Arrivé en France en 2004, « Aedes albopictus » gagne du terrain. Or ce moustique originaire d’Asie est vecteur de virus potentiellement redoutables.
Ils tournicotent autour de nous, leur bruit agace nos oreilles, leurs piqûres nous irritent… Au mieux, les moustiques gâchent nos étés. Au pire, ces petits vampires se révèlent de véritables meurtriers. En effet, «ce serial killer est responsable de plus de 750.000 morts par an», rappelle Erik Orsenna, auteur d’une Géopolitique du moustique (Fayard) lors d’une conférence organisée à la Cité des sciences à Paris début juin.
Paludisme, dengue, chikungunya, fièvre jaune, Zika, filariose… toutes ces maladies potentiellement redoutables sont transmises par ce minuscule insecte. Plus exactement, par la femelle moustique qui a besoin de sang pour nourrir ses œufs. Mais alors qu’il y a encore quelques années, ces maladies semblaient limitées aux pays du Sud, certaines d’entre elles menacent aujourd’hui l’Europe et la France. La raison? L’implantation depuis 2004 d’Aedes albopictus, le fameux moustique-tigre.
Originaire d’Asie, il a conquis la planète à la vitesse de l’éclair, transporté (ou du moins ses œufs) dans les soutes des avions ou des bateaux, nichés dans de vieux pneus. En France, il a tout d’abord colonisé le sud du pays avant de remonter inexorablement vers le nord. Il est aujourd’hui implanté dans une trentaine de départements«et nous ne savons pas comment le contrer», explique au Figaro Frédéric Simard, directeur de recherche de l’Institut de recherche pour le développement (IRD).
Un scénario inquiète les pouvoirs publics
Or ce moustique peut inoculer le virus chikungunya, qui provoque des douleurs articulaires aiguës pouvant être invalidantes et persistantes, ou encore la dengue, appelée aussi «grippe tropicale». Aedes albopictus pourrait également transmettre le virus Zika, tristement célèbre pour être responsable de graves anomalies du développement cérébral chez les enfants de femmes contaminées pendant la grossesse. Le vecteur est là. Il lui reste à rencontrer le virus.
«Il suffit d’une personne infectée. Pour cela, il suffit de partir en vacances dans une zone endémique et de se faire piquer par un moustique transportant le virus avant de reprendre l’avion. Comme la personne est “remplie” de virus pendant plusieurs jours, les moustiques français qui vont la piquer vont s’infecter à leur tour et transmettre le microbe», explique Frédéric Simard.
Ce scénario ne relève pas de la science-fiction et inquiète les pouvoirs publics. Car si un virus rencontre une population qui n’y a jamais été exposée (comme c’est le cas en France), l’épidémie menace. C’est ce qui s’est passé à La Réunion avec le chikungunya en 2005-2006: plus de la moitié de la population a alors été touchée, soit 300.000 personnes.
En métropole, les cas de dengues et de chikungunya «autochtones» sont, jusqu’à présent, restés assez limités. Ainsi en 2014, un foyer de 11 cas de chikungunya a été relevé dans l’agglomération de Montpellier. En 2015, ce sont 5 cas de dengues qui ont été décrits du côté de Nîmes. «Lorsque des cas suspects sont signalés par les médecins, des équipes viennent démoustiquer autour des habitations des personnes concernées», explique Frédéric Simard.
« C’est un animal domestique, il ne s’éloigne pas. Si vous n’en élevez pas chez vous, il est possible de s’en débarrasser »
Frédéric Simard, directeur de recherche de l’Institut de recherche pour le développement (IRD)
Car si le moustique-tigre a envahi la planète, une fois implanté, il est assez casanier. «C’est un animal domestique, il ne s’éloigne pas. Si vous n’en élevez pas chez vous, il est possible de s’en débarrasser», insiste le spécialiste. Ce qui signifie d’empêcher qu’il ne pullule autour des habitations. Comment? En enrayant leur reproduction. Les femelles moustiques pondent leurs œufs (jusqu’à 300) à la surface de l’eau ou sur les parois humides de gîtes larvaires. Le moustique-tigre est connu pour aimer les abris construits par l’homme. De très nombreux endroits parfois insoupçonnés peuvent être propices à la ponte. Il faut penser à les éliminer. À l’intérieur des maisons, changer régulièrement l’eau dans les vases, surveiller les égouttoirs à vaisselle. À l’extérieur, nettoyer les gouttières, couvrir les bassins, vider les coupelles de pots de fleurs, faire attention aux objets comme les jouets des enfants ou les vieux pneus.
Il sera en revanche difficile de se protéger des piqûres à moins de vivre en permanence sous une moustiquaire. En effet, contrairement à l’anophèle (qui transmet le paludisme), le moustique-tigre pique plutôt dans la journée. Mieux vaut donc opter pour des vêtements couvrants et amples et utiliser des répulsifs. Si malgré tout vous êtes piqué, il y a de fortes chances que vous vous en rendiez compte. La piqûre du moustique tigre est en effet plutôt douloureuse et spectaculaire.
http://sante.lefigaro.fr/article/alerte-au-moustique-tigre-serial-piqueur-de-l-ete/?utm_source=AM2&utm_medium=email&utm_campaign=Sante