Les Possédées de Morzine, entre diable et sotte superstition.
Péronne Tavernier a 10 ans. Ce 14 mars 1857, elle sort de confesse. Devant l’église, elle assiste au sauvetage d’une fillette qui vient d’être retirée de la Dranse. Le cœur battant, Péronne rejoint l’école des sœurs. Quelques heures plus tard, elle tombe comme morte sur son banc… Le mystérieux mal la prend à nouveau à quelques jours plus tard et se propage. Marie, une amie, succombe ; puis une dizaine de filles de l’école.
Ainsi débute l’affaire des Possédées de Morzine qui, de 1857 à 1870, va défrayer la chronique, “remonter” jusqu’à la capitale et gagner deux colonnes dans le Grand dictionnaire universel Larousse. « 7 ans de crise aiguë avec deux pics en 1861 et 1864 et deux cents femmes de 8 à 60 ans impliquées ! C’est la plus grosse affaire de possession, après Loudun », étalonne Bernard Sache, auteur d’un livre très étayé sur le sujet. « La cataplexie mue en transes spectaculaires. Les femmes s’arc-boutent, vocifèrent, blasphèment. Calmées, elles ne conservent ni trace, ni souvenir. »
À l’époque, le diable est partout. La population exige un grand exorcisme. Le curé de la paroisse, Pinget, s’y résout contre l’avis de ses autorités, puis abandonne ses ouailles aux médecins dépêchés sur place. Eux, experts thononais ou lyonnais, posent au bas de leur rapport les mots : démonomanie, hystérodémonopathie, sotte superstition. Prônent l’isolement, voire l’enfermement. Deux fois, la force de l’ordre est requise.
Avril 1864 sonne le paroxysme du phénomène avant son progressif essoufflement. L‘évêque, Monseigneur Magnin, se déplace pour célébrer la confirmation. Ulcérées par son refus de pratiquer l’exorcisme, les Possédées l’agressent, l’insultent, lui crachent au visage : son anneau pastoral est arraché et les saintes huiles roulent à terre. La confusion est extrême, la peur et la honte aussi.
150 ans plus tard, les tentatives d’explication s’empilent : fanatisme religieux du curé Pinget et du vicaire Favre, isolement géographique -il faut plusieurs jours pour rejoindre Thonon-, rivalités locales entre progressistes et conservateurs, dits “les rats rouges” et “les rats blancs”. La consanguinité et l’intoxication à l’ergot de seigle aussi sont évoquées sans plus de conviction.
Bernard Sache parle de crise sanitaire mal gérée, faute à une prise en charge médicale dénuée de mesure et au contexte politico-administratif nourri des atermoiements sardes et de l’interventionnisme parisien, en cette période charnière du rattachement de la Savoie à la France. « Une double malchance », ponctue-t-il.
http://www.ledauphine.com/haute-savoie/2012/07/09/les-possedees-de-morzine-entre-diable-et-sotte-superstition
Péronne Tavernier a 10 ans. Ce 14 mars 1857, elle sort de confesse. Devant l’église, elle assiste au sauvetage d’une fillette qui vient d’être retirée de la Dranse. Le cœur battant, Péronne rejoint l’école des sœurs. Quelques heures plus tard, elle tombe comme morte sur son banc… Le mystérieux mal la prend à nouveau à quelques jours plus tard et se propage. Marie, une amie, succombe ; puis une dizaine de filles de l’école.
Ainsi débute l’affaire des Possédées de Morzine qui, de 1857 à 1870, va défrayer la chronique, “remonter” jusqu’à la capitale et gagner deux colonnes dans le Grand dictionnaire universel Larousse. « 7 ans de crise aiguë avec deux pics en 1861 et 1864 et deux cents femmes de 8 à 60 ans impliquées ! C’est la plus grosse affaire de possession, après Loudun », étalonne Bernard Sache, auteur d’un livre très étayé sur le sujet. « La cataplexie mue en transes spectaculaires. Les femmes s’arc-boutent, vocifèrent, blasphèment. Calmées, elles ne conservent ni trace, ni souvenir. »
À l’époque, le diable est partout. La population exige un grand exorcisme. Le curé de la paroisse, Pinget, s’y résout contre l’avis de ses autorités, puis abandonne ses ouailles aux médecins dépêchés sur place. Eux, experts thononais ou lyonnais, posent au bas de leur rapport les mots : démonomanie, hystérodémonopathie, sotte superstition. Prônent l’isolement, voire l’enfermement. Deux fois, la force de l’ordre est requise.
Avril 1864 sonne le paroxysme du phénomène avant son progressif essoufflement. L‘évêque, Monseigneur Magnin, se déplace pour célébrer la confirmation. Ulcérées par son refus de pratiquer l’exorcisme, les Possédées l’agressent, l’insultent, lui crachent au visage : son anneau pastoral est arraché et les saintes huiles roulent à terre. La confusion est extrême, la peur et la honte aussi.
150 ans plus tard, les tentatives d’explication s’empilent : fanatisme religieux du curé Pinget et du vicaire Favre, isolement géographique -il faut plusieurs jours pour rejoindre Thonon-, rivalités locales entre progressistes et conservateurs, dits “les rats rouges” et “les rats blancs”. La consanguinité et l’intoxication à l’ergot de seigle aussi sont évoquées sans plus de conviction.
Bernard Sache parle de crise sanitaire mal gérée, faute à une prise en charge médicale dénuée de mesure et au contexte politico-administratif nourri des atermoiements sardes et de l’interventionnisme parisien, en cette période charnière du rattachement de la Savoie à la France. « Une double malchance », ponctue-t-il.
http://www.ledauphine.com/haute-savoie/2012/07/09/les-possedees-de-morzine-entre-diable-et-sotte-superstition