Au Vatican, la diplomatie c'est la prière
BOSCO D'OTREPPE
CRÉÉ LE 08/06/2014 / MODIFIÉ LE 09/06/2014 À 23H48
Crédits : Gregorio Borgia/AP/SIPA Crédits : Gregorio Borgia/AP/SIPA
Mahmoud Abbas, Shimon Peres, le patriarche Bartholomée et le pape François se sont réunis au Vatican pour prier ensemble dans le calme d'une soirée estivale. Ce moment historique et inédit s'inscrira-t-il dans la durée ?
Le signe ne trompe pas. Dans les jardins du Vatican ce dimanche soir, autour de Mahmoud Abbas, Shimon Peres, le patriarche Bartholomée et le pape François, ne se trouve aucun des habituels gardes suisses. Nous assistons à une rencontre de prière fraternelle, et en aucun cas à une réunion diplomatique et politique.
C'était bien ce qui était prévu pour cette « invocation pour la paix », un moment inédit et historique auquel le pape, le 25 mai dernier lors de son voyage en Terre sainte, avait convié les présidents israélien et palestinien, ainsi que le patriarche de Constantinople.
« Un don de Dieu »
Pour comprendre l'appel du pape, la vision de la paix qu'il décline depuis le début de son pontificat est très utile. « La paix est un don de Dieu » rappelle-t-il sans cesse.
Loin d'être éthérée, cette phrase, pour François, appelle chacun à la disponibilité, à l'humilité, à la prière, à l'accueil de l'autre par lequel Dieu peut aussi se manifester.
« Pour faire la paix, il faut du courage, bien plus que pour faire la guerre » a expliqué le pape ce dimanche soir. « Il faut du courage pour dire oui à la rencontre et non à l’affrontement ; oui au dialogue et non à la violence ; oui à la négociation et non aux hostilités ; oui au respect des accords et non aux provocations ; oui à la sincérité et non à la duplicité. Pour tout cela, il faut du courage, une grande force d’âme. »
« L’histoire nous enseigne que nos seules forces ne suffisent pas. (...) C’est pourquoi nous sommes ici, parce que nous savons et nous croyons que nous avons besoin de l’aide de Dieu. Nous ne renonçons pas à nos responsabilités, mais nous invoquons Dieu comme un acte de suprême responsabilité, face à nos consciences et face à nos peuples. Nous avons entendu un appel, et nous devons répondre : l’appel à rompre la spirale de la haine et de la violence, à la rompre avec une seule parole : « frère ». Mais pour prononcer cette parole, nous devons tous lever le regard vers le Ciel, et nous reconnaître enfants d’un unique Père. »
L'héritage du monde
Du courage et une unité que les représentants des trois monothéismes ont souhaité demander à leur Dieu. L'invocation pour la paix était en effet structurée en trois moments, chacun consacré à une religion. Trois moments non pas identiques dans leur prière, mais tous tournés par leurs textes vers la création, le pardon et l'invocation pour la paix. Ces textes écrits pour l'occasion ou, pour la plupart, tirés des Écritures, résonnaient en plusieurs langues dans la gravité d'un début de soirée romain. Entre eux, quelques chants et quelques airs harmonisaient un moment que beaucoup n'auraient même pas imaginé il y a quelques années encore.
« Messieurs les Présidents, s'est exprimé François à l'issue de la prière, le monde est un héritage que nous avons reçu de nos ancêtres, mais c’est aussi un prêt de nos enfants : des fils qui sont fatigués et épuisés par les conflits et désireux de parvenir à l’aube de la paix ; des fils qui nous demandent d’abattre les murs de l’inimitié et de parcourir la route du dialogue et de la paix afin que l’amour et l’amitié triomphent. »
« En hébreu, notre langue antique, le nom Jérusalem, et la parole paix ont la même racine. Et en effet, la paix est la vision même de Jérusalem » a continué le président israélien Shimon Peres qui n'a pas hésité à louer la personnalité de François. « Durant votre historique visite en Terre sainte, vous nous avez touché par la chaleur de votre cœur, par la sincérité de vos intentions, par votre modestie, par votre gentillesse. Vous avez touché le cœur de chacun, indépendamment de la religion ou de la nationalité. Vous vous êtes présenté comme un bâtisseur de ponts de fraternité et de paix. Nous tous avons besoin de l'inspiration qui accompagne votre caractère et votre chemin. »
« Ah ! si toi aussi, tu avais reconnu en ce jour ce qui donne la paix ! » a poursuivi Mahmoud Abbas en reprenant les paroles de l'Évangile de Luc. « Si la paix se réalise à Jérusalem, la paix sera témoignée dans le monde entier » a-t-il souligné en citant Jean-Paul II, et en appelant à un « État souverain et indépendant » pour les siens.
Et puis ?
Nul ne sait pourtant si l'olivier planté dans les Jardins du Vatican dimanche soir par les quatre personnalités permettra d'actualiser cette paix invoquée. On connaît d'ailleurs l'impasse dans laquelle se trouvent les négociations. Mais comme ils le souhaitaient, les responsables politiques et religieux rassemblés au Vatican ont voulu rappeler que la prière était pour eux première, que la recherche d'unité était indispensable au-delà de tous les contextes, qu'un moment de pause et qu'une prise de hauteur étaient souhaitables pour avancer sur le « chemin de la paix ».
Rien n'est donc écrit pour la suite, mais le moment à Rome fut impressionnant. François, de son côté, a rendu au Vatican une place importante sur le plan des relations internationales. Mystique, il n'appelle pourtant à aucune politique, mais engage une posture de paix. Là est tout le sens de sa « diplomatie par la prière ».