L'Eglise lance de grands projets en région parisienne pour regagner de la visibilité
Déterminée à "aller chercher les gens là où ils habitent, là où ils travaillent, là où ils prennent leurs loisirs", l'Eglise catholique a entrepris de s'implanter dans les nouveaux quartiers d'affaires et de vie d'Ile-de-France. "C'est notre Grand Pari(s) à nous", sourit Bruno Keller, secrétaire général des Chantiers du cardinal, la structure qui finance une partie des constructions d'églises à Paris et en région parisienne. "Ce sont des lieux que l'on ne peut pas laisser vides", ajoute-t-il.
Tout a été passé au crible : le nombre de logements prévus dans les prochaines années, la surface, en mètres carrés, des bureaux construits et planifiés, le nombre de personnes - résidents ou salariés - potentiellement concernées par le pôle d'activités, l'arrivée prévisible d'un centre des congrès... Même les "17 millions de visiteurs annuels du parc Eurodisney" et les"20 millions du centre commercial de Val d'Europe" (Seine-et-Marne) ont été pris en compte.
L'annonce, mardi 29 novembre, de "huit projets architecturaux d'envergure dans les huit diocèses d'Ile-de-France pour les huit prochaines années" coïncide avec les 80 ans des Chantiers du cardinal, lancés en 1931 par le cardinal Verdier. Alors que Paris et sa banlieue connaissaient une forte mutation démographique, l'archevêque de Paris affichait comme ambition de "construire des églises pour évangéliser Paris et sa banlieue et pour procurer aux ouvriers au chômage un travail".
Aujourd'hui, le "coup" marketing de ces diverses annonces est assumé ; il en va de la "visibilité" de l'Eglise catholique dans les nouveaux bassins de population. Et, par ricochet, de sa capacité à lever de nouveaux fonds.
"A chaque fois que nous voyons un pôle d'activités se créer, nous nous interrogeons sur notre mode de présence sur place. On accompagne le développement urbain ; c'est important que l'Eglise soit au plus près du quotidien des gens", indique Mgr Delannoy, évêque de Saint-Denis, délégué aux Chantiers du cardinal. Récusant l'idée d'une désaffection croissante d'une grande partie de la population pour l'Eglise, il souligne au contraire "une attente spirituelle forte" en région parisienne. L'implantation d'églises dans ces nouvelles zones entend donc "répondre aux nouveaux défis de l'évangélisation", avant même que la demande n'émane de potentielles communautés de fidèles.
Le lancement de ces grands chantiers - qui au final pourraient coûter plus de 25 millions d'euros -, lié au rapprochement entre deux structures jusque-là distinctes (chantiers inter-diocésains et Chantiers du cardinal) vise aussi à mobiliser les croyants. "Présenter des projets ambitieux, offrir aux fidèles des lieux, neufs ou rénovés, où ils se sentent bien, peut les inciter à donner plus", reconnaît M. Keller.
Présence assumée
Une urgence : entre 2000 et 2010, les Chantiers du cardinal ont perdu la moitié de leurs 20 000 donateurs. La tendance s'est inversée en 2011, assure M. Keller ; la structure dispose aujourd'hui d'un budget de 2,5 millions d'euros, mais l'Eglise évolue dans "un monde de ressources rares", insiste-t-il. "En raison du manque de ressources des communes ou des diocèses, 13 églises et 8 chapelles sont mises en vente et 200 églises sont menacées au niveau national", tient à préciser l'institution dans son dossier de présentation des grands travaux.
La mutualisation des dons est aussi censée réduire les déséquilibres entre les diocèses "historiques", plus riches, et les diocèses récents, qui ne peuvent compter sur les financements publics dus aux lieux de culte construits avant 1905. Ainsi, sur les 110 églises parisiennes, 82 sont à la charge de la Ville. Une proportion inverse en Seine-Saint-Denis, où seules 42 des 116 églises bénéficient de fonds publics pour l'entretien et la rénovation, ou dans le Val-de-Marne, qui compte 48 lieux de culte communaux sur les 136 églises répertoriées.
Les nouvelles réalités démographiques et sociologiques s'accompagnent aussi pour l'Eglise d'une adaptation au rythme de vie et aux besoins des fidèles potentiels. "Si l'on s'adresse à des gens qui travaillent, il faut des propositions de trois quarts d'heure, une heure, pas plus à l'heure de midi, souligne Mgr Delannoy. Qu'il s'agisse d'un temps de prière, d'une messe ou d'une formation." Il évoque aussi "les petits-déjeuners après la messe du matin", comme ceux offerts à l'église Notre-Dame de Pentecôte, installée depuis dix ans dans le quartier d'affaires de la Défense.
Même l'affichage des nouvelles constructions évolue. L'architecture des églises renoue avec une présence visible et assumée, en rupture avec certaines constructions des années 1960 et 1970 enfouies dans le paysage urbain. Et, désormais, l'on construit moins des "églises" que des "maisons d'église", des "maisons des familles" ou des "centres ecclésiaux". Une tentative pour attirer un public, au-delà du seul participant à la messe du dimanche.
Stéphanie Le Bars
http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/11/29/l-eglise-lance-de-grands-projets-en-region-parisienne-pour-regagner-de-la-visibilite_1610681_3224.html
Déterminée à "aller chercher les gens là où ils habitent, là où ils travaillent, là où ils prennent leurs loisirs", l'Eglise catholique a entrepris de s'implanter dans les nouveaux quartiers d'affaires et de vie d'Ile-de-France. "C'est notre Grand Pari(s) à nous", sourit Bruno Keller, secrétaire général des Chantiers du cardinal, la structure qui finance une partie des constructions d'églises à Paris et en région parisienne. "Ce sont des lieux que l'on ne peut pas laisser vides", ajoute-t-il.
Tout a été passé au crible : le nombre de logements prévus dans les prochaines années, la surface, en mètres carrés, des bureaux construits et planifiés, le nombre de personnes - résidents ou salariés - potentiellement concernées par le pôle d'activités, l'arrivée prévisible d'un centre des congrès... Même les "17 millions de visiteurs annuels du parc Eurodisney" et les"20 millions du centre commercial de Val d'Europe" (Seine-et-Marne) ont été pris en compte.
L'annonce, mardi 29 novembre, de "huit projets architecturaux d'envergure dans les huit diocèses d'Ile-de-France pour les huit prochaines années" coïncide avec les 80 ans des Chantiers du cardinal, lancés en 1931 par le cardinal Verdier. Alors que Paris et sa banlieue connaissaient une forte mutation démographique, l'archevêque de Paris affichait comme ambition de "construire des églises pour évangéliser Paris et sa banlieue et pour procurer aux ouvriers au chômage un travail".
Aujourd'hui, le "coup" marketing de ces diverses annonces est assumé ; il en va de la "visibilité" de l'Eglise catholique dans les nouveaux bassins de population. Et, par ricochet, de sa capacité à lever de nouveaux fonds.
"A chaque fois que nous voyons un pôle d'activités se créer, nous nous interrogeons sur notre mode de présence sur place. On accompagne le développement urbain ; c'est important que l'Eglise soit au plus près du quotidien des gens", indique Mgr Delannoy, évêque de Saint-Denis, délégué aux Chantiers du cardinal. Récusant l'idée d'une désaffection croissante d'une grande partie de la population pour l'Eglise, il souligne au contraire "une attente spirituelle forte" en région parisienne. L'implantation d'églises dans ces nouvelles zones entend donc "répondre aux nouveaux défis de l'évangélisation", avant même que la demande n'émane de potentielles communautés de fidèles.
Le lancement de ces grands chantiers - qui au final pourraient coûter plus de 25 millions d'euros -, lié au rapprochement entre deux structures jusque-là distinctes (chantiers inter-diocésains et Chantiers du cardinal) vise aussi à mobiliser les croyants. "Présenter des projets ambitieux, offrir aux fidèles des lieux, neufs ou rénovés, où ils se sentent bien, peut les inciter à donner plus", reconnaît M. Keller.
Présence assumée
Une urgence : entre 2000 et 2010, les Chantiers du cardinal ont perdu la moitié de leurs 20 000 donateurs. La tendance s'est inversée en 2011, assure M. Keller ; la structure dispose aujourd'hui d'un budget de 2,5 millions d'euros, mais l'Eglise évolue dans "un monde de ressources rares", insiste-t-il. "En raison du manque de ressources des communes ou des diocèses, 13 églises et 8 chapelles sont mises en vente et 200 églises sont menacées au niveau national", tient à préciser l'institution dans son dossier de présentation des grands travaux.
La mutualisation des dons est aussi censée réduire les déséquilibres entre les diocèses "historiques", plus riches, et les diocèses récents, qui ne peuvent compter sur les financements publics dus aux lieux de culte construits avant 1905. Ainsi, sur les 110 églises parisiennes, 82 sont à la charge de la Ville. Une proportion inverse en Seine-Saint-Denis, où seules 42 des 116 églises bénéficient de fonds publics pour l'entretien et la rénovation, ou dans le Val-de-Marne, qui compte 48 lieux de culte communaux sur les 136 églises répertoriées.
Les nouvelles réalités démographiques et sociologiques s'accompagnent aussi pour l'Eglise d'une adaptation au rythme de vie et aux besoins des fidèles potentiels. "Si l'on s'adresse à des gens qui travaillent, il faut des propositions de trois quarts d'heure, une heure, pas plus à l'heure de midi, souligne Mgr Delannoy. Qu'il s'agisse d'un temps de prière, d'une messe ou d'une formation." Il évoque aussi "les petits-déjeuners après la messe du matin", comme ceux offerts à l'église Notre-Dame de Pentecôte, installée depuis dix ans dans le quartier d'affaires de la Défense.
Même l'affichage des nouvelles constructions évolue. L'architecture des églises renoue avec une présence visible et assumée, en rupture avec certaines constructions des années 1960 et 1970 enfouies dans le paysage urbain. Et, désormais, l'on construit moins des "églises" que des "maisons d'église", des "maisons des familles" ou des "centres ecclésiaux". Une tentative pour attirer un public, au-delà du seul participant à la messe du dimanche.
Stéphanie Le Bars
http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/11/29/l-eglise-lance-de-grands-projets-en-region-parisienne-pour-regagner-de-la-visibilite_1610681_3224.html