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le gouverneur chrétien de Djakarta condamné à deux ans de prison pour blasphème

3 participants

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Josué

Josué
Administrateur

En Indonésie, le gouverneur chrétien de Djakarta condamné à deux ans de prison pour blasphème
Lilas-Apollonia Fournier, le 09/05/2017 à 9h07
Accusé d’avoir insulté le Coran, l’ancien gouverneur chrétien de Djakarta a été condamné mardi 9 mai à deux ans de prison.

Le gouverneur Basuki Tjahaja Purnama à l’ouverture de son procès pour blasphème, à Jakarta le 25 avril 2017.
ZOOM
Le gouverneur Basuki Tjahaja Purnama à l’ouverture de son procès pour blasphème, à Jakarta le 25 avril 2017. / Kristianto Purnomo/AFP
L’ancien gouverneur chrétien de Djakarta, Basuki Tjahaja Purnama, surnommé Ahok, a été condamné mardi 9 mai à deux ans de prison pour insulte à l’islam. Le juge Dwiarso Budi Santiarto a déclaré que les cinq magistrats du tribunal avaient estimé que Basuki Tjahaja Purnama était « de façon probante, coupable de blasphème ». Il a également ordonné son incarcération de celui qui, battu en avril aux élections, reste encore en poste jusqu’en octobre 2017. Le prévenu a annoncé qu’il ferait appel.

Cet événement est sensible en Indonésie, pays comptant le plus de musulmans au monde, dont 90 % de la population est de confession musulmane. Cette histoire fait automatiquement écho aux fortes tensions religieuses, politiques et identitaires qui secouent le pays.

Engagement en faveur de la lutte anti corruption

Issu de la minorité chinoise, Basuki Tjahaja Purnama, 50 ans, a été, entre 2014 et 2017, le premier gouverneur non musulman de la capitale indonésienne depuis plus d’un demi-siècle. Il a construit sa popularité grâce à son engagement en faveur de la lutte anti corruption à Djakarta, métropole de dix millions d’habitants. Son franc-parler lui a valu des inimitiés, notamment parmi les partisans d’une ligne dure de l’islam, opposés à un gouverneur de confession chrétienne.

En septembre 2016, à la suite de récentes déclarations lors de la campagne pour l’élection du gouverneur, il est accusé d’avoir insulté le Coran. Il avait déclaré que l’interprétation par certains oulémas (théologiens musulmans) d’un verset du Coran selon lequel un musulman ne doit élire qu’un dirigeant musulman, était erronée.

Sur les réseaux sociaux, son discours a provoqué la colère des musulmans conservateurs. Ceux-ci ont qualifié ses déclarations « d’insulte » à l’islam. En novembre, plusieurs organisations islamistes ont appelé à son arrestation et ont organisé une manifestation à Djakarta qui réunit plus de 100 000 personnes.

Par la suite, Ahok est inculpé pour « blasphème » et l’affaire est renvoyée au tribunal en décembre 2016. Dans ce contexte, il perd son siège de gouverneur en avril dernier, face à l’intellectuel musulman et ancien ministre de l’Éducation Anies Baswedan.

A LIRE : Indonésie : Djakarta élit un gouverneur musulman

Un pays habité par sa corruption

« Je n’avais aucune intention de commettre un blasphème », a déclaré Basuki Tjahaja Purnama. Pour Sophie Lemière, anthropologue à l’Institut de l’Université européenne à Florence, son procès « est une mise en scène au service d’intérêts politiciens qui a permis d’obscurcir les problèmes économiques ». L’Indonésie est en effet fracturée par des fortes inégalités économiques.

Surtout, le pays connaît un durcissement de son discours identitaire au nom d’une représentation de l’islam. « La double identité minoritaire d’Ahok, chinoise et chrétienne, est perçue comme un symboledupluralisme de l’identité indonésienne », explique la chercheuse française. Or, « les opposants critiquent ce multiculturalisme et la démocratie dans une rhétorique teintée de xénophobie », ajoute Sophie Lemière.

Le procès d’Ahok et les manifestations qui ont suivi n’ont fait que « creuser les failles identitaires » du pays, selon la chercheuse. Les politiques entretiennent l’illusion d’une perte nationale d’identité et de religion.

« Cela sert à justicier des pratiques de pouvoir autoritaire, même dans un contexte démocratique », souligne Sophie Lemière. « La question religieuse est manipulée. Les controverses morales sont instrumentalisées par les politiciens ». ».

Pour appuyer leurs propos, « les politiciens soutiennent ou financent des groupes qui se réclament de la société civile, raconte la chercheuse.Ils se présentent comme des ONG mais sont de connivence avec des partis politiques pour faire croire qu’ils ont des soutiens », commente Sophie Lemière. L’utilité pour le gouvernement ? Affirmer qu’il y a un risque de déstabilisation ethnique dans la société.

Le jugement rendu ce mardi est très important pour les minorités religieuses. Il signifie, pour l’anthropologue, « réduire les communautés minoritaires au silence » : « on peut attendre des réactions fortes de leur part, comme des manifestations ou des votes de sanction à l’égard des autres politiques ».

Le verdict peut avoir un impact national et certainement affecter la politique menée par les politiciens face aux questions identitaire, religieuse et multiculturelle de l’Indonésie.
[Seuls les administrateurs ont le droit de voir ce lien]

samuel

samuel
Administrateur

Je pense que les juges qui ont juger cette personne devaient être tous des musulmans ?

Josué

Josué
Administrateur

Blasphème : un argument pour discréditer des adversaires dans des pays musulmans
PAR RELIGIOSCOPE, 9 MAI 2017

En Indonésie, Basuki Tjahaja Purnama, dit Ahok, gouverneur sortant de Djakarta (il vient d'être battu par un adversaire alors qu'il tentait d'obtenir sa réélection), a été condamné le 9 mai 2017 à deux années de prison ferme pour blasphème. D'origine chinoise, l'homme politique appartient à la minorité chrétienne, qui forme environ 10 % de la population (85 % de musulmans). L'accusation de blasphème avait été émise par des groupes activistes musulmans. En septembre 2016, durant sa campagne électorale, Ahok avait cité ce verset du Coran, utilisé par ses adversaires pour dissuader les électeurs de voter pour un non musulman : « Ô les croyants ! Ne prenez pas pour amis les juifs et les chrétiens ; ils sont les amis les uns des autres. Et celui d’entre vous qui les prend pour amis devient un des leurs. Allah ne guide certes pas les gens injustes. » (Sourate 5, verset 51) Il avait été accusé de critiquer ce verset, et donc d'insulter le Coran, alors qu'il affirme s'en être pris uniquement aux usages tirés de ce verset pour appeler les musulmans à ne pas lui donner leurs voix. L'agence de presse Églises d'Asie rappelle d'ailleurs que le ministère public avait modifié la qualification des faits en « insulte envers les oulémas », ce qui aurait valu le sursis à l'accusé, mais les cinq juges en ont décidé autrement (« Ahok, le gouverneur sortant de Djakarta, a été condamné à deux ans de prison pour blasphème », EDA, 9 mai 2017).
Al Jazeera souligne que la loi sur le blasphème est de plus en plus souvent utilisée en Indonésie pour s'en prendre aux minorités religieuses. Elle a été appliquée en 2012 pour emprisonner durant deux ans et demi un fonctionnaire de Sumatra qui s'était déclaré athée sur Facebook. Un musulman a été condamné à deux ans de prison pour avoir prêché des croyances chiites. Ahok et ses partisans estiment que la loi sur le blasphème a été instrumentalisée contre lui à des fins politiques (« Ahok: Indonesia's religious tolerance on trial ? », Al Jazeera, 9 mai 2017). Dans une récente analyse, James M. Dorsey (S. Rajaratnam School of International Studies) remarque que, à l'instar de l'accusation de terrorisme, le blasphème est devenu un fourre-tout commode « pour intimider, incarcérer et tuer des critiques et des opposants politiques ainsi que pour étouffer un débat libre et régler des comptes ». L'accusation de blasphème n'est pas simplement utilisée par des gouvernements, relève Dorsey, mais aussi par des groupes extrémistes et des individus pour s'en prendre à des adversaires ou à des opposants. La diffusion d'un modèle d'islam de provenance saoudienne depuis quatre décennies a créé un environnement dans lequel plusieurs « blasphémateurs » supposés ont été assassinés ces dernières années dans des pays tels que le Pakistan ou le Bangladesh. Dans plusieurs cas, l'accusation de blasphème a été un simple outil pour s'en prendre à des personnes jugées gênantes en excitant les sentiments contre elles.
James M. Dorsey, « Blasphemy and Terrorism : Catchall Phrases to Repress Dissent », 3 mai 2017.
URL : [Seuls les administrateurs ont le droit de voir ce lien]

Josué

Josué
Administrateur

La démocratie d’Indonésie à l’épreuve du blasphème
Editorial. La condamnation du gouverneur de Djakarta, issu de la minorité chrétienne et qui a écopé de deux ans de prison pour « blasphème » envers l’islam, témoigne des menaces qui pèsent sur le modèle tolérant de l’Indonésie laïque.

LE MONDE | 13.05.2017 à 11h03 • Mis à jour le 13.05.2017 à 21h54
Manifestation de soutien au gouverneur Basuki Purnama, surnommé « Ahok », vendredi 12 mai, à Djakarta. Sur l’affiche est écrit : « Libérez Ahok ».
Editorial du « Monde ». Les larmes coulant sur le visage du gouverneur adjoint de Djakarta, Djarot Saiful Hidayat, face à un millier d’administrés entonnant en chœur l’hymne national devant la mairie de la capitale indonésienne en disent plus long que toutes les protestations. Les manifestations de soutien au gouverneur, Basuki Purnama, connu de tous sous son surnom d’« Ahok », se sont multipliées à travers le pays depuis sa condamnation, le 9 mai, à deux ans d’emprisonnement pour blasphème, révélant au grand jour les vives tensions entre les tenants d’une société ouverte et multiconfessionnelle et les milieux conservateurs, islamo-nationalistes ou intégristes.

Ahok, 50 ans, est chrétien et d’ethnie chinoise. Gouverneur de Djakarta depuis 2014, il est le premier non-musulman et le premier issu de la minorité chinoise à avoir été élu à ce poste ; encore en fonctions pour six mois, il a été incarcéré dès l’annonce de sa condamnation, dont il a fait appel. Son crime est d’avoir cité, lors d’un meeting électoral en septembre 2016, une sourate du Coran qui recommande aux musulmans de ne pas prendre pour « amis les juifs et les chrétiens » ; il avait accusé ses adversaires politiques de manipuler ce verset pour appeler les électeurs à ne pas voter pour lui, sous prétexte qu’il n’est pas musulman.

Très populaire pour sa gestion de la capitale et son rôle dans la lutte contre la corruption, le gouverneur est également connu pour son franc-parler et un caractère assez versatile. L’affaire de la sourate, fortement exploitée par les très actifs milieux conservateurs islamistes, a provoqué de nombreuses manifestations de colère dans ce pays de 260 millions d’habitants et qui abrite la plus forte population musulmane du monde ; elle a valu au gouverneur d’être poursuivi pour blasphème dès décembre, puis de perdre l’élection pour un deuxième mandat en avril, malgré un beau score au premier tour, où il était arrivé en tête.

Sévérité choquante

La sévérité de la condamnation d’Ahok est d’autant plus choquante que le parquet avait conclu qu’il n’avait pas insulté l’islam et avait rejeté l’accusation de blasphème, se limitant à requérir une peine de mise à l’épreuve. Les juges, cependant, lui ont reproché de n’avoir manifesté aucun signe de culpabilité et d’avoir « blessé les musulmans ». Trois d’entre eux ont été promus le lendemain de la condamnation.

Cette condamnation du gouverneur, à laquelle des calculs politiques de ses adversaires ne sont pas étrangers, témoigne des menaces que fait peser sur le modèle tolérant et ouvert de l’islam indonésien la résurgence d’une conception conservatrice et fondamentaliste du religieux. Cette évolution, dont la caractéristique va de la simple bigoterie à l’islam radical, inquiète les milieux intellectuels, les partisans de la laïcité et les minorités. Plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, dont Amnesty International, ont protesté contre le verdict, de même que l’ambassadeur du Royaume-Uni, qui est musulman, et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

Lire aussi : La condamnation du gouverneur de Djakarta pour blasphème soulève un tollé

Cette affaire était un test pour l’Indonésie laïque telle que l’ont voulue les pères de l’indépendance, dans leur affirmation des principes de l’égalité des religions. La justice indonésienne n’est pas réputée pour son indépendance. Ce verdict particulièrement lourd à l’égard d’un élu, démocrate, membre d’une minorité ethnique et religieuse, allié du président Joko Widodo, qui est lui-même un modéré, n’est pas seulement dangereux : il la déshonore.
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Josué

Josué
Administrateur


Un message du gouvernement pakistanais mettant en garde contre le partage sur internet de contenus "blasphématoires", le 10 mai 2017 à Islamabad
Un message du gouvernement pakistanais mettant en garde contre le partage sur internet de contenus "blasphématoires", le 10 mai 2017 à Islamabad - AAMIR QURESHI, AFP
Le gouvernement pakistanais a envoyé à tous les Pakistanais détenteurs de téléphones portables un message les mettant en garde contre le partage sur internet de contenus "blasphématoires", un crime passible de la peine de mort dans la République islamique. Cette opération s'inscrit plus largement dans le cadre d'une campagne que mène Islamabad contre le blasphème, un sujet très sensible au Pakistan, où de simples accusations ont coûté la vie à des dizaines de personnes depuis 1990.

"Télécharger et partager des contenus blasphématoires sur internet est un crime puni par la loi. Ces contenus doivent être signalés à [Seuls les administrateurs ont le droit de voir ce lien] qui engagera des poursuites", expliquent les autorités dans ce texto envoyé par l'Autorité chargée des Télécommunications (PTA) à tous les propriétaires de portables du pays.
"Une très,très mauvaise décision"

Un porte-parole de la PTA a précisé que l'Agence avait agi sur injonction.

La peine de mort pour blasphème a été introduite en 1986 sous le régime militaire du général Mohammed Zia ul-Haq (1977-1988). Jusqu'ici le Pakistan n'a encore jamais exécuté personne pour blasphème, les condamnés à mort ayant vu leur peine annulée ou commuée en appel. Mais les défenseurs des droits de l'homme dénoncent une loi instrumentalisée selon eux pour régler des conflit personnels.

De même, ils estiment que le SMS du gouvernement ne fera qu'encourager les lynchages de personnes soupçonnées de blasphème, à l'image du meurtre d'un étudiant aux idées progressistes tué par une foule déchaînée le mois dernier à Mardan (nord-ouest), furieuse qu'il exprime ses opinions, jugées blasphématoires, sur internet.

"C'est une très, très mauvaise décision", a réagi Shahzad Ahmad, militant et expert en technologies de l'information, interrogé par l'AFP, évoquant un risque que le SMS du gouvernement favorise la "haine" entre les différentes communautés religieuses du Pakistan.

Josué

Josué
Administrateur

Secousses islamistes en Indonésie
par Marie Beyer & Martine Bulard, 17 mai 2017
Le Monde diplomatiqueSecousses islamistes en Indonésie↑

Manifestation de soutien à Ahok, le 7 mai 2017
Djakarta, 9 mai 2017. « Coupable de blasphème ». Le gouverneur de Djakarta, M. Basuki Tjahaja Purnama, couramment appelé Ahok, a été condamné à deux ans de prison ferme pour ce délit, bien inscrit à la Constitution mais très contesté au sein d’une Indonésie qui se veut séculaire. Pas de tergiversations, le gouverneur est emmené vers la prison de Cipinang, à l’est de la capitale, dès sa sortie du tribunal. Les images d’Ahok en chemise batik bleue (de tradition indonésienne) montant dans le fourgon de police le bras levé, affichant de ses doigts le signe de paix, renforcent la sidération des progressistes indonésiens. Nul ne s’attendait à un tel dénouement. Le procureur lui-même n’avait requis qu’un an de prison avec sursis. La veille, plusieurs de nos interlocuteurs nous mettaient en garde contre les fondamentalistes religieux, réunis devant la Cour de Djakarta nord pour réaffirmer leurs menaces de « chaos » si le tribunal se montrait trop clément. Il faut dire qu’ils ont déjà montré un certain savoir-faire en la matière… Mais à l’annonce du verdict, ce mardi, ils laissent éclater leur joie, même si quelques-uns auraient souhaité une condamnation plus longue — la loi prévoit jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.

L’affaire s’est déclenchée en septembre 2016 au démarrage de la campagne électorale pour le renouvellement du gouverneur de la capitale (qui compte plus de dix millions d’habitants) — les deux tours de scrutins se tenant en février et avril 2017. Ahok était en place depuis deux ans, après avoir « naturellement » glissé du poste de vice-gouverneur de M. Joko Widodo — dit Jokowi —, à celui de gouverneur quand celui-ci a été élu président en 2014. Déjà, l’arrivée à la tête de Djakarta de ce quinquagénaire au franc-parler, sino-indonésien et chrétien de surcroît dans un pays peuplé à 87 % de musulmans, avait été critiquée mezzo voce. C’est sans doute ce qui l’a conduit, lors d’une rencontre publique, à mentionner une sourate du Coran (Al-Maidah) qui, selon certaines interprétations, recommanderait aux musulmans de ne pas prendre « pour alliés, les juifs et les chrétiens (…) celui qui les prend pour alliés devient l’un des leurs ». Lors de cette réunion, personne ne s’en est offusqué.

Les formations intégristes musulmanes se sont emparées de ces déclarations pour l’accuser de diviser la nation en insultant l’islam et en détournant le Coran à des fins personnelles. Ce que rejettent plusieurs organisations musulmanes.

Lire aussi Wendy Kristianasen, « Indonésie, musulmans contre islamistes », Le Monde diplomatique, novembre 2010. Aux premières lignes de ce bloc anti-Ahok, le Front des défenseurs de l’islam (FPI) qui prétend sauvegarder la pureté du Coran mais qui est connu pour racketter les boîtes de nuits ou les salles de jeux — au nom de la décence, évidemment. Comme l’explique le spécialiste français Remy Madinier (1), il s’agit en fait d’une petite mafia à l’indonésienne qui, à l’occasion, aide les plus démunis au quotidien. Au terme d’une intense propagande facilitée par les réseaux de proximité mis en place depuis des années, notamment dans les campagnes et les quartiers populaires, ces organisations ont permis (et financé) le rassemblement d’une foule gigantesque. Les trois manifestations géantes organisées à Djakarta en octobre, novembre et décembre derniers ont joui d’une organisation sur mesure : services de cars venus de tout Java et même de Sumatra, repas offerts, tenue blanche de rigueur pour tous. À chaque fois, ils ont rassemblé plus de 200 000 personnes (700 000, selon les organisateurs) avec comme revendication l’établissement d’un procès pour insulte à l’islam et l’éviction du gouverneur sino-indonésien. Ce sont les plus grosses manifestations depuis la chute du dictateur Suharto en 1998.

Ce procès d’un autre âge qui jette en prison un gouverneur en exercice se déroule sur un vieux fond antichinois. Les émeutes de 1998 avaient fait plus d’un millier de morts, avec des viols collectifs de sino-indonésiennes à Djakarta. Ceux qui ont connu cette période, telle cette militante féministe rencontrée au lendemain du verdict, ne croient pas au retour de telles violences : « C’était encore la dictature. Aujourd’hui nous sommes en démocratie, même si elle reste fragile. »

D’autres se montrent plus inquiets. Le venin de l’intolérance et du racisme pénètre lentement, mais sûrement. « Nous sommes un pays musulman, nous ne pouvons pas être dirigé par un non-musulman », assure tranquille autour d’un café un journaliste musulman qui veut garder l’anonymat, avant d’expliquer que « le problème vient du fossé qui s’est établi entre les Indonésiens de souche (indigenous Indonesians) et les Sino-Indonésiens. Les musulmans sont majoritaires dans le pays mais ils n’ont pas de pouvoir, spécialement dans le domaine économique. » Il oublie évidemment que les Sino-Indonésiens sont installés depuis des siècles dans le pays et que, à côté de quelques riches qui détiennent nombre des leviers économiques, d’autres vivent dans des conditions misérables.

Pourtant ce mécontentement fait le miel de l’intégrisme islamique et des haines ethniques — un peu comme Mme Le Pen, en France. En conclure que l’Indonésie est devenue le royaume des fous de Dieu serait tout aussi absurde que de penser que la France est peuplée de racistes. Certes, le fondamentalisme a marqué des points depuis quelques années. Mais il demeure très largement minoritaire. Notre journaliste en colère contre « le gouvernement et les Chinois » n’en proteste pas moins contre la « pression de l’islam arabique », venu notamment d’Arabie saoudite, qui tend à se développer. Car au départ, l’islam indonésien n’a que peu à voir avec celui du Proche-Orient.

Par exemple, la grande majorité des femmes travaillent, conduisent, se maquillent, divorcent (parfois avec difficultés), voyagent, et ce sans aucun chaperon. Il n’est pas rare de voir des femmes dans les rues de Djakarta au guidon d’une moto, casque par-dessus le foulard. Les enfants fréquentent le plus souvent les écoles publiques et, sur le campus des universités, jeunes filles voilées et non voilées se côtoient sans problème, même si depuis quelques années « on sent une montée de l’intolérance », note une jeune professeure de l’université d’État, à Djakarta. Les tentatives pour faire régresser les droits des femmes se multiplient, les violences domestiques demeurent difficilement reconnues par la justice et l’avortement est toujours interdit… Reste que le débat entre musulmans sur l’interprétation du Coran et sur la défense des droits humains est public et constant.

Lire aussi Nabil Mouline, « Surenchères traditionalistes en terre d’islam », Le Monde diplomatique, mars 2015. En effet, si l’Indonésie est la plus grande démocratie d’un pays majoritairement musulman, elle n’est pas un État islamique. Elle relève du Pancasila (prononcer pan-fa-si-la) adopté lors de l’indépendance et qui s’articule autour de cinq principes : le monothéisme, l’humanisme, l’unité nationale, la démocratie et la justice sociale. Dans la foulée, six religions ont été reconnues (l’islam, le catholicisme, le protestantisme, l’hindouisme, le bouddhisme puis, un peu plus tard, le confucianisme). Personne ou presque ne veut remettre en cause cette doxa. Selon un sondage réalisé à Djakarta lors du second tour de l’élection du gouverneur, 87 % des personnes interrogées voulaient garder ces règles de cohabitation qui fondent l’unité nationale. Toutefois 58 % estimaient qu’un non-musulman ne pouvait pas diriger des musulmans (2).

En fait, le verdict de blasphème prononcé à l’encontre d’Ahok a joué comme un électrochoc pour tous les progressistes. En quelques heures, ils se sont mobilisés — musulmans et non musulmans, gauche radicale et centre-gauche (si tant est que ces notions aient quelque résonance ici), féministes de tous horizons. Bougies à la main, ils se sont retrouvés d’abord devant la prison Cipinang puis devant le monument de la Proclamation à Djakarta. Ils ont chanté, certains ont prié, et tous ont dit leur « soutien à Ahok et le rejet du fondamentalisme ».

Mutiaria, syndicaliste radicale, féministe sans religion, était du nombre. Pourtant, elle n’a pas voté Ahok. En effet, dit-elle, « il a bloqué les salaires, expulsé ou cherché à expulser les couches populaires » de leurs quartiers (les kampungs) pour laisser la place à des immeubles de luxe ou de bureaux. D’autres, parmi les couches moyennes, ont regardé « avec effarement les projets pharaoniques d’îles artificielles et autres marinas envisagés sur la côte, au détriment de l’environnement. Ahok veut faire comme à Singapour. »

En l’absence d’alternative, son adversaire M. Anies Paswedan, a été élu avec le soutien du FPI et de la plupart des partis religieux, ainsi que de celui du général Prabowo Subianto, candidat malheureux à la présidentielle de 2014 et partisan de l’ancien régime. La confusion est totale. Une chose est sûre : le procès a eu le mérite de mobiliser tous azimuts. Nous y reviendrons très largement lors du reportage qui sera publié dans une prochaine édition du Monde diplomatique. Le président Jokowi a fini par interdire un des partis fondamentalistes (Hizbut Tahrir) et une enquête officielle est ouverte contre M. Rizieq Shiha, le patron de FPI, pour une sombre affaire de pornographie.

Marie Beyer & Martine Bulard
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Josué

Josué
Administrateur

Djakarta, 9 mai 2017. « Coupable de blasphème ». Le gouverneur de Djakarta, M. Basuki Tjahaja Purnama, couramment appelé Ahok, a été condamné à deux ans de prison ferme pour ce délit, bien inscrit à la Constitution mais très contesté au sein d’une Indonésie qui se veut séculaire. Pas de tergiversations, le gouverneur est emmené vers la prison de Cipinang, à l’est de la capitale, dès sa sortie du tribunal. Les images d’Ahok en chemise batik bleue (de tradition indonésienne) montant dans le fourgon de police le bras levé, affichant de ses doigts le signe de paix, renforcent la sidération des progressistes indonésiens. Nul ne s’attendait à un tel dénouement. Le procureur lui-même n’avait requis qu’un an de prison avec sursis. La veille, plusieurs de nos interlocuteurs nous mettaient en garde contre les fondamentalistes religieux, réunis devant la Cour de Djakarta nord pour réaffirmer leurs menaces de « chaos » si le tribunal se montrait trop clément. Il faut dire qu’ils ont déjà montré un certain savoir-faire en la matière… Mais à l’annonce du verdict, ce mardi, ils laissent éclater leur joie, même si quelques-uns auraient souhaité une condamnation plus longue — la loi prévoit jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.

L’affaire s’est déclenchée en septembre 2016 au démarrage de la campagne électorale pour le renouvellement du gouverneur de la capitale (qui compte plus de dix millions d’habitants) — les deux tours de scrutins se tenant en février et avril 2017. Ahok était en place depuis deux ans, après avoir « naturellement » glissé du poste de vice-gouverneur de M. Joko Widodo — dit Jokowi —, à celui de gouverneur quand celui-ci a été élu président en 2014. Déjà, l’arrivée à la tête de Djakarta de ce quinquagénaire au franc-parler, sino-indonésien et chrétien de surcroît dans un pays peuplé à 87 % de musulmans, avait été critiquée mezzo voce. C’est sans doute ce qui l’a conduit, lors d’une rencontre publique, à mentionner une sourate du Coran (Al-Maidah) qui, selon certaines interprétations, recommanderait aux musulmans de ne pas prendre « pour alliés, les juifs et les chrétiens (…) celui qui les prend pour alliés devient l’un des leurs ». Lors de cette réunion, personne ne s’en est offusqué.

Les formations intégristes musulmanes se sont emparées de ces déclarations pour l’accuser de diviser la nation en insultant l’islam et en détournant le Coran à des fins personnelles. Ce que rejettent plusieurs organisations musulmanes.

Lire aussi Wendy Kristianasen, « Indonésie, musulmans contre islamistes », Le Monde diplomatique, novembre 2010. Aux premières lignes de ce bloc anti-Ahok, le Front des défenseurs de l’islam (FPI) qui prétend sauvegarder la pureté du Coran mais qui est connu pour racketter les boîtes de nuits ou les salles de jeux — au nom de la décence, évidemment. Comme l’explique le spécialiste français Remy Madinier (1), il s’agit en fait d’une petite mafia à l’indonésienne qui, à l’occasion, aide les plus démunis au quotidien. Au terme d’une intense propagande facilitée par les réseaux de proximité mis en place depuis des années, notamment dans les campagnes et les quartiers populaires, ces organisations ont permis (et financé) le rassemblement d’une foule gigantesque. Les trois manifestations géantes organisées à Djakarta en octobre, novembre et décembre derniers ont joui d’une organisation sur mesure : services de cars venus de tout Java et même de Sumatra, repas offerts, tenue blanche de rigueur pour tous. À chaque fois, ils ont rassemblé plus de 200 000 personnes (700 000, selon les organisateurs) avec comme revendication l’établissement d’un procès pour insulte à l’islam et l’éviction du gouverneur sino-indonésien. Ce sont les plus grosses manifestations depuis la chute du dictateur Suharto en 1998.
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Josué

Josué
Administrateur

L’ONU exige la libération du gouverneur chrétien de Djakarta
Malo Tresca, le 23/05/2017 à 14h41

Plusieurs experts des Nations unies ont enjoint, lundi 22 mai, les autorités indonésiennes de libérer le gouverneur Basuki Tjahaja Purnama, surnommé « Ahok », condamné à deux ans de prison pour blasphème contre l’islam.

Photographie prise le 9 mai 2017 montre le gouverneur chrétien de Jakarta, Basuki Tjahaja Purnama, populairement connu sous le nom d'Ahok, arrivant à une salle d'audience pour son verdict et sa sentence dans son procès blasphème à Jakarta.
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Photographie prise le 9 mai 2017 montre le gouverneur chrétien de Jakarta, Basuki Tjahaja Purnama, populairement connu sous le nom d'Ahok, arrivant à une salle d'audience pour son verdict et sa sentence dans son procès blasphème à Jakarta. / Bay Ismoyo/AFP
Son incarcération, au début du mois de mai, avait créé la stupeur, en faisant craindre aux minorités indonésiennes une nouvelle escalade de l’intolérance religieuse dans le plus grand pays musulman du monde.

Lundi 22 mai, plusieurs experts de l’ONU ont exigé des autorités « la libération immédiate » du gouverneur chrétien de Djakarta, Basuki Tjahaja Purnama, plus connu dans le pays sous le surnom d’« Ahok », sévèrement condamné une dizaine de jours plus tôt pour blasphème à une peine de deux ans de prison, assortie d’une arrestation immédiate. Sa famille, qui avait décidé d’interjeter appel, est revenue sur sa décision sans révéler les raisons de cette volte-face.

À LIRE : En Indonésie, le gouverneur chrétien de Djakarta condamné à deux ans de prison pour blasphème

Un verdict qui « a pris tout le monde de court »

« Le verdict ne nous a pas seulement abasourdis, nous et les procureurs, il a pris tout le monde de court », avait confié, à l’issue du jugement, à l’AFP Ronny Talapessy, l’un des représentants de la défense, en réclamant la remise en liberté de son client le temps de l’examen du recours et en dénonçant une « prise en compte insuffisante » des dépositions des témoins de la défense.

En révélant au grand jour les violentes tensions qui resurgissent entre les tenants d’une société ouverte et multiconfessionnelle et les milieux nationalistes, islamo-conservateurs ou intégristes indonésiens, cette décision du parquet de Djakarta, a suscité, bien au-delà de la région, une vague d’indignation internationale.

Une décision « sapant la liberté de religion »

« La condamnation et l’emprisonnement de Basuki Tjahaja Purnama pour blasphème vont saper la liberté de religion et la liberté de parole en Indonésie », ont réagi en ce sens, dans un communiqué, les experts de l’ONU – parmi lesquels figure notamment Ahmed Shaheed, le rapporteur spécial sur la liberté de religion et d’expression de l’organisation –, en réclamant, outre sa « libération immédiate », l’abrogation des lois sur le blasphème en Indonésie.

Plusieurs autres organisations de défense des droits de l’homme, dont Amnesty International et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, ont également protesté contre le verdict.

À LIRE : Blasphème : sursis requis contre le gouverneur chrétien de Djakarta

Une « importante vague de contestation »

Aujourd’hui âgé de 50 ans, « Ahok », premier gouverneur non musulman en un demi-siècle et le premier issu de la minorité chinoise, au demeurant très populaire à Djakarta, avait accédé automatiquement à ses fonctions en 2014, après l’élection à la présidence de son prédécesseur Joko Widodo, dont il était alors l’adjoint. « La double identité minoritaire d’Ahok, chinoise et chrétienne, est perçue comme un symbole du pluralisme de l’identité indonésienne », expliquait début mai à La Croix Sophie Lemière, anthropologue à l’Institut de l’Université européenne à Florence. Or, « les opposants critiquent ce multiculturalisme et la démocratie dans une rhétorique teintée de xénophobie », poursuivait la chercheuse.

Connu pour son franc-parler, le gouverneur chrétien avait déclaré en septembre que l’interprétation par certains oulémas d’un verset du Coran – en vertu duquel un musulman ne peut élire de gouverneur « chrétien ou juif » – était erronée, alors que lui-même était candidat à sa propre succession. Dans un pays d’Asie du Sud-Est où toute référence à l’islam est très sensible, ses propos, rapidement instrumentalisés par des islamistes partisans d’une ligne dure, avaient provoqué une importante vague de contestation. Son procès, comme les manifestations hostiles à son égard, n’ont fait que « creuser les failles identitaires » du pays, concluait la chercheuse.

Une décision liée « à des calculs politiques » ?

La peine infligée début mai à « Ahok » avait surpris les observateurs, car les tribunaux vont très rarement au-delà des réquisitions. Or le procureur en chef chargé du dossier avait alors demandé un mois de prison avec sursis, assorti de deux années de mise à l’épreuve.

La sévérité du verdict rendu est d’autant plus étonnante que le tribunal de Djakarta avait rejeté l’accusation de blasphème. Mais les juges avaient reproché au gouverneur chrétien de n’avoir manifesté aucun signe de culpabilité et d’avoir « blessé les musulmans ». Trois de ces magistrats ont été promus le lendemain de la condamnation. Une preuve supplémentaire, pour nombre de soutiens d’« Ahok », que ce verdict est le fruit de calculs politiques.
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chico.

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Dans le monde musulman, cet inquiétant regain du blasphème

Krithika Varagur, traduit par Antoine Bourguilleau — 30.05.2017 - 8 h 12, mis à jour le 30.05.2017 à 11 h 03
Pourquoi le nombre de procès et condamnations sont-ils en augmentation?
Ce mois-ci, l’ancien gouverneur très contesté de Jakarta en Indonésie, Basuki «Ahok» Tjahaja Purnama, a été condamné à deux années de prison ferme pour blasphème contre l’Islam. Il avait contesté la manière dont des docteurs de la foi musulmane interprétaient un verset du Coran qui traite de la question du vote des musulmans en faveur de dirigeants non-musulmans. Le juge a considéré qu’Ahok n’avait pas exprimé assez de remords après avoir commis son acte impie.

Ce verdict a choqué de nombreux Indonésiens libéraux, mais sans doute plus qu’il n’aurait dû. Car les accusations de blasphème n’ont cessé de croitre au cours de la dernière décennie en Indonésie, et le taux de condamnation des accusés est quasiment de 100%.

Ailleurs, dans le monde musulman, les accusations et les procès sont montés en flèche ces dernières années. Le délit de blasphème a connu une renaissance fulgurante en Égypte depuis le renvoi du président Hosni Moubarak en 2011. En 2001, il n’y avait eu en tout et pour tout qu’un seul procès pour blasphème au Pakistan, mais on en compte désormais des dizaines par an. Au Bengladesh, au cours des cinq années écoulées, on ne compte plus le nombre d’agression et même de meurtres de blogueurs ou d’écrivains, sans parler d’une manifestation de masse qui s’était terminée par un bain de sang en 2013 et qui réclamait que le blasphème soit puni de mort.

Le blasphème monopolise la sphère politique
Si le blasphème en est venu à monopoliser les conversations politiques dans de nombreux pays à majorité musulmane, à commencer par l’Indonésie, troisième plus grande démocratie du monde, c’est clairement l’Islam qui en est la cause. Mais contrairement à ce que de nombreux intellectuels libéraux de ces pays peuvent penser, la réponse à ce problème dépasse de très loin le seul cadre religieux.

Selon un rapport de 2014 du Pew Research Center, environ 30 des 50 pays qui punissent actuellement le blasphème sont à majorité musulmane. Aux côtés des inévitables théocraties comme l’Arabie saoudite, on trouve aussi des pays aspirant à la démocratie et à la modernité comme la Turquie, la Malaisie, l’Égypte, le Pakistan et l’Indonésie, qui est officiellement un pays laïc mais dont la population est à 87% musulmane.

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Faut-il faire l'éloge du blasphème?

Les possibles condamnations vont du symbolique au terrifiant. Depuis 2016, la poétesse égyptienne Fatima Naoot purge ainsi une peine de trois années de prison pour avoir critiqué sur Facebook le sacrifice d’animaux pendant l’Aïd al-Adha. En Malaisie, un homme a été condamné pour blasphème après avoir posé des questions à ses professeurs de théologie. Même le simple fait d’être accusé de blasphème est source de menaces de violence. En 2015, une Afghane a ainsi été battue à mort par la foule après s’être disputée avec un mollah et le mois dernier, un étudiant pakistanais a été tué par une foule qui l’accusait d’avoir posté des contenus blasphématoires sur les réseaux sociaux –une accusation qui s’est révélée fausse par la suite.

«Un verset dit que si vous entendez des gens moquer le nom de Dieu, alors il ne faut pas vous asseoir à côté d’eux –c’est tout! Ne pas vous asseoir à côté d’eux!, dit Mustafa Akyol, intellectuel turc membre du Freedom Project au Wellesley College. Il ne dit pas punis les ou réduis-les au silence!»
«Nous protégerons la sainteté du Prophète à n’importe quel prix»
Mais les défenseurs des lois contre le blasphème brandissent des hadiths, les propos et habitudes rapportées du Prophète Mohammed qui jouent un rôle majeur dans la théologie islamique et la jurisprudence, comme un fondement théologique des condamnations.

L’Organisation de coopération islamique (OCI), basée en Arabie saoudite et qui regroupe 57 pays, fait depuis longtemps campagne pour l’établissement d’une loi internationale punissant le blasphème afin de se prémunir d’une «islamophobie» au sens large, parfois en complet désaccord avec les Nations Unies. «Nous protégerons la sainteté du Prophète à n’importe quel prix», dit ainsi un Pakistanais partisan de la ligne dure, qui demande l’exécution d’une femme catholique accusée par lui et d’autres de blasphème.

De tels arguments font évidemment écho aux procès pour blasphème dans les États musulmans prémoderne –ainsi qu’aux injonctions que l’on peut trouver dans le Lévitique ou ailleurs et qui ont été utilisées en Europe médiévale. Mais si, en Europe, les lois punissant le blasphème ont été abandonnées ou sont tombées en désuétude au fur et à mesure que les États européens chrétiens se sécularisaient, les pays islamiques, et en particulier les États du Golfe comme l’Arabie saoudite les ont conservées dans leurs codes pénaux –et dans leurs tribunaux.

«Depuis le milieu du XVIIIe siècle, le régime politique saoudien s’appuie sur la religion et particulièrement sur le Wahhabisme [ce courant puritain et littéral de l’Islam né à cette même période en Arabie]», déclare Kamran Bokhari, analyste au sein de la fondation Geopolitical Futures. Depuis la signature d’un accord entre la famille royale saoudienne et le prêcheur Mohammed Ibn Abd al-Wahhab en 1744, le Wahhabisme est dans les faits la religion d’État en Arabie saoudite.

«Le Wahhabisme est, dans les faits, organisé autour de l’idée de blasphème. De ce qu’est le vrai islam – et de ce qui ne l’est pas, dit Bokhari. À leurs yeux, les Musulmans qui ne partagent pas leur vision stricte de l’Islam blasphèment d’une manière ou une autre.»
L'héritage britannique
Dans les pays islamiques modernes, si les lois punissant le blasphème se sont durcies ces dernières années, cela n’est pas dû à un héritage ancien, mais généralement pour deux raisons qui ne sont pas mutuellement exclusives: il peut s’agir des restes du colonialisme européen, ou du produit de «l’arabisation», débutée du XXe siècle, du monde musulman sur le modèle des pays du Golfe.

L’empire britannique a ainsi laissé les traces de ses lois contre le blasphème dans la plupart de ses colonies. À titre d’exemple, des lois contre le blasphème avaient été codifiées en Inde (colonie britannique) en 1860 et le Pakistan en a hérité lors de la partition de 1947. La promulgation de telles lois visait alors à maintenir de manière ostensible, par la puissance de l’État, la stabilité inter-religieuse et une harmonie (relative) au sein de possessions coloniales variées.

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Au Pakistan, une petite fille trisomique emprisonnée pour blasphème

La rébellion de 1857 en Inde a entraîné des réformes légales de grande ampleur, afin de restaurer l’ordre, dont les lois de 1860 contre le blasphème. (La rébellion avait commencé suite à des mutineries de troupes musulmanes et hindoues contre ce qu’elles considéraient comme des insultes religieuses commises par le gouvernement.) Le désir de maintenir la stabilité entre les communautés religieuse demeure le motif premier des lois fédérales contre le blasphème en Malaisie, une ex-colonie britannique multiethnique. L’Égypte, qui ne fut pourtant jamais une colonie britannique au sens strict, a raisonné de la même manière en introduisant des délits de blasphème dans son code pénal en 1981, afin notamment de protéger les minorités à une époque où des émeutes meurtrières frappaient la communauté copte chrétienne. (La loi a été depuis pervertie, de manière assez classique, et frappe aujourd’hui essentiellement des minorités.)

D’autres preuves de la puissance de la mémoire légale et coloniale peuvent apparaître dans d’anciennes colonies britanniques sans majorité musulmane, comme à Singapour, où une loi importante, contre la sédition, fait écho au désir de maintenir l’harmonie sociale. La loi actuelle est la digne héritière de l’ordonnance de 1938 contre la sédition, qui faisait partie de ce que l’on appelait alors les Accords des Détroits, et qui avaient pour but premier de mater le mécontentement anticolonial.

Pourquoi le blasphème revêt-il une nouvelle importance?
Si ces restes de la période colonial proviennent pour l’essentiel du désir de préserver l’ordre, le flot parallèle de lois théocratiques contre le blasphème, qui provient du Moyen-Orient, a quant à lui pour but unique de protéger l’Islam. Les lois déjà mentionnées réglementant le blasphème en Arabie saoudite font partie de la sharia commune, qui s’est développée au cours des siècles et protège cette branche fondamentaliste et salafiste de l’Islam sunnite aux dépends des autres visions de l’Islam et des autres religions. Tous les autres États arabes du Golfe criminalisent également le blasphème, à des degrés divers.

Il est important de comprendre dans quel contexte et pour quelles raisons un pays comme l’Indonésie, qui n’a jamais fait partie de l’empire britannique [l’Indonésie était une colonie hollandaise, ndlr] s’est soudainement attaché à la question du blasphème. L’Indonésie a conceptualisé seule ses premières lois contre le blasphème par le biais d’un décret promulgué par son premier président, Sukarno. Par le biais d’une politique diplomatique culturelle intense menée depuis plus de quarante ans, l’Arabie saoudite est parvenue à imposer au monde musulman sa vision puritaine de l’Islam.

Au cours du dernier siècle, mais surtout depuis que la révolution iranienne de 1979 et que la rhétorique laïque et nationaliste de l’ancien dirigeant égyptien Gamal Abdel Nasser dans les années 1960 ont posé des menaces idéologiques à la monarchie saoudienne, le royaume du désert a dépensé des milliards de dollars à construire des mosquées et des écoles, a formé des Imams, des étudiants et a financé de très nombreux médias au sein de toutes les communautés musulmanes autour du monde.

On trouve ainsi la marque de l’Arabie saoudite dans toutes les communautés musulmanes du monde, dans des pays aussi éloignés que l’Indonésie, la Somalie et la Bosnie –et qui s’accompagne généralement par une popularité en hausse des valeurs culturelles saoudiennes.

L’admiration de la culture moyenne-orientale en Indonésie joue évidemment un rôle dans ces nombreuses croisades contre le blasphème dit Andreas Harsono, expert indonésien de l’ONG Human Rights Watch.

«Parce que l’on trouve sur son sol des villes aussi importantes que la Mecque et Médine, l’Arabie saoudite jouit d’une grande réputation dans toute l’Asie du Sud-Est et est perçue comme le foyer du vrai Islam», dit Din Wahid, expert en salafisme à la Syarif Hidayatullah State Islamic University de Jakarta.
Islam politique
En dehors de l’Arabie Saoudite, ce regain vivace de la lutte contre le blasphème au sein du monde musulman est un phénomène relativement récent et ne fait pas partie de la culture islamique. Au milieu du XXe siècle, un certain nombre d’États musulmans comme l’Égypte et l’Irak ont ainsi eu à leur tête des nationalismes arabes et marxistes, laïcs et de gauche.

«À cette époque, le blasphème n’était en rien une question, dit Bokhari. Ça n’était pas vraiment une préoccupation jusqu’à ce que la vague islamiste ne frappe la région dans les années 1970, après les coups sévères infligés aux États musulmans laïcs comme lors de la guerre israélo-arabe de 1967. C’est avec la montée en puissance de l’Islam politique que le blasphème et les limites des discours acceptables sont devenus des sujets de préoccupation majeurs.»
Trois raisons expliquent la portée symbolique forte du blasphème dans les pays musulmans, dit Paul Marshall, chercheur au sein du Hudson Institute’s Center for Religious Freedom. «La première est le lien étroit entre l’Islam et l’État: les outrages à la religion s’apparentent donc à des offenses à l’État lui-même. La deuxième est la colère que ressentent de nombreux musulmans quand ils considèrent que leur Dieu ou leurs croyances ont été insultés –un élément religieux authentique et qui ne doit pas être écarté au motif qu’il ne s’agirait que d’un épiphénomène qui dissimulerait les “vraies” raisons, comme certains libéraux ont trop tendance à le penser. Et la troisième, c’est que cette colère fait l’objet de grandes manipulations, que les gouvernements et les partis exploitent à des fins politiques, souvent pour faire tomber leurs adversaires – comme Ahok en Indonésie ou Raif Badawi [un bloggeur dissident condamné au fouet] en Arabie saoudite.»
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Josué

Josué
Administrateur

[size=36]Le ministre des affaires religieuses du Pakistan a pris la défense de la dangereuse loi contre le blasphème[/size]
6 novembre 2017 13 h 30 min·
le gouverneur chrétien de Djakarta condamné à deux ans de prison pour blasphème Ministre-affaires-religieuses-Pakistan-loi-contre-blasph%C3%A8me-e1509990294345
 
Sardar Muhammad Yousaf, ministre des affaires religieuses et de l’harmonie inter-religieuse (sic) a rejeté les critiques du texte en affirmant que jamais, le Pakistan ne se convertira en « Etat laïque ».
 
La loi pakistanaise contre le blasphème, introduite dans le code pénal sous Zia-ul-Haq en 1986 punit d’emprisonnement à vie ou de la peine de mort tout ce qui « déprécie l’islam ».
 
Le ministre n’a rien voulu savoir de l’utilisation de cette loi pour assouvir des vengeances personnelles – à ce titre, elle frappe aussi des musulmans – ou pour introduire des discriminations à l’égard des minorités, notamment chrétiennes.
 
Est notamment victime de cette loi Asia Bibi, mère de cinq enfants emprisonnée depuis sept ans déjà et sous la menace de l’exécution capitale pour avoir offert de l’eau à des compagnes de travail musulmanes à qui elle a demandé, en parlant de Jésus, ce que Mahomet avait fait pour elles.

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