"Il importe peu de savoir si Dieu existe"
Pour Raphaël Enthoven, la pratique de la philosophie se confond avec un exercice funambulesque : chaque question amène une réponse, chaque réponse amène une nouvelle question et la pensée avance de la sorte, de manière incertaine, dans une suite de déséquilibres à la fois indéfiniment provoqués et indéfiniment rattrapés. "Une fois qu’on a pensé quelque chose, se demander en quoi le contraire est vrai", disait Simone Weil dans ses Cahiers.
Car penser, c’est toujours penser contre soi, contre les préjugés ou les idées reçues et donc, par là même, se mettre en danger en se confrontant à de l’inédit ou à de l’inconnu. Cette méthode, Raphaël Enthoven la met en œuvre dans ses émissions de radio et de télévision à travers des dialogues mais aussi dans son dernier livre Le Philosophe de service et autres textes. Il s’agit, à chaque fois en cinq ou six pages, d’explorer les diverses facettes d’une notion philosophique et de montre en quoi elle donne à penser.
L'aseptisation de la philosophie dans les médias dominants
Le texte liminaire qui donne son titre au recueil a un statut un peu particulier. Ce texte est, en effet, l’occasion pour Raphaël Enthoven de créer un personnage conceptuel : celui du "philosophe de service" tel qu’il se trouve enrôlé dans le dispositif médiatique contemporain, double, en quelque sorte, "négatif" du philosophe et auquel celui-ci doit s’efforcer de ne pas ressembler. Particulièrement sensibilisé au problème du rapport de la philosophie et des médias en raison de sa position à l’intersection des deux champs, l’auteur pointe ici, dans un texte drôle et tragique à la fois, le danger d’une certaine neutralisation et d’une certaine aseptisation de la fonction philosophique dans certains médias dominants.
Le philosophe de service est une créature de l’opinion : il se conforme à l’idée que les autres se font de la philosophie et de la posture du philosophe. Le philosophe de service est donc celui qui, au lieu de faire de la philosophie, fait le philosophe et donne "le point de vue du philosophe" (qui est de la sorte réduit à un "point de vue" au même titre que celui du juriste, du médecin ou du religieux) et "participe sans vergogne à des débats sans queue ni tête où sa parole n’est qu’un bruit de fond".
"Il importe peu de savoir si Dieu existe"
Le philosophe de service ("P.S.") participe ainsi au jeu social en jouant le jeu de la "pause-concept”, de l’"instant prise de tête", de la "minute philo". Ce long texte satirique qui ouvre le livre nous révèle finalement une figure tragique car le philosophe de service, réifié, tel le garçon de café de Sartre, par le regard d’autrui : "P.S. est celui qu’on regarde sans le voir, qu’on entend sans l’écouter, qu’on invente quand on l’invite, et qui s’éteint quand la lumière s’en va."
Les autres textes sont majoritairement consacrés à des thématiques d’ordre existentiel (Mélancolie, Rêverie, Nostalgie) ou morales (Bonheur, Mensonge, Générosité) qui constituent en général les sujets de prédilection des écrits de Raphaël Enthoven. Les lecteurs du Monde des Religions pourront notamment être intéressés par le chapitre sur Dieu, qui tente de repenser en quelques pages la vieille question de son existence : "Il importe peu de savoir si Dieu existe. Seul compte l’inquiétude à laquelle correspond le désir de sa présence."
Un style fin, précis et enlevé
L’auteur montre bien les impasses qu’engendre inévitablement toute tentative de démonstration de l’existence de Dieu : "Qu’elle procède de la beauté du monde, de la nécessité d’un commencement ou de l’idée de perfection, toute démonstration de l’existence de Dieu s’effectue aux dépens de sa transcendance, c’est-à-dire de la liberté de croire (ou non) en lui. Démontrer que Dieu existe revient à lui donner la qualité d’une certitude qui exténue la croyance."
Chaque chapitre est ainsi l’occasion d’explorer en quelques pages une notion de manière fine, précise et enlevée, l’auteur alliant dans chaque texte la rigueur de la dissertation au plaisir de la conversation dans un style à la fois grave, léger et souvent elliptique, qui jongle avec les paradoxes dans le but d’éclairer le lecteur, de stimuler sa réflexion, sans jamais lui asséner des réponses toute faites. Une suite de textes brillants qui ravira tout lecteur désireux d’approfondir quelques grandes interrogations philosophiques sur l’existence.
http://www.lemondedesreligions.fr/entretiens/raphael-enthoven-il-importe-peu-de-savoir-si-dieu-existe-11-04-2011-1391_111.php
Pour Raphaël Enthoven, la pratique de la philosophie se confond avec un exercice funambulesque : chaque question amène une réponse, chaque réponse amène une nouvelle question et la pensée avance de la sorte, de manière incertaine, dans une suite de déséquilibres à la fois indéfiniment provoqués et indéfiniment rattrapés. "Une fois qu’on a pensé quelque chose, se demander en quoi le contraire est vrai", disait Simone Weil dans ses Cahiers.
Car penser, c’est toujours penser contre soi, contre les préjugés ou les idées reçues et donc, par là même, se mettre en danger en se confrontant à de l’inédit ou à de l’inconnu. Cette méthode, Raphaël Enthoven la met en œuvre dans ses émissions de radio et de télévision à travers des dialogues mais aussi dans son dernier livre Le Philosophe de service et autres textes. Il s’agit, à chaque fois en cinq ou six pages, d’explorer les diverses facettes d’une notion philosophique et de montre en quoi elle donne à penser.
L'aseptisation de la philosophie dans les médias dominants
Le texte liminaire qui donne son titre au recueil a un statut un peu particulier. Ce texte est, en effet, l’occasion pour Raphaël Enthoven de créer un personnage conceptuel : celui du "philosophe de service" tel qu’il se trouve enrôlé dans le dispositif médiatique contemporain, double, en quelque sorte, "négatif" du philosophe et auquel celui-ci doit s’efforcer de ne pas ressembler. Particulièrement sensibilisé au problème du rapport de la philosophie et des médias en raison de sa position à l’intersection des deux champs, l’auteur pointe ici, dans un texte drôle et tragique à la fois, le danger d’une certaine neutralisation et d’une certaine aseptisation de la fonction philosophique dans certains médias dominants.
Le philosophe de service est une créature de l’opinion : il se conforme à l’idée que les autres se font de la philosophie et de la posture du philosophe. Le philosophe de service est donc celui qui, au lieu de faire de la philosophie, fait le philosophe et donne "le point de vue du philosophe" (qui est de la sorte réduit à un "point de vue" au même titre que celui du juriste, du médecin ou du religieux) et "participe sans vergogne à des débats sans queue ni tête où sa parole n’est qu’un bruit de fond".
"Il importe peu de savoir si Dieu existe"
Le philosophe de service ("P.S.") participe ainsi au jeu social en jouant le jeu de la "pause-concept”, de l’"instant prise de tête", de la "minute philo". Ce long texte satirique qui ouvre le livre nous révèle finalement une figure tragique car le philosophe de service, réifié, tel le garçon de café de Sartre, par le regard d’autrui : "P.S. est celui qu’on regarde sans le voir, qu’on entend sans l’écouter, qu’on invente quand on l’invite, et qui s’éteint quand la lumière s’en va."
Les autres textes sont majoritairement consacrés à des thématiques d’ordre existentiel (Mélancolie, Rêverie, Nostalgie) ou morales (Bonheur, Mensonge, Générosité) qui constituent en général les sujets de prédilection des écrits de Raphaël Enthoven. Les lecteurs du Monde des Religions pourront notamment être intéressés par le chapitre sur Dieu, qui tente de repenser en quelques pages la vieille question de son existence : "Il importe peu de savoir si Dieu existe. Seul compte l’inquiétude à laquelle correspond le désir de sa présence."
Un style fin, précis et enlevé
L’auteur montre bien les impasses qu’engendre inévitablement toute tentative de démonstration de l’existence de Dieu : "Qu’elle procède de la beauté du monde, de la nécessité d’un commencement ou de l’idée de perfection, toute démonstration de l’existence de Dieu s’effectue aux dépens de sa transcendance, c’est-à-dire de la liberté de croire (ou non) en lui. Démontrer que Dieu existe revient à lui donner la qualité d’une certitude qui exténue la croyance."
Chaque chapitre est ainsi l’occasion d’explorer en quelques pages une notion de manière fine, précise et enlevée, l’auteur alliant dans chaque texte la rigueur de la dissertation au plaisir de la conversation dans un style à la fois grave, léger et souvent elliptique, qui jongle avec les paradoxes dans le but d’éclairer le lecteur, de stimuler sa réflexion, sans jamais lui asséner des réponses toute faites. Une suite de textes brillants qui ravira tout lecteur désireux d’approfondir quelques grandes interrogations philosophiques sur l’existence.
http://www.lemondedesreligions.fr/entretiens/raphael-enthoven-il-importe-peu-de-savoir-si-dieu-existe-11-04-2011-1391_111.php