du papier de boucher pour décorer la table... Un peu plus tôt ce mois-ci, Amber Boettcher a amené sa fille de 6 ans, Addi, dans un magasin de déguisements, à quelques pas de chez elle, dans le Minnesota. Elles cherchaient des pompons pour les ajouter au costume fait-main d'Addi.
Mais les courses ont tourné court lorsque la petite fille a vu la gamme de costumes d'horreur au rayon enfant. "Elle a eu peur", explique Amber Boettcher. "Le magasin était tellement dégoûtant et effrayant que nous sommes parties!"
Une monstruosité sans précédent
Les entreprises détentrices des droits sur les personnages de Freddy, Chucky ou Jason déterminent la taille des costumes, descendant jusqu'aux tailles 6-8 ans ou 10-12 ans pour certains personnages. Mais ces déguisements pour les 6-8 ans sont parfois portés par des enfants de cinq ans. David Skal, qui a dépeint la fascination de l'Amérique pour l'horreur dans de nombreux livres, s'étonne du niveau de "monstruosité chez les enfants" atteint cette année. Depuis des siècles, les masques effrayants et les "histoires qui font peur ont été utilisés pour faire passer aux enfants une sorte de message initiatique selon lequel le monde n'est pas toujours un lieu sûr et accueillant", explique David Skal. Peut-être cette année les parents sont-ils particulièrement préoccupés par l'état du monde, avance-t-il.
Pour son livre Death Makes a Holiday, Skal s'est entretenu avec des personnes qui ont grandi pendant la Grande Dépression des années 1930. Ils se déguisaient alors en clochards ou des mendiants. A l'époque, "les gens étaient très inquiets de voir l'échelle sociale s'effondrer. L'idée d'une montée en puissance des masses de 'mal-propres' peut être mise en parallèle avec notre fascination actuelle pour les zombies", explique l'écrivain.
Quand Frankenstein et Dracula tenaient la vedette
Chris Alexander, rédacteur en chef de Fangoria, un magazine d'horreur bien installé, explique que dans les années 1930, les personnages considérés aujourd'hui comme inoffensifs, tels que Frankenstein ou le comte de Dracula, troublaient les spectateurs autant que Chucky ou Michael Myers aujourd'hui. Mais ces personnages ont été décliné dans des décennies d'adaptations avant de devenir des costumes conçus pour les élèves de maternelle. Ce polissage n'a pas eu lieu pour des personnages comme Freddy Krueger: ils sont représentés de façon très réaliste en latex et tissu et finissent sur les frêles épaules des petits.
Même pour Chris Alexander, également réalisateur de films d'horreurs à petit budget, les déguisements actuels sont trop sanglants pour songer à les acheter à un enfant de cinq ans. "Mon bureau ressemble à un cauchemar devenu réalité" dit-il, "mais je n'habillerais jamais mon enfant comme Freddy Krueger ou Jason... Je suis assez choqué lorsque je vois ça", ajoute-t-il.
Pour l'enseigne Party City, la popularité de personnages de films d'horreur comme Chucky s'explique par la vague de nostalgie éprouvée par les parents actuels, enfants à l'époque. Les personnages de Ghostbuster et des jeux vidéos Mario et Luigi sont également à la mode en ce moment.
Nostalgie de l'horreur
La tendance est donc à la nostalgie et les enfants apprécient de voir l'effet de leurs déguisements sanglants sur les adultes, analyse Cynthia Edwards, professeur de psychologie enfantine à l'université Meredith de Raleigh (Caroline du Nord). "Un des plaisirs d'Halloween pour les enfants est de devenir le personnage dont ils portent le costume. Si vous vous habillez comme une princesse ou un pilote, vous êtes un princesse ou un pilote pendant quelques heures. Et alors se pose la question: s'il est habillé comme un personnage horrible, comment l'enfant le perçoit-il ?", s'interroge-t-elle. Une seule journée passée dans un univers d'horreur n'aura pas d'impact à long terme sur les enfants, mais certains seront perturbés par le fait de porter des déguisements sanglants ou de voir leurs camarades habillés de cette façon, estime Cynthia Edwards.
Ce qui peut être particulièrement déstabilisant pour les enfants, souligne le rédacteur en chef de Fangoria, c'est de voir les parents dire "non sur tous les tons à l'horreur et au sanguinolent" toute l'année et, une fois par an, les amener sans hésiter dans des magasins débordant de corps démembrés ou d'animaux mécaniques morts" pour acheter des déguisements effrayants. Puis, sans même laisser le temps aux enfants de placer cette imagerie inquiétante dans son contexte, "dès que le 31 octobre est passé, l'horreur est à nouveau enterrée".