En Russie, des liens convergents entre le pouvoir et l'Eglise orthodoxe

A Kazan, ville symbole en Russie des bonnes relations entre chrétiens et musulmans, les autorités russes viennent de mettre en scène leur rapprochement avec le monde islamique. Dans la capitale sur la Volga de la république semi-autonome du Tatarstan, les bulbes de la cathédrale orthodoxe et les minarets de la grande mosquée coexistent, réunis au sein même du Kremlin, la citadelle où se trouvent les édifices du pouvoir politique et religieux. les pouvoirs sont unis. Un cas unique en Russie.
L’adoption du Coran il y a 1 100 ans dans cette région à quelque 700 km de Moscou « a eu un impact significatif sur la formation de notre patrie en tant qu’État multiconfessionnel »s’est réjoui Vladimir Poutine, absent du forum « Russie-Monde islamique », mais dont la lettre de bienvenue a été lue aux 1.100 personnalités religieuses de 76 régions russes et de cinq pays musulmans.

Aucun pays musulman n’a imposé de sanctions à Moscou

A la tête d’un pays qui compte 15 à 20 millions de musulmans mais, à l’international, isolé par l’Occident depuis son « opération militaire spéciale » en Ukraine, le président russe n’a pas manqué de souligner son rapprochement avec le monde islamique. : Aucun pays musulman n’a imposé de sanctions à Moscou.
« Ensemble, nous nous opposons à l’usage du chantage, des mesures discriminatoires, du diktat politique et économique dans les relations internationales », accueilli Vladimir Poutine, saluant « fermeté, courage et altruisme » Des soldats musulmans de son armée en Ukraine.

« L’Occident essaie d’imposer ses valeurs »

L’un après l’autre, les autorités locales et les représentants musulmans ont repris et défendu à Kazan le récit des autorités russes. « La période est difficile. Nous devons nous unir autour du chef de notre État », a souligné Rustam Minnikhanov, président de la République du Tatarstan.
Il a violemment attaqué l’Occident. « L’Occident essaie d’imposer ses valeurs », il a pris d’assaut. Un thème repris par Vladimir Poutine ces dernières années : mettre en avant la bonne intégration des musulmans en Russie pour montrer que, dans son combat contre l’Occident et son déclin supposé des valeurs, il a l’islam avec lui.

« Renaissance spirituelle » de la Russie

Pour le Kremlin, les musulmans russes, une précieuse réserve de voix électorales (lire ci-dessous), jouent un rôle clé dans sa défense des valeurs conservatrices. A la tribune du forum de Kazan, Cheikh ul-Islam Talgat Tadzhuddin, mufti à la tête du centre de direction spirituelle des musulmans, a tenu des propos encore plus durs que les discours officiels.
prié pour « nos soldats mobilisés »il a dénoncé le régime de Kyiv qui « Organise un retour du nazisme et réalise un génocide avec l’aide des Occidentaux orchestrant l’avancée de l’OTAN ». Il a remercié Vladimir Poutine d’avoir permis au « la renaissance spirituelle », « la confrontation du vrai et du faux » et « L’unité russe » devant de « une Europe qui perd ses repères ». Des mots chaleureusement applaudis.

chape de plomb

« Apparemment, donc, la communauté islamique est derrière le président. Mais la chape de plomb est telle que tout opposant à la guerre, orthodoxe ou musulman, ne peut plus s’exprimer librement. met en garde un observateur européen des affaires religieuses russes à Moscou. « Il faut aussi lire entre les lignes… »
A Kazan, un mufti réputé pragmatique a tenu un discours plus modéré. Cheikh Ravil Gaynutdin, président du Conseil des muftis de Russie, a fait l’éloge « l’Etat multiconfessionnel et tolérant » construit par le Kremlin. Mais il a soigneusement évité de parler de la crise en Ukraine, se cantonnant à des propositions concrètes : construction de nouvelles mosquées dans le pays, renforcement des liens internationaux avec le monde islamique, « marché économique majeur »…

Un relais politico-religieux utile pour le Kremlin

En tournée cette semaine au Moyen-Orient, à Bahreïn et en Arabie saoudite, Sergueï Lavrov passera à la pratique. « Le grand plan est de renforcer les liens économiques entre la Russie et le monde islamique, se souvient Alexei Malachenko, expert chez Imemo, un think tank renommé à Moscou. Mais le monde musulman ne sera jamais une alternative complète pour remplacer l’Occident… » En attendant, c’est un relais politico-religieux utile pour le Kremlin.
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Les musulmans russes, précieuse réserve de voix électorales

Sur 146 millions de Russes, entre 15 et 20 millions sont nominalement musulmans. Tous ne sont pas croyants.
Il faut ajouter 2 à 3 millions de travailleurs migrants officiellement enregistrés – sans oublier les clandestins – originaires des anciennes républiques musulmanes soviétiques d’Asie centrale (Ouzbékistan, Tadjikistan, Kirghizstan).
Lors des dernières élections présidentielles et législatives, les six principales républiques musulmanes de Russie (Tchétchénie, Ingouchie, Daghestan, Kabardino-Balkarie, Tatarstan, Bachkortostan) ont voté en moyenne à 84 % en faveur de Vladimir Poutine et de son parti « Russie unie ».
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