En Irak sur la ligne de front,
LAURENCE DESJOYAUX, À ERBIL
CRÉÉ LE 07/08/2015 / MODIFIÉ LE 07/08/2015 À 14H28
Le 6 août, Mgr Petros Mouche, archevêque syriaque catholique de Mossoul et Qaraqosh, s'est rendu sur le Mont Daniel et a chanté une prière face à la plaine de Ninive tenue par l'organisation État islamique. Un geste symbolique pour marquer le premier anniversaire de l'exode des chrétiens et appeler le monde à réagir.
« Nous sommes comme Moïse à la fin de sa vie. Il a gravi la montagne, vu la Terre promise, mais n'a pas pu y entrer », déplore Mgr Petros Mouche. Sur ce poste avancé de l'armée kurde, planté au sommet du Mont Daniel, il peut voir dans les jumelles des soldats la plaine de Ninive qui s'étend en contrebas. Les villages de son diocèse, Bartalla, Qaramless et Qaraqosh sont à quelques kilomètres seulement. Si proches et pourtant inaccessibles : depuis la nuit du 6 au 7 août 2014, ce sont les hommes de l'organisation État islamique qui tiennent cette grande plaine entourant la ville de Mossoul, leur fief irakien.
Pour monter au sommet du mont, une grosse colline recouverte d'herbe jaune grillée par le soleil, il faut d'abord longer la ligne de front depuis le checkpoint de Khazer où un pont éventré témoigne des combats qui ont eu lieu ici. Arrivé à un premier poste de l'armée kurde, juste à côté du bourg désormais désert de Monkouba, un soldat montre deux grands toits blancs au loin. « Vous voyez, là-bas, c'est un ancien élevage de poulet, c'est Daech. » À côté de lui, le père Majeed, qui fait partie de la délégation d'une vingtaine de prêtres et de séminaristes accompagnant Mgr Petros Mouche, pointe du doigt l'horizon. « J'aimerais tellement pouvoir traverser et rentrer là-bas à Qaraqosh, soupire-t-il. D'ici je pourrais même y aller à pied ! » La route traverse ensuite le village musulman de Hassanchamé, un temps contrôlée par Daech puis repris par les kurdes. La moitié des maisons ont été détruites dans des bombardements. La totalité de la population a rejoint l’État islamique.
Sur les flancs du mont Daniel, le long de la route de cailloux qui grimpe jusqu'en haut, un berger fait paître son troupeau comme si de rien n'était. Le lieu est doublement symbolique. Poste avancé le plus proche de la ville de Qaraqosh, la grande ville chrétienne de la plaine de Ninive, le sommet du mont abrite aussi les restes du couvent Saint Daniel datant du 4ème ou 5ème siècle, un puits et un morceau de mur. « Ce monastère a été fondé en même temps que celui de Mar Behnam, à quelques kilomètres d'ici, un endroit auquel nous tenons beaucoup, aujourd'hui aux mains de Daech, explique Mgr Petros Mouche. Notre présence ici est donc hautement symbolique. Ces lieux appartiennent à nos pères et aux chrétiens depuis très longtemps. » Face à la plaine de Ninive, l'évêque entonne la prière en syriaque, un dérivé de l'araméen, avec les prêtres qui l'entourent. Ils chantent une partie de l'office du jour, puis une prière pour les martyrs et enfin invoquent la Vierge Marie.
Parmi les soldat kurdes présents, certains sont chrétiens. Le chef de l'ancienne milice chrétienne de Qaraqosh, un groupe qui gardait les églises et les principaux lieux publics, est ainsi sur le front depuis un an avec l'un de ses fils. Tous, chrétiens ou non, espèrent que la plaine sera bientôt libérée. « Cela fait un an que les chrétiens sont loin de chez eux et ils sont fatigués, plaide Mgr Petros Mouche. Je lance un appel à tous les gens de bonne volonté qui pensent que les hommes ont le droit de vivre dignement et en paix. Qu'ils se dépêchent de libérer nos villages pour que nous puissions rentrer chez nous et éviter que les chrétiens d'Irak se dispersent dans le monde entier. » Il suffirait de quelques kilomètres.
LAURENCE DESJOYAUX, À ERBIL
CRÉÉ LE 07/08/2015 / MODIFIÉ LE 07/08/2015 À 14H28
Le 6 août, Mgr Petros Mouche, archevêque syriaque catholique de Mossoul et Qaraqosh, s'est rendu sur le Mont Daniel et a chanté une prière face à la plaine de Ninive tenue par l'organisation État islamique. Un geste symbolique pour marquer le premier anniversaire de l'exode des chrétiens et appeler le monde à réagir.
« Nous sommes comme Moïse à la fin de sa vie. Il a gravi la montagne, vu la Terre promise, mais n'a pas pu y entrer », déplore Mgr Petros Mouche. Sur ce poste avancé de l'armée kurde, planté au sommet du Mont Daniel, il peut voir dans les jumelles des soldats la plaine de Ninive qui s'étend en contrebas. Les villages de son diocèse, Bartalla, Qaramless et Qaraqosh sont à quelques kilomètres seulement. Si proches et pourtant inaccessibles : depuis la nuit du 6 au 7 août 2014, ce sont les hommes de l'organisation État islamique qui tiennent cette grande plaine entourant la ville de Mossoul, leur fief irakien.
Pour monter au sommet du mont, une grosse colline recouverte d'herbe jaune grillée par le soleil, il faut d'abord longer la ligne de front depuis le checkpoint de Khazer où un pont éventré témoigne des combats qui ont eu lieu ici. Arrivé à un premier poste de l'armée kurde, juste à côté du bourg désormais désert de Monkouba, un soldat montre deux grands toits blancs au loin. « Vous voyez, là-bas, c'est un ancien élevage de poulet, c'est Daech. » À côté de lui, le père Majeed, qui fait partie de la délégation d'une vingtaine de prêtres et de séminaristes accompagnant Mgr Petros Mouche, pointe du doigt l'horizon. « J'aimerais tellement pouvoir traverser et rentrer là-bas à Qaraqosh, soupire-t-il. D'ici je pourrais même y aller à pied ! » La route traverse ensuite le village musulman de Hassanchamé, un temps contrôlée par Daech puis repris par les kurdes. La moitié des maisons ont été détruites dans des bombardements. La totalité de la population a rejoint l’État islamique.
Sur les flancs du mont Daniel, le long de la route de cailloux qui grimpe jusqu'en haut, un berger fait paître son troupeau comme si de rien n'était. Le lieu est doublement symbolique. Poste avancé le plus proche de la ville de Qaraqosh, la grande ville chrétienne de la plaine de Ninive, le sommet du mont abrite aussi les restes du couvent Saint Daniel datant du 4ème ou 5ème siècle, un puits et un morceau de mur. « Ce monastère a été fondé en même temps que celui de Mar Behnam, à quelques kilomètres d'ici, un endroit auquel nous tenons beaucoup, aujourd'hui aux mains de Daech, explique Mgr Petros Mouche. Notre présence ici est donc hautement symbolique. Ces lieux appartiennent à nos pères et aux chrétiens depuis très longtemps. » Face à la plaine de Ninive, l'évêque entonne la prière en syriaque, un dérivé de l'araméen, avec les prêtres qui l'entourent. Ils chantent une partie de l'office du jour, puis une prière pour les martyrs et enfin invoquent la Vierge Marie.
Parmi les soldat kurdes présents, certains sont chrétiens. Le chef de l'ancienne milice chrétienne de Qaraqosh, un groupe qui gardait les églises et les principaux lieux publics, est ainsi sur le front depuis un an avec l'un de ses fils. Tous, chrétiens ou non, espèrent que la plaine sera bientôt libérée. « Cela fait un an que les chrétiens sont loin de chez eux et ils sont fatigués, plaide Mgr Petros Mouche. Je lance un appel à tous les gens de bonne volonté qui pensent que les hommes ont le droit de vivre dignement et en paix. Qu'ils se dépêchent de libérer nos villages pour que nous puissions rentrer chez nous et éviter que les chrétiens d'Irak se dispersent dans le monde entier. » Il suffirait de quelques kilomètres.