La presse pakistanaise gênée par une nouvelle affaire de blasphème
Natalia Trouiller - publié le 21/08/2012
L'arrestation d'une petite fille trisomique accusée d'avoir brûlé le Coran ne fait guère la une de la presse locale, et ne semble pas passionner les foules. A une notable exception près.
PAKISTAN: UNE PETITE FILLE HANDICAPEE ACCUSEE DE BLASPHEME
L'affaire enflamme le web occidental. Une petite fille de 11 ans, Rimsha Masih, atteinte de trisomie 21, encourt la peine de mort pour blasphème pour avoir brûlé le 17 avril dernier de vieux papiers afin d'allumer le réchaud familial. Un certain Syed Muhammad Ummad va alors déposer plainte au commissariat. Devant le peu d'enthousiasme de la police à engager une enquête avec des faits aussi minces, la foule décide alors quatre mois plus tard de se faire justice elle-même. La fillette est alors arrêtée, peut-être pour la protéger - mais l'attitude de la police rapportée par le Pakistan Christian Post laisse planer le doute sur les intentions des policiers. Le président de la République pakistanaise a demandé l'ouverture d'une enquête; selon Eglises d'Asie, deux à trois cents familles chrétiennes ont par ailleurs fui le bidonville où vivait la famille de la fillette, par peur des représailles; ces familles seraient en réalité près d'un millier selon le Pakistan Christian Post.
> Dans la presse internet pakistanaise, l'affaire ne fait pas toujours la Une: ce qui occupait les journaux hier, c'est la fin du Ramadan et la fête de l'Aïd el-Fitr qui la marque. Le journal The Dawn se contente de reprendre la dépêche AFP sur l'affaire, qui rapporte que la loi anti-blasphème est vivement critiquée en Occident; mais en commentaire, certains musulmans s'indignent: "Laissez la fillette tranquille!" ou stigmatisent les journalistes: "Bravo - plutôt que de vous concentrer sur le fait que la foule des Pakistanais a fait arrêter une jeune fille, contraint quelques centaines de familles à quitter leurs foyers et qu'une loi sur le blasphème doit être abrogée, vous cherchez des poux à l'Occident. Malheureusement, c'est la réponse réflexe de beaucoup trop de Pakistanais. Des gens comme vous sont en train de détruire le Pakistan. J'espère que cette enfant et sa famille seront en sécurité. Il faut mettre fin à la loi sur le blasphème une bonne fois pour toutes". The Nation reprend également la dépêche AFP, sans commentaires ni éditorial.
> Une exception notable, toutefois. Pour l'éditorialiste du Daily Times, qui titre Un peu d'introspection pour cette fête de l'Aïd?, "cet Aïd est particulièrement sombre, en particulier pour les minorités persécutées, clôturant un ramadan d'une rare violence. Il n'y aura plus d'espoir à l'avenir que le mois sacré réduise l'effusion de sang; on a plutôt l'impression qu'il encourage les tendances djihadistes de l'ennemi. Et il y aura peu de joie parmi les Hazaras, les hindous, les chrétiens et Ahmadis, victimes de l'intolérance religieuse. Leur sort est aggravé par le manque d'aide officielle". Depuis 1986, année de son entrée en vigueur, la loi anti-blasphème a vu condamner 138 chrétiens, 468 musulmans et 454 ahmadis.
Natalia Trouiller - publié le 21/08/2012
L'arrestation d'une petite fille trisomique accusée d'avoir brûlé le Coran ne fait guère la une de la presse locale, et ne semble pas passionner les foules. A une notable exception près.
PAKISTAN: UNE PETITE FILLE HANDICAPEE ACCUSEE DE BLASPHEME
L'affaire enflamme le web occidental. Une petite fille de 11 ans, Rimsha Masih, atteinte de trisomie 21, encourt la peine de mort pour blasphème pour avoir brûlé le 17 avril dernier de vieux papiers afin d'allumer le réchaud familial. Un certain Syed Muhammad Ummad va alors déposer plainte au commissariat. Devant le peu d'enthousiasme de la police à engager une enquête avec des faits aussi minces, la foule décide alors quatre mois plus tard de se faire justice elle-même. La fillette est alors arrêtée, peut-être pour la protéger - mais l'attitude de la police rapportée par le Pakistan Christian Post laisse planer le doute sur les intentions des policiers. Le président de la République pakistanaise a demandé l'ouverture d'une enquête; selon Eglises d'Asie, deux à trois cents familles chrétiennes ont par ailleurs fui le bidonville où vivait la famille de la fillette, par peur des représailles; ces familles seraient en réalité près d'un millier selon le Pakistan Christian Post.
> Dans la presse internet pakistanaise, l'affaire ne fait pas toujours la Une: ce qui occupait les journaux hier, c'est la fin du Ramadan et la fête de l'Aïd el-Fitr qui la marque. Le journal The Dawn se contente de reprendre la dépêche AFP sur l'affaire, qui rapporte que la loi anti-blasphème est vivement critiquée en Occident; mais en commentaire, certains musulmans s'indignent: "Laissez la fillette tranquille!" ou stigmatisent les journalistes: "Bravo - plutôt que de vous concentrer sur le fait que la foule des Pakistanais a fait arrêter une jeune fille, contraint quelques centaines de familles à quitter leurs foyers et qu'une loi sur le blasphème doit être abrogée, vous cherchez des poux à l'Occident. Malheureusement, c'est la réponse réflexe de beaucoup trop de Pakistanais. Des gens comme vous sont en train de détruire le Pakistan. J'espère que cette enfant et sa famille seront en sécurité. Il faut mettre fin à la loi sur le blasphème une bonne fois pour toutes". The Nation reprend également la dépêche AFP, sans commentaires ni éditorial.
> Une exception notable, toutefois. Pour l'éditorialiste du Daily Times, qui titre Un peu d'introspection pour cette fête de l'Aïd?, "cet Aïd est particulièrement sombre, en particulier pour les minorités persécutées, clôturant un ramadan d'une rare violence. Il n'y aura plus d'espoir à l'avenir que le mois sacré réduise l'effusion de sang; on a plutôt l'impression qu'il encourage les tendances djihadistes de l'ennemi. Et il y aura peu de joie parmi les Hazaras, les hindous, les chrétiens et Ahmadis, victimes de l'intolérance religieuse. Leur sort est aggravé par le manque d'aide officielle". Depuis 1986, année de son entrée en vigueur, la loi anti-blasphème a vu condamner 138 chrétiens, 468 musulmans et 454 ahmadis.