Lord Green, un pasteur anglican au coeur du scandale SwissLeaks
Le Point - Publié le 10/02/2015 à 07:40
Président de HSBC entre 2006 et 2010, il fut anobli par la reine et devint ministre de David Cameron. Stephen Green est au centre du scandale SwissLeaks.
La voix est douce, chaque phrase est ponctuée d'un léger sourire, mais les sermons du pasteur ascétique à la silhouette filiforme sont cinglants. Ce diacre de l'Église d'Angleterre entend réconcilier Dieu et Mamon, la divinité de l'argent. Aux yeux de ce chantre de l'éthique, la crise financière offre une occasion de retrouver les vertus évangéliques, de changer les mentalités, de partager les revenus. La simplicité du fils d'avocat né à Brighton n'exclut pas les saillies d'un esprit acéré formé à l'université d'Oxford et au Massachusetts Institute of Technology.
Avant d'entrer dans la vie professionnelle, le jeune diplômé a passé un an comme volontaire dans un refuge pour alcooliques de l'East end londonien. Plus tard, en tant que président de la plus grande banque britannique, il a versé une part significative de ses émoluments aux organisations caritatives. Il ne manquait plus à Lord Green qu'un vitrail et une auréole. Seulement voilà : Lord Green était comme un aigle à deux têtes, qu'il ne montrait jamais simultanément.
"Je ne réponds pas aux questions sur les affaires de HSBC"
Le personnage public est aujourd'hui au coeur du scandale SwissLeaks, la divulgation des dossiers secrets, datant de la période 2005 à 2007, qui mettent en exergue l'existence d'un système d'évasion fiscale encouragé par la filiale suisse de l'établissement britannique HSBC. Président de HSBC entre 2006 et 2010, il a siégé au conseil d'administration de HSBC Private Bank (voir notre Lettre de la City) qui a aidé des milliers d'individus riches à dissimuler d'énormes sommes d'argent. Plus de 7 000 sujets de Sa Majesté auraient ainsi fraudé le fisc britannique avec la complicité active de la banque au logo octogonal rouge et blanc.
"Par principe, je ne réponds pas aux questions sur les affaires de HSBC, passées comme présentes", a répondu l'intéressé à un journaliste de l'émission phare de la BBC, Panorama, diffusée dans la soirée du 9 février, à propos de ce scandale qui ne cesse de défrayer la chronique politique et financière.
En effet, un an après son départ de HSBC, Stephen Green a été élevé à la dignité de pair du royaume pour lui permettre de devenir secrétaire d'État au commerce international et à l'investissement du gouvernement de coalition dirigé par David Cameron. Il a quitté son poste en 2013 pour se consacrer entièrement à sa vocation religieuse. L'affaire met aujourd'hui le Premier ministre conservateur sur la défensive alors que l'opposition travailliste a fait de la lutte contre les évadés fiscaux l'un de ses principaux chevaux de bataille des élections législatives du 7 mai.
Imprudente course au gigantisme !
Lord Green incarne par excellence la culture de HSBC où il a passé vingt-six ans. Directeur général en 2003 puis président en 2006, il a poursuivi la course effrénée au gigantisme chère à son prédécesseur, le légendaire John Bond. Son slogan "Une banque locale présente dans le monde entier" claque tel un défi à la City comme à Wall Street. Derrière la fringale d'acquisitions (Midland, Republic National Bank, CCF, banque Hervet, le mexicain Bital ou l'américain Household) se dessine un objectif simple : devenir le numéro un mondial.
Grâce à sa taille, ses fonds propres à faire pâlir les rivaux et son ancrage chinois, cette institution fondée à Hong Kong en 1865 par l'un de ces "taipang" écossais chers à l'écrivain James Clavell a échappé à la crise des "subprimes" de 2008. Mais sous l'antienne à l'expansion rampe la cacophonie. En effet, l'énorme paquebot a du mal à se mouvoir. L'intendance ne suit pas. La tradition de discipline, du travail en équipe, la loyauté à la marque et la progression de carrière lente est battue en brèche par la culture d'âpreté au gain. Les contrôleurs de risque trop curieux sont marginalisés voire licenciés.
Le siège préfère ignorer ce qui se passe dans ses baronnies totalement autonomes - États-Unis, Suisse, Luxembourg... - dont la rentabilité alimente les profits et par ricochet les bonus de la direction. C'est dans ces filiales qu'ont éclaté les scandales retentissants qui ont porté un rude coup à la réputation de l'enseigne. Du blanchiment d'argent des cartels mexicains de la drogue à la violation des sanctions américaines contre l'Iran en passant par le tripotage du marché des changes à Londres et l'encouragement à l'évasion fiscale depuis Genève, il y a trop-plein.
Le Point - Publié le 10/02/2015 à 07:40
Président de HSBC entre 2006 et 2010, il fut anobli par la reine et devint ministre de David Cameron. Stephen Green est au centre du scandale SwissLeaks.
La voix est douce, chaque phrase est ponctuée d'un léger sourire, mais les sermons du pasteur ascétique à la silhouette filiforme sont cinglants. Ce diacre de l'Église d'Angleterre entend réconcilier Dieu et Mamon, la divinité de l'argent. Aux yeux de ce chantre de l'éthique, la crise financière offre une occasion de retrouver les vertus évangéliques, de changer les mentalités, de partager les revenus. La simplicité du fils d'avocat né à Brighton n'exclut pas les saillies d'un esprit acéré formé à l'université d'Oxford et au Massachusetts Institute of Technology.
Avant d'entrer dans la vie professionnelle, le jeune diplômé a passé un an comme volontaire dans un refuge pour alcooliques de l'East end londonien. Plus tard, en tant que président de la plus grande banque britannique, il a versé une part significative de ses émoluments aux organisations caritatives. Il ne manquait plus à Lord Green qu'un vitrail et une auréole. Seulement voilà : Lord Green était comme un aigle à deux têtes, qu'il ne montrait jamais simultanément.
"Je ne réponds pas aux questions sur les affaires de HSBC"
Le personnage public est aujourd'hui au coeur du scandale SwissLeaks, la divulgation des dossiers secrets, datant de la période 2005 à 2007, qui mettent en exergue l'existence d'un système d'évasion fiscale encouragé par la filiale suisse de l'établissement britannique HSBC. Président de HSBC entre 2006 et 2010, il a siégé au conseil d'administration de HSBC Private Bank (voir notre Lettre de la City) qui a aidé des milliers d'individus riches à dissimuler d'énormes sommes d'argent. Plus de 7 000 sujets de Sa Majesté auraient ainsi fraudé le fisc britannique avec la complicité active de la banque au logo octogonal rouge et blanc.
"Par principe, je ne réponds pas aux questions sur les affaires de HSBC, passées comme présentes", a répondu l'intéressé à un journaliste de l'émission phare de la BBC, Panorama, diffusée dans la soirée du 9 février, à propos de ce scandale qui ne cesse de défrayer la chronique politique et financière.
En effet, un an après son départ de HSBC, Stephen Green a été élevé à la dignité de pair du royaume pour lui permettre de devenir secrétaire d'État au commerce international et à l'investissement du gouvernement de coalition dirigé par David Cameron. Il a quitté son poste en 2013 pour se consacrer entièrement à sa vocation religieuse. L'affaire met aujourd'hui le Premier ministre conservateur sur la défensive alors que l'opposition travailliste a fait de la lutte contre les évadés fiscaux l'un de ses principaux chevaux de bataille des élections législatives du 7 mai.
Imprudente course au gigantisme !
Lord Green incarne par excellence la culture de HSBC où il a passé vingt-six ans. Directeur général en 2003 puis président en 2006, il a poursuivi la course effrénée au gigantisme chère à son prédécesseur, le légendaire John Bond. Son slogan "Une banque locale présente dans le monde entier" claque tel un défi à la City comme à Wall Street. Derrière la fringale d'acquisitions (Midland, Republic National Bank, CCF, banque Hervet, le mexicain Bital ou l'américain Household) se dessine un objectif simple : devenir le numéro un mondial.
Grâce à sa taille, ses fonds propres à faire pâlir les rivaux et son ancrage chinois, cette institution fondée à Hong Kong en 1865 par l'un de ces "taipang" écossais chers à l'écrivain James Clavell a échappé à la crise des "subprimes" de 2008. Mais sous l'antienne à l'expansion rampe la cacophonie. En effet, l'énorme paquebot a du mal à se mouvoir. L'intendance ne suit pas. La tradition de discipline, du travail en équipe, la loyauté à la marque et la progression de carrière lente est battue en brèche par la culture d'âpreté au gain. Les contrôleurs de risque trop curieux sont marginalisés voire licenciés.
Le siège préfère ignorer ce qui se passe dans ses baronnies totalement autonomes - États-Unis, Suisse, Luxembourg... - dont la rentabilité alimente les profits et par ricochet les bonus de la direction. C'est dans ces filiales qu'ont éclaté les scandales retentissants qui ont porté un rude coup à la réputation de l'enseigne. Du blanchiment d'argent des cartels mexicains de la drogue à la violation des sanctions américaines contre l'Iran en passant par le tripotage du marché des changes à Londres et l'encouragement à l'évasion fiscale depuis Genève, il y a trop-plein.