L' "évêque de luxe" face au pape des pauvres cette semaine
ANNE-CÉCILE JUILLET
Une Eglise pauvre, pour les pauvres, telle est le slogan, en forme de feuille de route, que le pape François a rapidement diffusé auprès de ses troupes. Le voilà confronté à une affaire délicate, qui interroge très précisément la pauvreté matérielle au sein de l'Eglise et le met face à un premier cas pratique.
L'évêque de Limburg, un diocèse situé au sud-ouest de l'Allemagne, Mgr Tebartz-van Elst, est arrivé dimanche à Rome. Dans un vol low-cost, pour faire peut-être oublier le surnom que les Allemands lui ont donné: "l'évêque de luxe". Depuis des semaines, son goût pour la dépense provoque colère et scandale outre-Rhin.
Mgr Tebartz-van Elst, 53 ans, a en effet fait construire un siège épiscopal doté d'un musée, de salles de conférences, d'une chapelle, et d'appartements privés, dont l'un dôté, notamment, d'une baignoire à 15000 euros.
Le projet de ce siège épiscopal avait été lancé par son prédécesseur, et avait été initialement évalué à 5,5 millions d'euros. Le chantier a finalement coûté six fois plus cher, la facture s'étant élevée à 31 millions d'euros. Le quotidien Die Welt (en allemand) a plutôt estimé la facture finale à 40 millions d'euros.
Les fidèles, outrés, ont demandé sa démission. Plus de 4 000 d'entre eux ont déjà signé une lettre ouverte contre lui. À Limburg, près de Francfort, la population est choquée. Dimanche, environ 200 opposants se sont rassemblés devant la cathédrale pour protester contre la folie des grandeurs de l'évêque. La presse allemande consacre de plus en plus d'articles à cette affaire, devenue, en un mois, un scandale national. En Une, Le Spiegel a titré "Cher serviteur de Dieu".
Angela Merkel a également pris part à l'affaire. Via son porte-parole, la chancelière a fait savoir combien elle regrettait "ce poids" pour la communauté de catholique de son pays, précisant que le gouvernement n'avait pour autant "aucune indication ni aucun conseil" à donner (en allemand) sur ce sujet interne à l'Eglise catholique.
Ce ne sont pas simplement ses goûts de luxe qui sont reprochés à Mgr Tebartz-van Elst. Le parquet de Hambourg le soupçonne d'avoir menti sous serment à la justice. Il aurait affirmé au journal Spiegel, qui a révélé l'affaire, qu'il s'était rendu en Inde en classe affaires, avant de démentir sous serment, à tort.
"Nous prenons cette affaire très au sérieux, mais les gens attendent de la clarté, pas une réaction précipitée", précise Mgr Zollitsch, le président de la conférence épiscopale allemande, dont la plupart des membres se sont désolidarisés de leur confrère. Présent à Rome cette semaine, pour évoquer notamment le cas Limburg avec le pape François, Mgr Zollitsch estime que la politique dépensière et l'attitude arrogante de Mgr Tebartz-van Elst ne doivent pas rester "sans conséquences". Il lui a recommandé d'exercer "l'autocritique".
Sollicité à plusieurs reprises, l'évêque de Limburg s'est contenté de répondre que tout cela était "désormais entre les mains du Saint-Père". Mi-septembre dernier, le Vatican a envoyé un observateur, le cardinal italien Giovanni Lajolo, qui doit remettre son rapport sous peu.
Que dira le pape François, lui qui n'a pas souhaité vivre dans les appartements pontificaux, face à l'évêque aux appartements à 2,3 millions d'euros? Dieu seul le sait, mais les fidèles allemands voudront l'entendre.
*Pour mieux comprendre que de telles dépenses puissent être faites au sein de l'Eglise catholique, il est utile de préciser qu'en Allemagne, les Églises sont bénéficiaires d'un impôt qui les rend bien plus riches que dans les pays voisins. Elles financent de multiples associations, écoles, missions, projets de développement.
ANNE-CÉCILE JUILLET
Une Eglise pauvre, pour les pauvres, telle est le slogan, en forme de feuille de route, que le pape François a rapidement diffusé auprès de ses troupes. Le voilà confronté à une affaire délicate, qui interroge très précisément la pauvreté matérielle au sein de l'Eglise et le met face à un premier cas pratique.
L'évêque de Limburg, un diocèse situé au sud-ouest de l'Allemagne, Mgr Tebartz-van Elst, est arrivé dimanche à Rome. Dans un vol low-cost, pour faire peut-être oublier le surnom que les Allemands lui ont donné: "l'évêque de luxe". Depuis des semaines, son goût pour la dépense provoque colère et scandale outre-Rhin.
Mgr Tebartz-van Elst, 53 ans, a en effet fait construire un siège épiscopal doté d'un musée, de salles de conférences, d'une chapelle, et d'appartements privés, dont l'un dôté, notamment, d'une baignoire à 15000 euros.
Le projet de ce siège épiscopal avait été lancé par son prédécesseur, et avait été initialement évalué à 5,5 millions d'euros. Le chantier a finalement coûté six fois plus cher, la facture s'étant élevée à 31 millions d'euros. Le quotidien Die Welt (en allemand) a plutôt estimé la facture finale à 40 millions d'euros.
Les fidèles, outrés, ont demandé sa démission. Plus de 4 000 d'entre eux ont déjà signé une lettre ouverte contre lui. À Limburg, près de Francfort, la population est choquée. Dimanche, environ 200 opposants se sont rassemblés devant la cathédrale pour protester contre la folie des grandeurs de l'évêque. La presse allemande consacre de plus en plus d'articles à cette affaire, devenue, en un mois, un scandale national. En Une, Le Spiegel a titré "Cher serviteur de Dieu".
Angela Merkel a également pris part à l'affaire. Via son porte-parole, la chancelière a fait savoir combien elle regrettait "ce poids" pour la communauté de catholique de son pays, précisant que le gouvernement n'avait pour autant "aucune indication ni aucun conseil" à donner (en allemand) sur ce sujet interne à l'Eglise catholique.
Ce ne sont pas simplement ses goûts de luxe qui sont reprochés à Mgr Tebartz-van Elst. Le parquet de Hambourg le soupçonne d'avoir menti sous serment à la justice. Il aurait affirmé au journal Spiegel, qui a révélé l'affaire, qu'il s'était rendu en Inde en classe affaires, avant de démentir sous serment, à tort.
"Nous prenons cette affaire très au sérieux, mais les gens attendent de la clarté, pas une réaction précipitée", précise Mgr Zollitsch, le président de la conférence épiscopale allemande, dont la plupart des membres se sont désolidarisés de leur confrère. Présent à Rome cette semaine, pour évoquer notamment le cas Limburg avec le pape François, Mgr Zollitsch estime que la politique dépensière et l'attitude arrogante de Mgr Tebartz-van Elst ne doivent pas rester "sans conséquences". Il lui a recommandé d'exercer "l'autocritique".
Sollicité à plusieurs reprises, l'évêque de Limburg s'est contenté de répondre que tout cela était "désormais entre les mains du Saint-Père". Mi-septembre dernier, le Vatican a envoyé un observateur, le cardinal italien Giovanni Lajolo, qui doit remettre son rapport sous peu.
Que dira le pape François, lui qui n'a pas souhaité vivre dans les appartements pontificaux, face à l'évêque aux appartements à 2,3 millions d'euros? Dieu seul le sait, mais les fidèles allemands voudront l'entendre.
*Pour mieux comprendre que de telles dépenses puissent être faites au sein de l'Eglise catholique, il est utile de préciser qu'en Allemagne, les Églises sont bénéficiaires d'un impôt qui les rend bien plus riches que dans les pays voisins. Elles financent de multiples associations, écoles, missions, projets de développement.