Les détenus musulmans n'ont pas les moyens de pratiquer leur religion, dénonce le contrôleur général des prisons, Jean-Marie Delarue. L'Express s'est procuré son rapport en exclusivité.
Son avis va faire l'effet d'une bombe. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, accuse l'administration pénitentiaire de manquer de neutralité, de prendre des décisions discriminatoires vis-à-vis des religions en général et de certaines d'entre elles en particulier.
Ce texte choc de sept pages, que L'Express a pu se procurer, devrait être publié au Journal officiel du 17 avril. Que dit-il, plus précisément? Que les musulmans n'ont pas les moyens de pratiquer leur religion en prison et, corollaire explosif, que ce sont eux les plus nombreux! Paradoxalement, Delarue le dit, mais ne l'écrit pas! Le document ne comporte aucun nom de religion. Sachant qu'il serait publié moins de deux semaines après le très controversé débat sur la laïcité lancé par l'UMP, le haut fonctionnaire a choisi une position extrêmement prudente. Au risque de paraître céder aux sirènes du politiquement correct. Il répond à L'Express qu'il a voulu se placer sur le terrain du respect de la laïcité en général. Toutefois, dans l'entretien qu'il nous a accordé, il accepte d'appeler un chat un chat.
Extrait
"Il appartient à l'administration responsable des lieux de privation de liberté de "pouvoir satisfaire aux exigences de [la] vie religieuse, morale ou spirituelle" (code de procédure pénale) des personnes dont elle a la charge. Tel n'est pas toujours le cas aujourd'hui. Dans les conditions actuelles, les pouvoirs publics sont susceptibles de se voir reprocher de ne pas appliquer les principes nécessaires, en particulier en termes d'égalité de traitement et d'absence de discrimination, [...] au regard de la nécessaire neutralité de l'Etat vis-à-vis du fait religieux [...].
Lire le rapport en intégralité
Un nombre insuffisant d'imams
Les difficultés qu'il dénonce concernent, pour la plupart, la religion musulmane: déficit criant d'imams agréés en prison, mais aussi absence de nourriture halal et manque de respect pour les tapis de prière et autres objets religieux.
Pour argumenter, les uns et les autres sont bien contraints de s'engager sur le terrain mouvant de la statistique. Si les chrétiens disposent de plus de 900 aumôniers agréés par l'administration, les musulmans n'en ont que 150 - de manière surprenante, l'administration parle d'"aumôniers" pour toutes les religions. Or, la proportion de détenus catholiques ou protestants est à peine de 20%, alors que les musulmans sont bien plus nombreux: de 30 à 40% des effectifs, selon Jean-Marie Delarue, qui se fonde sur les demandes de menus sans porc ou végétariens; et un peu moins de 50% selon l'administration pénitentiaire. Avec des chiffres bien plus élevés en Ile-de-France (70%), à Lyon, Marseille et dans le Nord. "Les chrétiens sont majoritaires en France mais, en prison, ce sont les musulmans qui, malheureusement, le sont", reconnaît Missoum Chaoui, aumônier régional musulman francilien. Par équité, il faudrait deux fois plus d'aumôniers musulmans que chrétiens. Or, il y en a aujourd'hui six fois moins.
Les aumôniers favorisent la réinsertion
Pourquoi un tel déséquilibre? C'est d'abord le poids de l'Histoire. "Jusqu'en 1905, les catholiques jouissaient d'un monopole en prison, raconte le pasteur Brice Deymié, aumônier national protestant. La messe y était obligatoire, les curés logeaient sur place et la religion faisait partie de la rédemption. Depuis, les protestants et les israélites ont eu droit de cité." Les musulmans ont dû attendre bien plus longtemps. En partie à cause du manque d'organisation de leurs institutions. Le Conseil français du culte musulman n'a été créé qu'en 2003. Trois ans plus tard, lorsque Moulay el Hassan el Alaoui Talibi est nommé aumônier national, on compte moins de 50 religieux agréés par l'administration pénitentiaire. "Le retard est aussi dû aux réticences des imams à aller vers les détenus. Pour des raisons religieuses, il leur était difficile d'accepter d'aider ceux qui ont transgressé la loi", commente un cadre de la pénitentiaire. Réponse de Missoum Chaoui: "Les autorités religieuses, certes, ne s'intéressaient pas aux prisons, mais les pouvoirs publics méconnaissaient aussi la population détenue musulmane."
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/islam-en-prison-le-rapport-qui-pointe-les-discriminations_982039.html?xtor=EPR-181
Son avis va faire l'effet d'une bombe. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, accuse l'administration pénitentiaire de manquer de neutralité, de prendre des décisions discriminatoires vis-à-vis des religions en général et de certaines d'entre elles en particulier.
Ce texte choc de sept pages, que L'Express a pu se procurer, devrait être publié au Journal officiel du 17 avril. Que dit-il, plus précisément? Que les musulmans n'ont pas les moyens de pratiquer leur religion en prison et, corollaire explosif, que ce sont eux les plus nombreux! Paradoxalement, Delarue le dit, mais ne l'écrit pas! Le document ne comporte aucun nom de religion. Sachant qu'il serait publié moins de deux semaines après le très controversé débat sur la laïcité lancé par l'UMP, le haut fonctionnaire a choisi une position extrêmement prudente. Au risque de paraître céder aux sirènes du politiquement correct. Il répond à L'Express qu'il a voulu se placer sur le terrain du respect de la laïcité en général. Toutefois, dans l'entretien qu'il nous a accordé, il accepte d'appeler un chat un chat.
Extrait
"Il appartient à l'administration responsable des lieux de privation de liberté de "pouvoir satisfaire aux exigences de [la] vie religieuse, morale ou spirituelle" (code de procédure pénale) des personnes dont elle a la charge. Tel n'est pas toujours le cas aujourd'hui. Dans les conditions actuelles, les pouvoirs publics sont susceptibles de se voir reprocher de ne pas appliquer les principes nécessaires, en particulier en termes d'égalité de traitement et d'absence de discrimination, [...] au regard de la nécessaire neutralité de l'Etat vis-à-vis du fait religieux [...].
Lire le rapport en intégralité
Un nombre insuffisant d'imams
Les difficultés qu'il dénonce concernent, pour la plupart, la religion musulmane: déficit criant d'imams agréés en prison, mais aussi absence de nourriture halal et manque de respect pour les tapis de prière et autres objets religieux.
Pour argumenter, les uns et les autres sont bien contraints de s'engager sur le terrain mouvant de la statistique. Si les chrétiens disposent de plus de 900 aumôniers agréés par l'administration, les musulmans n'en ont que 150 - de manière surprenante, l'administration parle d'"aumôniers" pour toutes les religions. Or, la proportion de détenus catholiques ou protestants est à peine de 20%, alors que les musulmans sont bien plus nombreux: de 30 à 40% des effectifs, selon Jean-Marie Delarue, qui se fonde sur les demandes de menus sans porc ou végétariens; et un peu moins de 50% selon l'administration pénitentiaire. Avec des chiffres bien plus élevés en Ile-de-France (70%), à Lyon, Marseille et dans le Nord. "Les chrétiens sont majoritaires en France mais, en prison, ce sont les musulmans qui, malheureusement, le sont", reconnaît Missoum Chaoui, aumônier régional musulman francilien. Par équité, il faudrait deux fois plus d'aumôniers musulmans que chrétiens. Or, il y en a aujourd'hui six fois moins.
Les aumôniers favorisent la réinsertion
Pourquoi un tel déséquilibre? C'est d'abord le poids de l'Histoire. "Jusqu'en 1905, les catholiques jouissaient d'un monopole en prison, raconte le pasteur Brice Deymié, aumônier national protestant. La messe y était obligatoire, les curés logeaient sur place et la religion faisait partie de la rédemption. Depuis, les protestants et les israélites ont eu droit de cité." Les musulmans ont dû attendre bien plus longtemps. En partie à cause du manque d'organisation de leurs institutions. Le Conseil français du culte musulman n'a été créé qu'en 2003. Trois ans plus tard, lorsque Moulay el Hassan el Alaoui Talibi est nommé aumônier national, on compte moins de 50 religieux agréés par l'administration pénitentiaire. "Le retard est aussi dû aux réticences des imams à aller vers les détenus. Pour des raisons religieuses, il leur était difficile d'accepter d'aider ceux qui ont transgressé la loi", commente un cadre de la pénitentiaire. Réponse de Missoum Chaoui: "Les autorités religieuses, certes, ne s'intéressaient pas aux prisons, mais les pouvoirs publics méconnaissaient aussi la population détenue musulmane."
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/islam-en-prison-le-rapport-qui-pointe-les-discriminations_982039.html?xtor=EPR-181