Plaintes pour pollution aux métaux lourds dans les Cévennes
Mots clés : pollution, Métaux lourds, Plomb, zinc, Cadmium, Arsenic
Par figaro iconSoline Roy - le 25/03/2016
Vivant sur des sols contaminés par d'anciennes mines, 43 personnes et deux associations ont porté plainte contre X pour «mise en danger de la vie d'autrui».
Cela ressemble à un petit coin de paradis aux portes du parc national des Cévennes. Saint-Félix-de-Pallières, 229 habitants en 2013, et Thoiras, 449 habitants, pourraient pourtant être au cœur d'un scandale sanitaire: les habitants s'inquiètent de la pollution des sols engendrée par d'anciennes mines de plomb et de zinc abandonnées et estiment qu'ils n'ont pas été informés des dangers.
Quarante-trois personnes et deux associations (l'Association pour la dépollution des anciennes mines de la vieille montagne - ADAMVM - et Générations futures) ont annoncé vendredi avoir porté plainte contre X pour «mise en danger de la vie d'autrui», «atteinte involontaire à l'intégrité physique», «pollution des eaux» et «tromperie sur la marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme et l'animal». Me Marie-Odile Bertella-Geffroy, ancienne coordinatrice du pôle santé du Tribunal de Grande Instance de Paris qui a notamment instruit les dossiers du sang contaminé et de l'amiante, précise que les plaintes ont été déposées «à la fois auprès du Tribunal d'Alès (Gard), compétent territorialement, et auprès du pôle santé du Tribunal de grande instance de Marseille». Selon elle, les autorités n'ont rien fait depuis 1971.
Des caravanes installées sur les terrils
La mine Joseph est abandonnée depuis 1955, celle de La Vieille Montagne depuis 1971. En 2004, la Drire (Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement), demande un rapport à Géodéris, un groupement d'Intérêt Public constitué entre le BRGM (Bureau de recherche géologique et minière) et l'INERIS (Institut national de l'environnement industriel et des risques), sur les niveaux de contamination des anciens sites miniers. Les experts y notent que les sols sont contaminés en métaux lourds (antimoine, arsenic, plomb...), que des caravanes sont installées «en continu» en haut de terrils de résidus miniers où jouent des enfants, que certaines zones sont très faciles d'accès⊠Ces deux sites «ont été identifiés en 2007 comme fortement pollués par le ministère chargé de l'environnement dans le cadre du Plan National Santé Environnement», rappelle l'Agence régionale de santé dans un communiqué en mai 2015. Le préfet avait alerté les maires des zones concernés en 2008.
Les autorités semblent pourtant avoir tardé à réagir: alertée par les habitants, l'Association toxicologie-chimie (ACT), présidée par le toxico-chimiste André Picot, s'est penchée sur le problème. Dans un dossier publié en juin 2013, les auteurs racontent que le site de l'ancienne mine de La Vieille Montagne est «considéré comme une sorte de parc à usage touristique». Une partie du terrain serait occupée (sans autorisation) par des caravanes, des rave party y seraient organisées l'été, des fruits et légumes y sont cultivées et des animaux élevés. Leur document évoque aussi des «promeneurs du dimanche, tel ce jeune père de famille et son petit enfant que nous avons rencontrés sur les sables chimiques. Le père nous dira qu'il suit l'itinéraire que lui a conseillé le syndicat d'initiative d'Alès»âŠ
Conseils sanitaires
«Malgré le nombre limité de données, nous avons réalisé une estimation des risques», écrivent les membres de l'ACT. Pour les enfants, «l'exposition moyenne est 20 fois supérieure aux valeurs toxicologiques de référence (VTR, seuil à partir duquel les effets sanitaires peuvent se manifester, ndlr) pour le plomb et l'arsenic et jusqu'à 200 fois supérieure pour les valeurs maximales en plomb; pour les adultes, les VTR sont dépassées aussi pour le plomb et l'arsenic et jusqu'à 10 fois pour les valeurs maximums en plomb». Risques encourus: «pathologies cancéreuses, reprotoxiques et perturbatrices endocriniennes. Les risques pour l'environnement sont aussi élevés, y compris ceux liés à la contamination des systèmes aquatiques».
L'Agence régionale de santé (ARS) du Languedoc-Roussillon avait annoncé en mai 2015 la mise en place d'un dispositif de surveillance sanitaire, invitant près de 2.800 habitants des cinq communes concernées à des analyses de sang et d'urine pour y chercher la trace de métaux lourds. Le 11 février dernier, l'ARS annonçait les résultats des analyses menées sur 675 volontaires: 46 d'entre eux, dont des enfants, présentaient des taux anormalement élevés de métaux lourds (arsenic, plomb et cadmium), «nécessitant un suivi médical personnalisé»...
L'ARS a alors diffusé une fiche de «Conseils sanitaires» pour les personnes vivant sur ou à proximité de sols» contaminés. Parmi elles: se laver les mains et garder ses ongles courts, laver fréquemment les jouets d'extérieur et ne pas laisser les enfants jouer dans la terre, «diversifier l'origine géographique et les lieux d'achats des produits alimentaires» (sic), bien nettoyer l'intérieur des habitations et éviter d'y laisser entrer des poussières extérieures... Bref, les habitants, qui pourraient penser vivre dans une région préservée de la pollution, doivent se comporter comme si le périphérique courait à leurs pieds.