Baruch Spinoza
Partisan de la méthode géométrique, le philosophe néerlandais a été accusé, de son temps, d'être athée, pour avoir dénoncé la chimère d'un Dieu à visage humain. Son œuvre préconise la maîtrise des passions humaines, soumises à la superstition.
C'est l'histoire d'un homme auquel les autres ne pardonneront jamais d'avoir préféré la philosophie aux préjugés de tous les temps. Après une enfance relativement heureuse dans l'Amsterdam cosmopolite de la première moitié du XVIIe siècle, passée, entre autres, à étudier le Talmud, et alors qu'aux côtés de son frère Gabriel, il reprend à contrecœur l'entreprise paternelle, Spinoza naît une deuxième fois, à 24 ans, le 27 juillet 1656, jour de son exclusion de la communauté juive d'Amsterdam, et juste après le coup de couteau d'un fanatique.
« Maudit le jour, maudit la nuit »
« Qu'il soit maudit le jour, disent les Anciens, et maudit la nuit, maudit à son coucher et maudit à son lever ; maudit à son entrée et maudit à sa sortie. Que le Seigneur ne lui pardonne et ne le reçoive jamais, mais que la colère et l'indignation du Seigneur soient dorénavant allumées contre cet homme pour l'accabler de toutes les malédictions écrites au Livre de la Loi, et pour effacer son nom de tous les cieux... » Le crime de Spinoza reste un mystère : est-ce d'avoir pensé, discrètement, qu'« il n'y a de Dieu que philosophique », au sein d'une communauté soucieuse de préserver son unité face aux inquisiteurs qui sévissaient encore en Espagne ? Quoi qu'il en soit, comme l'écrit Gilles Deleuze, « s'il arrive qu'un philosophe finisse dans un procès, il est plus rare qu'il commence par une excommunication et une tentative d'assassinat ».
Après sa condamnation, Spinoza gagne sa vie en taillant des lentilles optiques - la technologie de pointe de l'époque, à mi-chemin entre optique théorique et science appliquée. Un tel travail témoigne également de l'ambition fondamentale d'une pensée qui, tenant les démonstrations pour les « yeux de l'esprit », s'attache à débarrasser le regard des préjugés qui l'opacifient, c'est-à-dire à remplacer le jugement par la compréhension.
Jusqu'à sa mort, en 1677 (qui laisse inachevé son Traité politique en plein chapitre sur la démocratie), la vie de Spinoza est jalonnée d'injures. Mais à l'exception d'une diatribe contre la sottise des cartésiens de son temps, et du jour où il voulut, au péril de sa vie, placarder son Ultimi Barbarorum sur les murs de la ville à l'attention des assassins de ses protecteurs, on ne lui connaît, en retour, aucune véritable fureur.
Une prudence inlassable
Qu'on le traite de « Satan incarné », que l'on voue à « la colère des dieux » cet « homme insensé et scélérat qui mériterait d'être couvert de chaînes et fouetté de verges », Spinoza continue, avec une prudence inlassable, d'écrire des livres qui circulent sous le manteau. Quoiqu'il n'ait fait paraître, de son vivant, que les Principes de la philosophie de Descartes (sous son nom), et le Traité théologico-politique (anonymement), les thèses du philosophe sont largement diffusées. Des hétérodoxes juifs aux marchands savants, en passant par les collégiants, les cartésiens et les sociniens, nombreux sont ceux qui le lisent et admirent discrètement l'« érudition déféquée » de ses « livres gros de tous les maux ».
Partisan de la méthode géométrique, le philosophe néerlandais a été accusé, de son temps, d'être athée, pour avoir dénoncé la chimère d'un Dieu à visage humain. Son œuvre préconise la maîtrise des passions humaines, soumises à la superstition.
C'est l'histoire d'un homme auquel les autres ne pardonneront jamais d'avoir préféré la philosophie aux préjugés de tous les temps. Après une enfance relativement heureuse dans l'Amsterdam cosmopolite de la première moitié du XVIIe siècle, passée, entre autres, à étudier le Talmud, et alors qu'aux côtés de son frère Gabriel, il reprend à contrecœur l'entreprise paternelle, Spinoza naît une deuxième fois, à 24 ans, le 27 juillet 1656, jour de son exclusion de la communauté juive d'Amsterdam, et juste après le coup de couteau d'un fanatique.
« Maudit le jour, maudit la nuit »
« Qu'il soit maudit le jour, disent les Anciens, et maudit la nuit, maudit à son coucher et maudit à son lever ; maudit à son entrée et maudit à sa sortie. Que le Seigneur ne lui pardonne et ne le reçoive jamais, mais que la colère et l'indignation du Seigneur soient dorénavant allumées contre cet homme pour l'accabler de toutes les malédictions écrites au Livre de la Loi, et pour effacer son nom de tous les cieux... » Le crime de Spinoza reste un mystère : est-ce d'avoir pensé, discrètement, qu'« il n'y a de Dieu que philosophique », au sein d'une communauté soucieuse de préserver son unité face aux inquisiteurs qui sévissaient encore en Espagne ? Quoi qu'il en soit, comme l'écrit Gilles Deleuze, « s'il arrive qu'un philosophe finisse dans un procès, il est plus rare qu'il commence par une excommunication et une tentative d'assassinat ».
Après sa condamnation, Spinoza gagne sa vie en taillant des lentilles optiques - la technologie de pointe de l'époque, à mi-chemin entre optique théorique et science appliquée. Un tel travail témoigne également de l'ambition fondamentale d'une pensée qui, tenant les démonstrations pour les « yeux de l'esprit », s'attache à débarrasser le regard des préjugés qui l'opacifient, c'est-à-dire à remplacer le jugement par la compréhension.
Jusqu'à sa mort, en 1677 (qui laisse inachevé son Traité politique en plein chapitre sur la démocratie), la vie de Spinoza est jalonnée d'injures. Mais à l'exception d'une diatribe contre la sottise des cartésiens de son temps, et du jour où il voulut, au péril de sa vie, placarder son Ultimi Barbarorum sur les murs de la ville à l'attention des assassins de ses protecteurs, on ne lui connaît, en retour, aucune véritable fureur.
Une prudence inlassable
Qu'on le traite de « Satan incarné », que l'on voue à « la colère des dieux » cet « homme insensé et scélérat qui mériterait d'être couvert de chaînes et fouetté de verges », Spinoza continue, avec une prudence inlassable, d'écrire des livres qui circulent sous le manteau. Quoiqu'il n'ait fait paraître, de son vivant, que les Principes de la philosophie de Descartes (sous son nom), et le Traité théologico-politique (anonymement), les thèses du philosophe sont largement diffusées. Des hétérodoxes juifs aux marchands savants, en passant par les collégiants, les cartésiens et les sociniens, nombreux sont ceux qui le lisent et admirent discrètement l'« érudition déféquée » de ses « livres gros de tous les maux ».