https://www.lemonde.fr/le-monde-des-religions/article/2023/01/15/a-travers-le-refus-des-dogmes-les-nouveaux-spirituels-rejettent-toute-institution-qui-nous-imposerait-ce-que-l-on-devrait-croire_6157933_6038514.html?xtor=EPR-33281134-[religions]-20230126-[la-recontre_titre_2]&M_BT=113977059162465
Les nouveaux spirituels rejettent toute institution qui nous imposerait ce que l’on devrait croire »
Les « nouvelles spiritualités » poussent comme des champignons, constate Marc Bonomelli. Pendant deux ans, le journaliste s’est immergé dans une nébuleuse hétérogène, allant du néochamanisme au développement personnel, en passant par l’écospiritualité.
Propos recueillis par Matthieu Stricot
Publié le 15 janvier 2023 à 09h00, mis à jour le 17 janvier 2023 à 11h05
Une Italienne en méditation après avoir bu de l’ayahuasca à Nuevo Egipto, un village isolé dans la jungle amazonienne du Pérou le 6 mai 2018. MARTIN MEJIA / AP
Dans son livre Les Nouvelles Routes du soi (Arkhê, 320 pages, 19,90 euros), le journaliste Marc Bonomelli s’intéresse aux différentes formes de spiritualité ayant émergé ces dernières années, surfant sur la sécularisation et l’individualisme de nos sociétés contemporaines. Il montre ainsi que la plupart de ces « créatifs spirituels », n’hésitant pas à mêler de pratiques très diverses, inscrivent leur quête de sens dans un projet éthique, social et politique.
Les « nouveaux spirituels » auxquels vous vous intéressez mettent un point d’honneur à se différencier des religions traditionnelles. Pourquoi ?
A travers le refus des dogmes, ces nouveaux spirituels rejettent toute institution qui nous imposerait ce que l’on devrait croire plutôt que de faire notre propre exploration et vivre notre propre expérience. Selon eux, la spiritualité serait quelque chose de pur, dans l’ouverture, la connexion à soi et à l’univers, alors que la religion représenterait la rigidité, la fermeture et la violence.
C’est une idée très partagée, véhiculée notamment sur les réseaux sociaux au sein de cette mouvance. On peut ainsi retrouver, sur les comptes Instagram « Conscious Soul » ou « Astral Dimension », particulièrement suivis, l’image d’un poisson dans un bocal au milieu de l’océan pour illustrer la religion, et celle d’un poisson au milieu l’océan pour illustrer la spiritualité.
Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Yoga, méditation, ésotérisme : ces « retraites spirituelles » qui attirent de jeunes actifs en quête de ralentissement
Peut-on mesurer le nombre d’adeptes de ces nouvelles spiritualités ?
Le phénomène est très difficile à quantifier car n’importe qui peut être plus ou moins concerné par au moins une pratique « spirituelle ». Comme il n’y a pas d’institution, il est difficile d’avoir un recensement précis... Mais la tendance semble fortement à la hausse.
Selon des travaux menés voilà déjà plus d’une décennie par le sociologue Jean-Pierre Worms (Les Créatifs Culturels en France, éditions Yves Michel, 2007), 17 % des Français feraient partie de la famille qu’il appelle les « créatifs culturels ». On peut également citer un sondage IFOP paru en 2020, selon lequel 40 % des moins de 35 ans croient en la sorcellerie, contre 25 % pour les plus de 35 ans.
Vous constatez que le cheminement de certains chercheurs spirituels commence après une expérience mystique sous l’effet de psychotropes… Peut-on vraiment mettre ces expériences sur le même plan que celles vécues par les mystiques des religions traditionnelles ?
Les deux types d’expériences ne sont peut-être pas si antinomiques qu’on ne le pense. L’essayiste américain Timothy Leary (1920-1996) considérait que les psychotropes étaient des raccourcis vers une expérience spirituelle similaire à celles des mystiques historiques. Ces deux formes d’expérience auraient ensuite été enfermées dans différents contextes culturels. Pour beaucoup de personnes, l’expérimentation de ces drogues n’est qu’une étape leur ayant ouvert un monde.
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Les nouveaux spirituels rejettent toute institution qui nous imposerait ce que l’on devrait croire »
Les « nouvelles spiritualités » poussent comme des champignons, constate Marc Bonomelli. Pendant deux ans, le journaliste s’est immergé dans une nébuleuse hétérogène, allant du néochamanisme au développement personnel, en passant par l’écospiritualité.
Propos recueillis par Matthieu Stricot
Publié le 15 janvier 2023 à 09h00, mis à jour le 17 janvier 2023 à 11h05
Une Italienne en méditation après avoir bu de l’ayahuasca à Nuevo Egipto, un village isolé dans la jungle amazonienne du Pérou le 6 mai 2018. MARTIN MEJIA / AP
Dans son livre Les Nouvelles Routes du soi (Arkhê, 320 pages, 19,90 euros), le journaliste Marc Bonomelli s’intéresse aux différentes formes de spiritualité ayant émergé ces dernières années, surfant sur la sécularisation et l’individualisme de nos sociétés contemporaines. Il montre ainsi que la plupart de ces « créatifs spirituels », n’hésitant pas à mêler de pratiques très diverses, inscrivent leur quête de sens dans un projet éthique, social et politique.
Les « nouveaux spirituels » auxquels vous vous intéressez mettent un point d’honneur à se différencier des religions traditionnelles. Pourquoi ?
A travers le refus des dogmes, ces nouveaux spirituels rejettent toute institution qui nous imposerait ce que l’on devrait croire plutôt que de faire notre propre exploration et vivre notre propre expérience. Selon eux, la spiritualité serait quelque chose de pur, dans l’ouverture, la connexion à soi et à l’univers, alors que la religion représenterait la rigidité, la fermeture et la violence.
C’est une idée très partagée, véhiculée notamment sur les réseaux sociaux au sein de cette mouvance. On peut ainsi retrouver, sur les comptes Instagram « Conscious Soul » ou « Astral Dimension », particulièrement suivis, l’image d’un poisson dans un bocal au milieu de l’océan pour illustrer la religion, et celle d’un poisson au milieu l’océan pour illustrer la spiritualité.
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Peut-on mesurer le nombre d’adeptes de ces nouvelles spiritualités ?
Le phénomène est très difficile à quantifier car n’importe qui peut être plus ou moins concerné par au moins une pratique « spirituelle ». Comme il n’y a pas d’institution, il est difficile d’avoir un recensement précis... Mais la tendance semble fortement à la hausse.
Selon des travaux menés voilà déjà plus d’une décennie par le sociologue Jean-Pierre Worms (Les Créatifs Culturels en France, éditions Yves Michel, 2007), 17 % des Français feraient partie de la famille qu’il appelle les « créatifs culturels ». On peut également citer un sondage IFOP paru en 2020, selon lequel 40 % des moins de 35 ans croient en la sorcellerie, contre 25 % pour les plus de 35 ans.
Vous constatez que le cheminement de certains chercheurs spirituels commence après une expérience mystique sous l’effet de psychotropes… Peut-on vraiment mettre ces expériences sur le même plan que celles vécues par les mystiques des religions traditionnelles ?
Les deux types d’expériences ne sont peut-être pas si antinomiques qu’on ne le pense. L’essayiste américain Timothy Leary (1920-1996) considérait que les psychotropes étaient des raccourcis vers une expérience spirituelle similaire à celles des mystiques historiques. Ces deux formes d’expérience auraient ensuite été enfermées dans différents contextes culturels. Pour beaucoup de personnes, l’expérimentation de ces drogues n’est qu’une étape leur ayant ouvert un monde.
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