Naissance du Centre œcuménique de catéchèse
Par Cécile Denayrouse | Mis à jour le 13.12.14
Faire cohabiter protestants et catholiques sous le même toit? Il y a trente ans, Henri Nerfin relevait le défi.
Henri Nerfin pose devant le Centre œcuménique de catéchèse, toujours bien vivant trente ans après sa création.?OLIVIER VOGELSANG
Le pasteur Henri Nerfin l’admet volontiers lui-même: ce pétulant homme de foi possède un tempérament joueur. Chez lui, cela se traduit par un penchant assumé pour l’émulation. Alors quand son ami d’obédience catholique, le prêtre Jean-Jacques Raviglione, est venu le chatouiller sur le terrain catéchétique à coups de brochures de présentation particulièrement réussies, il s’est jeté avec enthousiasme dans la bataille. Qui aurait pu croire que de cette innocente compétition éditoriale entre Eglises naîtrait le Centre œcuménique de catéchèse, le COEC pour les intimes, toujours bien vivace aujourd’hui?
«Jean-Jacques Raviglione et moi nous rencontrions régulièrement au cours de week-ends de catéchèses œcuméniques organisés à Lyon, en France. Rapidement, nous sommes devenus amis. A force, au début des années 80, nous nous sommes dit qu’il fallait faire quelque chose ensemble», explique Henri Nerfin. Aidés de quelques comparses protestants et catholiques, ils imaginent une séquence de six rencontres communes entre enfants de 5e au moment de Pâques. Le succès est tel que l’expérience est rendue définitive dès 1983.
«Il faut dire que la question œcuménique m’habitait depuis longtemps, ajoute-t-il. A l’époque où je dirigeais la paroisse de Vesenaz, de 1966 à 1978, les enfants finissaient l’école à 11 h. Eux qui étaient dans la même classe, assis sur les mêmes bancs, devaient alors se séparer pour entendre parler de Dieu et d’unité. Mais comment peut-on annoncer l’évangile à l’humanité et prôner en même temps la division? C’est comme si un pompier était pyromane!»
En 1981 germe l’idée de réunir tout ce beau monde sous le même toit, une unité qu’appellent de leurs vœux 89% des catéchétistes selon une enquête réalisée à l’époque. Motivé par ce projet, le pasteur enfile un costume qui lui était jusqu’ici inconnu: agent immobilier. Il écume le canton à la recherche d’un lieu, si possible neutre, pouvant accueillir ce centre. Mais la quête est délicate, au point qu’il fait paraître un appel dans la presse locale. Après avoir lorgné un moment l’ancien poste de police du Petit-Lancy, il apprend que la Maison de la Réforme possède des locaux rue du Village Suisse et qu’elle les met volontiers à disposition. Banco! Cerise pieuse sur le gâteau, les catholiques ne voient aucun inconvénient à investir un espace protestant. Quelques travaux plus tard, les 350 m2 du quartier des Bains sont divisés de façon religieusement équitable: «L’idée était que chacun dispose d’exactement la même surface, et mieux encore, que cette répartition puisse être réversible sans que chacun ne se sente lésé» s’amuse-t-il.
De tels comptes d’apothicaires peuvent faire sourire aujourd’hui, pourtant Henri Nerfin assure que c’est grâce à ce genre de détails que le mariage coreligionnaire fonctionne toujours parfaitement: «Encore aujourd’hui, c’est un choix d’être œcuménique, il faut donc que l’ensemble des personnes concernées se sente à l’aise avec ça, même ceux qui se situent les plus à droite. Si les fondations sont solides, la maison ne s‘écroule pas.» Il pousse cette logique jusqu’à inviter l’ensemble des représentants des deux Eglises à rédiger une charte, toujours en vigueur aujourd’hui. «Celle-ci incite chaque partie à s’exprimer sur la vision commune de ce que doit être une catéchèse œcuménique. Je crois savoir que les personnes qui dirigent le COEC actuellement s’y réfèrent encore régulièrement.»
La fameuse charte est donc officialisée le 9 novembre 1984, lors de l’inauguration en grande pompe du Centre œcuménique de catéchèse de Genève. Un fait rare en Suisse romande puisque seul le canton de Neuchâtel dispose déjà d’un tel espace. «C’était un grand moment, malheureusement, nous ne disposons d’aucune trace audio de cet événement: la personne qui était chargée d’appuyer sur l’enregistreur s’est trompée de bouton… Un comble pour ce qui devait apparaître comme un symbole de modernité!» La création du centre n’empêche pas les deux amis de continuer leur petite compétition de brochures. «Ce rapprochement a été possible en grande partie grâce à la confiance totale et au respect que Jean-Jacques Raviglione et moi éprouvions l’un pour l’autre. Nous étions convaincus qu’il n’y a rien d’enrichissant à donner le pire de l’autre pour montrer le meilleur de soi. Il nous a fallu du temps pour mettre cela sur pied, mais nous pouvons en être fiers.»
Et est-ce parce que Noël approche qu’on a envie de voir une forme de continuité dans le fait que l’ancien pasteur soit impliqué aujourd’hui dans l’enseignement de la culture religieuse au sein de l’école laïque? Pas forcément, non.
Par Cécile Denayrouse | Mis à jour le 13.12.14
Faire cohabiter protestants et catholiques sous le même toit? Il y a trente ans, Henri Nerfin relevait le défi.
Henri Nerfin pose devant le Centre œcuménique de catéchèse, toujours bien vivant trente ans après sa création.?OLIVIER VOGELSANG
Le pasteur Henri Nerfin l’admet volontiers lui-même: ce pétulant homme de foi possède un tempérament joueur. Chez lui, cela se traduit par un penchant assumé pour l’émulation. Alors quand son ami d’obédience catholique, le prêtre Jean-Jacques Raviglione, est venu le chatouiller sur le terrain catéchétique à coups de brochures de présentation particulièrement réussies, il s’est jeté avec enthousiasme dans la bataille. Qui aurait pu croire que de cette innocente compétition éditoriale entre Eglises naîtrait le Centre œcuménique de catéchèse, le COEC pour les intimes, toujours bien vivace aujourd’hui?
«Jean-Jacques Raviglione et moi nous rencontrions régulièrement au cours de week-ends de catéchèses œcuméniques organisés à Lyon, en France. Rapidement, nous sommes devenus amis. A force, au début des années 80, nous nous sommes dit qu’il fallait faire quelque chose ensemble», explique Henri Nerfin. Aidés de quelques comparses protestants et catholiques, ils imaginent une séquence de six rencontres communes entre enfants de 5e au moment de Pâques. Le succès est tel que l’expérience est rendue définitive dès 1983.
«Il faut dire que la question œcuménique m’habitait depuis longtemps, ajoute-t-il. A l’époque où je dirigeais la paroisse de Vesenaz, de 1966 à 1978, les enfants finissaient l’école à 11 h. Eux qui étaient dans la même classe, assis sur les mêmes bancs, devaient alors se séparer pour entendre parler de Dieu et d’unité. Mais comment peut-on annoncer l’évangile à l’humanité et prôner en même temps la division? C’est comme si un pompier était pyromane!»
En 1981 germe l’idée de réunir tout ce beau monde sous le même toit, une unité qu’appellent de leurs vœux 89% des catéchétistes selon une enquête réalisée à l’époque. Motivé par ce projet, le pasteur enfile un costume qui lui était jusqu’ici inconnu: agent immobilier. Il écume le canton à la recherche d’un lieu, si possible neutre, pouvant accueillir ce centre. Mais la quête est délicate, au point qu’il fait paraître un appel dans la presse locale. Après avoir lorgné un moment l’ancien poste de police du Petit-Lancy, il apprend que la Maison de la Réforme possède des locaux rue du Village Suisse et qu’elle les met volontiers à disposition. Banco! Cerise pieuse sur le gâteau, les catholiques ne voient aucun inconvénient à investir un espace protestant. Quelques travaux plus tard, les 350 m2 du quartier des Bains sont divisés de façon religieusement équitable: «L’idée était que chacun dispose d’exactement la même surface, et mieux encore, que cette répartition puisse être réversible sans que chacun ne se sente lésé» s’amuse-t-il.
De tels comptes d’apothicaires peuvent faire sourire aujourd’hui, pourtant Henri Nerfin assure que c’est grâce à ce genre de détails que le mariage coreligionnaire fonctionne toujours parfaitement: «Encore aujourd’hui, c’est un choix d’être œcuménique, il faut donc que l’ensemble des personnes concernées se sente à l’aise avec ça, même ceux qui se situent les plus à droite. Si les fondations sont solides, la maison ne s‘écroule pas.» Il pousse cette logique jusqu’à inviter l’ensemble des représentants des deux Eglises à rédiger une charte, toujours en vigueur aujourd’hui. «Celle-ci incite chaque partie à s’exprimer sur la vision commune de ce que doit être une catéchèse œcuménique. Je crois savoir que les personnes qui dirigent le COEC actuellement s’y réfèrent encore régulièrement.»
La fameuse charte est donc officialisée le 9 novembre 1984, lors de l’inauguration en grande pompe du Centre œcuménique de catéchèse de Genève. Un fait rare en Suisse romande puisque seul le canton de Neuchâtel dispose déjà d’un tel espace. «C’était un grand moment, malheureusement, nous ne disposons d’aucune trace audio de cet événement: la personne qui était chargée d’appuyer sur l’enregistreur s’est trompée de bouton… Un comble pour ce qui devait apparaître comme un symbole de modernité!» La création du centre n’empêche pas les deux amis de continuer leur petite compétition de brochures. «Ce rapprochement a été possible en grande partie grâce à la confiance totale et au respect que Jean-Jacques Raviglione et moi éprouvions l’un pour l’autre. Nous étions convaincus qu’il n’y a rien d’enrichissant à donner le pire de l’autre pour montrer le meilleur de soi. Il nous a fallu du temps pour mettre cela sur pied, mais nous pouvons en être fiers.»
Et est-ce parce que Noël approche qu’on a envie de voir une forme de continuité dans le fait que l’ancien pasteur soit impliqué aujourd’hui dans l’enseignement de la culture religieuse au sein de l’école laïque? Pas forcément, non.
(Tribune de Genève)