La réflexion sur la laïcité et les différences culturelles et religieuses au Québec.
par le CICNS
Le Québec est une province multi ethnique et multi culturelle. Cette diversité en mouvement pousse la société québecoise à ajuster et préciser sa culture publique commune. C'est une démarche qui est déjà commencée puisque les québécois ont développé une notion originale appelée "l'accomodement raisonnable".
Cette pratique a néanmoins conduit à une "crise" avec, dans les années 2006-2007, un grand nombre d'affaires portées devant les médias : "Afin de répondre aux expressions de mécontentement qui se sont élevées dans la population sur ce qu’on a appelé les « accommodements raisonnables », le premier ministre du Québec, M. Jean Charest, a annoncé le 8 février 2007 la création de la "Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles". Cette commission porte le nom de Bouchard-Taylor (du nom de ses deux présidents). Elle vient de délivrer son rapport d'où sont extraites les citations ci-dessous.
"(...) le propre de l’accommodement est de remédier, au moyen de certains aménagements, à des formes de discrimination qui surviennent parfois dans l’application d’une norme ou d’une loi par ailleurs légitime (...) L’obligation d’accommodement exige qu’il y ait discrimination, ce qui doit être déterminé en se référant aux chartes". Des exemples d'accommodement concernent le port de signes religieux dans les lieux publics (voile et kirpan à l'école), l'obtention de congés pour motifs religieux, des demandes d'exemption pour certains cours, des demandes de lieux de prière dans des édifices publics etc...
L'accommodement raisonnable est l'utilisation d'une voie judiciaire pour la résolution de conflits : "les demandes doivent se plier à des mécanismes formels codifiés qui dressent les parties l’une contre l’autre et, en fin de compte, décrètent un gagnant et un perdant. La plupart du temps, en effet, les tribunaux imposent des décisions". "(...) L’obligation d’accommodement est circonscrite par le réalisme de la demande – en d’autres termes, par la capacité d’accommoder de l’organisme concerné. La notion de contrainte excessive est ici déterminante. Selon la tradition du droit du travail, une demande peut être rejetée si elle entraîne un coût déraisonnable, si elle bouleverse le fonctionnement de l’organisme ou si elle porte atteinte aux droits d’autrui. S’y ajoute le maintien de la sécurité et de l’ordre public. En d’autres termes, l’obligation d’accommodement doit être évaluée par rapport au poids de l’incommodement".
Dans ce champ de "pratiques d'harmonisation", Il existe également une deuxième voie appelée "ajustement concerté" : "Moins formalisé, ce parcours repose sur la négociation et la recherche de compromis. Son objectif est de parvenir à une solution qui satisfasse les deux parties". Il y a, selon les auteurs du rapport, plusieurs avantages à cette deuxième voie : "a) il est bon que les citoyens apprennent à gérer leurs différences et leurs différends ; b) cette voie permet de ne pas engorger les tribunaux ; c) les valeurs qui sous-tendent la voie citoyenne (l’échange, la négociation, la réciprocité) sont celles qui fondent aussi le modèle d’intégration du Québec. Sur le plan quantitatif, on constate d’ailleurs que la plupart des demandes empruntent la voie citoyenne (et seulement un petit nombre la voie des tribunaux)".
Les rapporteurs ont volontairement choisi de prendre du recul et d'embrasser la question de façon la plus large possible : "Nous pouvions aborder le mandat de la Commission de deux manières : dans un sens large ou dans un sens plus étroit. Le sens plus étroit consistait à s’en tenir à la dimension proprement juridique de l’accommodement raisonnable. La seconde façon consistait à voir dans le débat sur les accommodements raisonnables le symptôme d’un problème plus fondamental concernant le modèle l’intégration socioculturelle mis en place au Québec depuis les années 1970. Cette perspective invitait à revenir sur l’interculturalisme, l’immigration, la laïcité et la thématique de l’identité québécoise. C’est cette deuxième voie que nous avons choisi d’emprunter, dans le but de saisir le problème à sa source et sous toutes ses facettes, en prêtant aussi une attention particulière à ses dimensions économique et sociale".
"(...) La laïcité est ressortie comme l’un des grands thèmes de la discussion collective que nous avons tenue à l’automne de 2007. Puisque les principales craintes et insatisfactions exprimées par les citoyens concernaient les accommodements accordés pour motifs religieux, il est normal que la question du modèle de laïcité correspondant le mieux à la réalité du Québec d’aujourd’hui soit ressortie avec autant de force."
Il est intéressant de noter que la laïcité n'est pas inscrite dans les textes fondateurs du Québec : "l’une des caractéristiques centrales de la laïcité québécoise est qu’elle s’est définie de façon implicite". Les auteurs du rapport préconisent une "laïcité ouverte" : "La laïcité, au Québec, permet aux citoyens d’exprimer leurs convictions religieuses dans la mesure où cette expression n’entrave pas les droits et libertés d’autrui. C’est un aménagement institutionnel qui vise à protéger les droits et libertés, et non, comme en France, un principe constitutionnel et un marqueur identitaire à défendre. La neutralité et la séparation de l’État et de l’Église ne sont pas vues comme des fins en soi, mais comme des moyens permettant d’atteindre le double objectif, fondamental, de respect de l’égalité morale et de la liberté de conscience". Dans leurs recommandations, les rapporteurs encouragent l'écriture par le Gouvernement d'un Livre Blanc sur la Laïcité afin de : définir ce qu'est la laïcité, rappeler les grands choix faits par le Québec en la matière, défendre une conception ouverte de la laïcité, clarifier et soumettre au débat public les questions au sujet desquelles des consensus restent à construire.
Nous invitons le lecteur à prendre connaissance de ce rapport. Il montre comment une société, par l'entremise de ses pouvoirs publics, peut lancer une réflexion de fond et un vrai débat public à partir de cas concrets. C'est certainement un exemple pour la France où le sujet de la laïcité est "inabordable" si ce n'est de façon incantatoire.
par le CICNS
Le Québec est une province multi ethnique et multi culturelle. Cette diversité en mouvement pousse la société québecoise à ajuster et préciser sa culture publique commune. C'est une démarche qui est déjà commencée puisque les québécois ont développé une notion originale appelée "l'accomodement raisonnable".
Cette pratique a néanmoins conduit à une "crise" avec, dans les années 2006-2007, un grand nombre d'affaires portées devant les médias : "Afin de répondre aux expressions de mécontentement qui se sont élevées dans la population sur ce qu’on a appelé les « accommodements raisonnables », le premier ministre du Québec, M. Jean Charest, a annoncé le 8 février 2007 la création de la "Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles". Cette commission porte le nom de Bouchard-Taylor (du nom de ses deux présidents). Elle vient de délivrer son rapport d'où sont extraites les citations ci-dessous.
"(...) le propre de l’accommodement est de remédier, au moyen de certains aménagements, à des formes de discrimination qui surviennent parfois dans l’application d’une norme ou d’une loi par ailleurs légitime (...) L’obligation d’accommodement exige qu’il y ait discrimination, ce qui doit être déterminé en se référant aux chartes". Des exemples d'accommodement concernent le port de signes religieux dans les lieux publics (voile et kirpan à l'école), l'obtention de congés pour motifs religieux, des demandes d'exemption pour certains cours, des demandes de lieux de prière dans des édifices publics etc...
L'accommodement raisonnable est l'utilisation d'une voie judiciaire pour la résolution de conflits : "les demandes doivent se plier à des mécanismes formels codifiés qui dressent les parties l’une contre l’autre et, en fin de compte, décrètent un gagnant et un perdant. La plupart du temps, en effet, les tribunaux imposent des décisions". "(...) L’obligation d’accommodement est circonscrite par le réalisme de la demande – en d’autres termes, par la capacité d’accommoder de l’organisme concerné. La notion de contrainte excessive est ici déterminante. Selon la tradition du droit du travail, une demande peut être rejetée si elle entraîne un coût déraisonnable, si elle bouleverse le fonctionnement de l’organisme ou si elle porte atteinte aux droits d’autrui. S’y ajoute le maintien de la sécurité et de l’ordre public. En d’autres termes, l’obligation d’accommodement doit être évaluée par rapport au poids de l’incommodement".
Dans ce champ de "pratiques d'harmonisation", Il existe également une deuxième voie appelée "ajustement concerté" : "Moins formalisé, ce parcours repose sur la négociation et la recherche de compromis. Son objectif est de parvenir à une solution qui satisfasse les deux parties". Il y a, selon les auteurs du rapport, plusieurs avantages à cette deuxième voie : "a) il est bon que les citoyens apprennent à gérer leurs différences et leurs différends ; b) cette voie permet de ne pas engorger les tribunaux ; c) les valeurs qui sous-tendent la voie citoyenne (l’échange, la négociation, la réciprocité) sont celles qui fondent aussi le modèle d’intégration du Québec. Sur le plan quantitatif, on constate d’ailleurs que la plupart des demandes empruntent la voie citoyenne (et seulement un petit nombre la voie des tribunaux)".
Les rapporteurs ont volontairement choisi de prendre du recul et d'embrasser la question de façon la plus large possible : "Nous pouvions aborder le mandat de la Commission de deux manières : dans un sens large ou dans un sens plus étroit. Le sens plus étroit consistait à s’en tenir à la dimension proprement juridique de l’accommodement raisonnable. La seconde façon consistait à voir dans le débat sur les accommodements raisonnables le symptôme d’un problème plus fondamental concernant le modèle l’intégration socioculturelle mis en place au Québec depuis les années 1970. Cette perspective invitait à revenir sur l’interculturalisme, l’immigration, la laïcité et la thématique de l’identité québécoise. C’est cette deuxième voie que nous avons choisi d’emprunter, dans le but de saisir le problème à sa source et sous toutes ses facettes, en prêtant aussi une attention particulière à ses dimensions économique et sociale".
"(...) La laïcité est ressortie comme l’un des grands thèmes de la discussion collective que nous avons tenue à l’automne de 2007. Puisque les principales craintes et insatisfactions exprimées par les citoyens concernaient les accommodements accordés pour motifs religieux, il est normal que la question du modèle de laïcité correspondant le mieux à la réalité du Québec d’aujourd’hui soit ressortie avec autant de force."
Il est intéressant de noter que la laïcité n'est pas inscrite dans les textes fondateurs du Québec : "l’une des caractéristiques centrales de la laïcité québécoise est qu’elle s’est définie de façon implicite". Les auteurs du rapport préconisent une "laïcité ouverte" : "La laïcité, au Québec, permet aux citoyens d’exprimer leurs convictions religieuses dans la mesure où cette expression n’entrave pas les droits et libertés d’autrui. C’est un aménagement institutionnel qui vise à protéger les droits et libertés, et non, comme en France, un principe constitutionnel et un marqueur identitaire à défendre. La neutralité et la séparation de l’État et de l’Église ne sont pas vues comme des fins en soi, mais comme des moyens permettant d’atteindre le double objectif, fondamental, de respect de l’égalité morale et de la liberté de conscience". Dans leurs recommandations, les rapporteurs encouragent l'écriture par le Gouvernement d'un Livre Blanc sur la Laïcité afin de : définir ce qu'est la laïcité, rappeler les grands choix faits par le Québec en la matière, défendre une conception ouverte de la laïcité, clarifier et soumettre au débat public les questions au sujet desquelles des consensus restent à construire.
Nous invitons le lecteur à prendre connaissance de ce rapport. Il montre comment une société, par l'entremise de ses pouvoirs publics, peut lancer une réflexion de fond et un vrai débat public à partir de cas concrets. C'est certainement un exemple pour la France où le sujet de la laïcité est "inabordable" si ce n'est de façon incantatoire.