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La révolution d’octobre et l’Eglise catholique russe

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Josué

Josué
Administrateur

[size=36]Russie: La révolution d’octobre et l’Eglise catholique russe[/size]

9 novembre 2017 par Jean-Jacques Durré


La révolution d’octobre et l’Eglise catholique russe Lenine
[size][url][/url]La révolution bolchévique d’octobre 1917, célébrée ces jours-ci, très discrètement à Moscou, a marqué pour l’Eglise catholique minoritaire, le début d’un long calvaire. Des figures de martyrs émergent de ces décennies d’athéisme d’Etat, en guerre contre les religions.[/size]
Le Vendredi-Saint 31 mars 1923 est un jour sombre pour l’Eglise catholique russe: l’abbé Constantin Budkewicz est tué d’une balle dans la nuque par la GPU, la police politique soviétique. Le prêtre, vicaire général du diocèse de Moguilev, a été emprisonné car il avait donné des cours de religion, un enseignement interdit depuis 1921. Il avait également refusé de livrer des calices et des ostensoirs aux autorités. Son supérieur, l’évêque Jan Cieplak, est également aux mains des autorités. Il est accusé d’avoir monté «une organisation contre-révolutionnaire dans le but de mener une révolte contre les lois et les règlements du pouvoir soviétique». Mgr Cieplak est condamné à mort. Echangé contre un communiste polonais, il échappera à la peine capitale.
« L’Eglise catholique, un ennemi… »
Les premières années du régime bolchévique de 1917 marquent une rupture avec la période tsariste. Féroce, la Pravda, le quotidien communiste, commente avec violence la condamnation de l’évêque catholique de Moguilev: « Pourquoi n’intente-t-on pas un procès contre le pape à Rome? Le procès Cieplak a montré que la personne responsable de la résistance organisée par des prêtres contre-révolutionnaires contre la saisie des biens de l’Eglise est le pape de Rome. Il devrait être condamné par une cour de justice révolutionnaire ». Et plus loin… « Le clergé catholique est un ennemi irrépressible des pauvres et du pouvoir des paysans et des travailleurs ».
La Révolution d’octobre a marqué un tournant brutal. L’Eglise orthodoxe russe, majoritaire au pays de Nicolas II, est persécutée. Des centaines de prêtres, émigrent de Russie et se dispersent dans différents pays du monde libre. Organisant la vie ecclésiale de l’émigration russe, ils donneront naissance à l’Eglise russe hors frontières. Cette dernière va critiquer sévèrement le nouveau pouvoir et accusera l’Eglise restée au pays d’être inféodée aux bolchéviques.
Martyre et clandestinité
Du côté de l’Eglise romaine, la perspective est différente. Mais elle va, elle aussi, vivre des heures sanglantes. Minoritaire mais active, elle connaîtra le martyre et la clandestinité au long des décennies suivantes. Son défi? Essayer de survivre dans un univers qui récuse les rapports avec l’étranger, le Vatican en particulier, et dans lequel l’affirmation de la foi peut mener au goulag.
Première étape, dès les années 1920: la lutte contre l’Eglise de Rome et contre toutes les formes de croyance se met en place méthodiquement. « L’homo sovieticus » propose un autre idéal, marxiste, fondé sur le travail et la marche vers le Grand Soir.
La Russie d’alors comprend aussi une partie de la Pologne, les Etats baltes, la Biélorussie et l’Ukraine. Sur le plan canonique, l’Eglise catholique est organisée principalement autour de deux diocèses, celui de Moguilev dont le siège est à Saint-Pétersbourg, et celui de Tiraspol, installé à Saratov, sur la Volga. Près de cinq millions de catholiques sont encadrés par 1800 prêtres qui desservent 1050 paroisses. La ville impériale de Saint-Pétersbourg recense une académie impériale catholique-romaine et un séminaire pour la formation des prêtres. Elle compte aussi 13 églises et 8 chapelles.
Evêques expulsés
Le diocèse de Moguilev est alors le plus vaste au monde, couvrant une surface large jusqu’en Alaska (alors russe). La présence catholique est toutefois modeste en regard de la puissance de l’Eglise orthodoxe. Mais la répression est en marche. Dès 1919, le prédécesseur de Mgr Cieplak, l’archevêque de Moghilev, Mgr Edouard der von Ropp, est arrêté et condamné à la prison pendant quelques mois.
Rome réagit aux menaces. Il réorganise les diocèses en neuf provinces: Kamenetz et Shitomir en Ukraine, Minsk en Biélorussie, Moguilev, Tiraspol en Russie, Vladivostok en Sibérie, ainsi que les vicariats apostoliques du Caucase et de Crimée, de Sibérie et pour le rite arménien. Mais les évêques catholiques sont systématiquement expulsés.
Ordinations clandestines
Mais le Vatican entend soutenir les catholiques. Il envoie le jésuite français Michel d’Herbigny pour réorganiser les unités pastorales. Les diocèses de Moguilev et de Tiraspol sont divisés en unités plus petites. Mgr d’Herbigny ordonne en cachette des évêques pour les nouvelles entités de Moscou, Leningrad (l’ancien Saint-Pétersbourg), Kazan, Odessa, Saratov, le Caucase et la Géorgie.
Mais les autorités soviétiques réagissent. Mgr Antoine Malecki, évêque de Leningrad est arrêté, comme son confrère Boleslas Sloskans, évêque de Moguilev-Minsk. Mgr Alexandre Frison, administrateur apostolique d’Odessa, est arrêté à plusieurs reprises. Il sera condamné à mort en 1937.
Sans hiérarchie
Dans les années 1930, une nouvelle période s’est ouverte pour l’Eglise martyre: les autorités soviétiques, désormais conduites par Joseph Staline, ne relâchent par leur étreinte violente. Comme les orthodoxes, les catholiques voient leurs églises fermées, voire détruites, des prêtres et des croyants sont déportés, condamnés aux travaux forcés ou fusillés… L’Eglise catholique de Russie se retrouve sans hiérarchie. D’innombrables procès sont intentés contre les prêtres catholiques, accusés d’être « des espions et des agents secrets au service de puissances étrangères ». Le ministère sacerdotal, souvent, se poursuivra dans les camps de prisonniers.
Les persécutions sont particulièrement sévères dans les rangs des Allemands installés en Russie. Ils sont présents depuis le XVIIIe siècle, à l’invitation de Catherine II, notamment dans la région de Saratov, sur la Volga. Dans les années 1920, une République socialiste soviétique des Allemands de la Volga est fondée pour les inciter à demeurer en URSS. Mais le socialisme et la foi chrétienne ne se concilient guère. Nombre de fidèles et de prêtres martyrs sont issus de leurs rangs.
Le régime communiste durera jusqu’en 1991. A la chute de l’URSS, près de 2,5 millions d’Allemands retournent dans la patrie de leurs ancêtres. En Russie, l’Eglise catholique sortira peu à peu des catacombes… En 2008, Mgr Joseph Werth, évêque de Novossibirsk en Sibérie, comptait les fidèles restants: « Un million de personnes qui ont des racines catholique ». Le résultat d’un processus de persécution entamé en octobre 1917, il y a cent ans…
 
cath.ch/bl

Josué

Josué
Administrateur

Le pape François a-t-il converti les communistes italiens ?



  • Auteur:[url=http://www.o-re-la.org/index.php/analyses/itemlist/search?searchword=Anne Morelli]Anne Morel[/url]


La révolution d’octobre et l’Eglise catholique russe 8189f1ddd635b762706679fa5e6def1b_M


Le quotidien communiste Il Manifesto a publié et assuré la promotion, en octobre 2017, cent ans après la Révolution russe, d’un recueil de discours du pape François adressés aux mouvements populaires et intitulé « Terre, toit, travail » (Terra, casa, lavoro). Les communistes italiens, considérés autrefois par l’Église catholique comme bastions de la laïcité voire de l’athéisme, ont-ils inopinément été séduits par la radicalité évangélique ?
Le Parti communiste italien (PCI) a été après la Seconde Guerre mondiale le plus important parti communiste occidental. Soutenu par un électorat nombreux, il n’était plus au pouvoir depuis l’éphémère gouvernement d’unité antifasciste de la Libération mais jouait un rôle très important dans la société italienne via le soutien de nombreux intellectuels et via son puissant syndicat (CGIL), ses associations de jeunesse et de femmes, sa maison d’édition, ses magazines et ses journaux (Paese Sera, L’Unità…). Il était l’un des rares partis laïques d’Italie, même s’il avait dès les travaux préparatoires à l’adoption de la Constitution de 1947 accepté la reconduction des accords du Latran entérinant un rôle dominant pour la religion catholique.
Une partie des communistes italiens étaient des « catho-communistes », mais un décret signé par le pape Pie XII avait le 1er juillet 1949 excommunié les catholiques soutenant ou collaborant avec les communistes. Les communistes étaient donc considérés comme les pires ennemis de l’Église et leurs journaux comme véhiculant des blasphèmes. Après 1989, le Parti communiste italien s’est auto-dissout et son quotidien (L’Unità) n’existe plus aujourd’hui. Le seul quotidien de la « gauche de la gauche » est le Manifesto, qui tire encore à 10 000 exemplaires et proclame sous son titre qu’il est un quotidien « communiste ». Très logiquement, son supplément culturel, fort suivi par les intellectuels, fait la part belle à la contre-culture, aux ouvrages ou spectacles consacrés aux figures charismatiques ou aux événements fondateurs de l’extrême-gauche. Ainsi le Manifesto du 7 novembre 2017 annonce-t-il en première page, à travers trois en-têtes, la publication d’une histoire complète de la Révolution bolchevique, son supplément « 1917 » et un colloque à Moscou consacré à « Octobre rouge ».
Le quotidien communiste avait le pape Ratzinger en ligne de mire. Il ne manquait jamais de faire écho aux auteurs (comme Emiliano Fittipaldi ou Gianluigi Nuzzi) dénonçant les méfaits financiers du Vatican, ou aux manifestants « No Vat » connus pour leurs slogans obscènes contre le pape Benoît XVI (Benedetta vecchia travestita alzati la gonna e goditi la vita : « Benoît, vieux travelo, lève ta jupe et profite de la vie » – Il Manifesto, 14 février 2010) et exhibant comme miracle une Vierge Marie dotée d’un pénis.
Mais avec l’accession de Jorge Mario Bergoglio au pontificat les choses ont changé. Le quotidien communiste donne régulièrement la parole à des prêtres progressistes ou rappelle leur souvenir. Ainsi de don Luigi Di Liegro (mort en 1997), affrontant l’hostilité de Jean-Paul II à cause de son engagement politique radical (il était en contact notamment avec des anciens des Brigades Rouges – Il Manifesto, 7 octobre 2017) ou de don Luigi Ciotti critiquant la logique de marché et lui opposant celle du bien commun (21 octobre 2017), ou encore de don Marco Ricci, d’Herculanum, luttant contre la Camorra qui enfouit des déchets nocifs sur les pentes du Vésuve (2 décembre 2017), d’un prêtre de Lecce (don Gerardo Ippolito) stimulant l’expression artistique sur les murs de sa paroisse de la périphérie de Lecce (idem) ou encore de don Franco De Donno, prêtre anti-racket d’Ostie, défenseur des marginaux, soutenu par une liste civique de gauche (Il Manifesto, 31 octobre 2017).
L’idole du quotidien communiste italien est toutefois sans conteste le pape argentin. Le journal ne rappelle plus les points sombres surgis lors de l’élection du souverain pontife (notamment son attitude équivoque lors de la sanglante dictature de Videla), mais relève tout ce qui coïncide dans les prises de position du pape François avec un programme politique de gauche. Son engagement radical en faveur du désarmement (31 octobre 2017), contre la guerre (3 novembre 2017) et les armes atomiques (31 octobre 2017), mais aussi son ouverture aux revendications des peuples autochtones comme les Mapuche (26 octobre 2017) ou sa visite aux Fosses Ardéatines, haut lieu de la Résistance italienne (3 novembre 2017), sont systématiquement relevés dans le quotidien communiste.
La « Francescofilia » du journal va connaître un sommet dans la première quinzaine du mois d’octobre 2017. En effet, Il Manifesto annonce le 4 octobre qu’il publie un livre recueillant des discours du pape aux mouvements populaires. Dans sa version espagnole, le titre comprend trois lettres « T » comme initiales des revendications : tierra, techo, trabajo (terre, toit, travail). L’annonce de la publication comprend une courte citation du pape François : « Quand je parle de cela, pour certains le pape est communiste ». Elle va figurer tous les jours en première page, pendant la première quinzaine d’octobre. Cette initiative éditoriale a de quoi étonner les lecteurs du quotidien communiste. Le Manifesto va donc publier chaque jour un article consistant, pour justifier cette étrange alliance.
À cette occasion les principaux fondateurs historiques du quotidien vont monter au créneau. La première est Luciana Castellina (Il Manifesto, 4 octobre 2017), figure historique de l’extrême-gauche italienne, passée par la direction du PCI, du PSIUP (Parti d’unité prolétaire pour le Communisme) de Rifondazione Comunista, et plus récemment de Sinistra Ecologia Libertà (SEL) dont elle est eurodéputée après avoir été à diverses reprises parlementaire communiste. Luciana Castellina justifie le choix du quotidien dont elle a toujours été l’un des moteurs, par l’accueil chaleureux que Jorge Mario Bergoglio a réservé à un certain nombre de révolutionnaires sud-américains tels que Pepe Mujica, ancien guérillero Tupamaro devenu président de l’Uruguay, ou Evo Morales, président indien de la Bolivie. Le tournant de Bergoglio serait d’être passé de l’amour des pauvres à une exhortation aux pauvres à ne plus subir, à prendre la parole, à relever la tête, à combattre ici et maintenant sur cette terre. Le Manifesto véhicule là un message qu’il entend comme étant le sien. Et Luciana Castellina rappelle que le PCI avait déjà affirmé dans les années 1950 que la religion vécue profondément pouvait contribuer de manière importante à la critique anticapitaliste.
Le lendemain (Il Manifesto, 5 octobre 2017) c’est un autre ténor de l’extrême-gauche, Nicky Vendola qui, dès la première page du quotidien communiste, défend une publication qui peut apparaître à première vue contre-nature. Nicky Vendola, issu du PCI et de Rifondazione comunista, a été actif dans la défense des LGBT, la lutte contre la mafia et la promotion de l’écologie (Sinistra Ecologia Libertà). Député lors de six législatures, il a également été président de la région des Pouilles. À ses yeux, la radicalité évangélique du pape François débouche sur un appel à la lutte et à la résilience des pauvres, un conflit ouvert avec les hiérarchies socio-économiques qui présentent les inégalités comme « naturelles » et, dans le meilleur des cas, prévoient des politiques sociales destinées à contenir la pauvreté par des mesures néo-capitalistes. Nicky Vendola présente Borgoglio comme un prophète qui dit la vérité à haute voix, même si elle est incommode et risquée. Le pape pousse à agir, à prendre ses responsabilités, à devenir acteur du changement.
Dans le même numéro, la publication des discours de Bergoglio aux trois rencontres mondiales des mouvements populaires convoquées par le pape en 2014, 2015 et 2016, est également « justifiée » par le vaticaniste du Manifesto. Pour Luca Kocci, le Vatican ne compte pas créer une sorte d’Internationale socialiste mais offre un espace aux organisations qui veulent construire une plate-forme sur des sujets cruciaux comme l’accès à l’eau, à un logement, à un revenu. Le vaticaniste du Manifesto n’adhère cependant pas à l’initiative du journal sans un brin de scepticisme : le pape reste le pape et n’est pas un bolchevique, ni même un théologien de la Libération. Il voudrait déplacer l’évangélisation vers la question sociale, mais « il restera à voir si l’Église catholique le suivra sur cette voie ».
Chaque jour suivant le lancement de cette initiative pouvant paraître incongrue, voit d’autres annonces, articles ou même dessins en lien avec la parution. Guido Viale, ancien du mouvement extra-parlementaire Lotta continua, devenu élu écolo et expert en environnement intervenant régulièrement dans les principaux médias italiens, défend (Il Manifesto, 6 octobre 2017) la pensée écologiste radicale des discours du pape sur la Terre — avec majuscule. Le caricaturiste Viani se demande en première page si le plus hérétique est le pape ou le Manifesto qui le publie ? (6 octobre 2017).
Enfin le catholique de gauche, Raniero La Valle, ancien sénateur, intervient le 12 octobre 2017, pour assurer que le journal communiste ne risque en rien de perdre sa laïcité en diffusant la vision du pape argentin. Ses discours sont à ses yeux pleinement humains, donc laïques et accessibles à tous, croyants et non-croyants. Mais le fait que le Manifesto les publie serait un vrai événement, et le 5 octobre 2017 serait à marquer d’une pierre blanche dans les relations entre communistes et catholiques. Pendant plusieurs jours encore, le quotidien communiste va annoncer la parution en première page, relançant en novembre l’intérêt pour le livre par une conférence de présentation à Massa Carrara, haut lieu de l’athéisme et de l’anarchisme italien (Il Manifesto, 9 et 10 novembre, pour une conférence tenue le 11).
On peut se demander comment les lecteurs du Manifesto ont réagi à l’initiative de leur quotidien et comment expliquer cette publication. Les lecteurs du Manifesto sont en partie des rationalistes et des athées, mais plus largement des anticléricaux qui n’hésitent pas, dans le courrier des lecteurs, à dénoncer l’emprise de l’Église sur la société italienne. Ils s’expriment contre le coût des professeurs de religion toujours plus nombreux (9 novembre 2017), contre l’intervention des prêtres aux cérémonies patriotiques (idem), contre la duplicité de l’Église dans la question de l’euthanasie (23 novembre 2017) ou contre l’exemption de taxe accordée aux hôtels tenus par des associations religieuses (12 décembre 2017). Mais il ne s’agit pas d’hostilité à la foi : le journal accueille les publicités de l’Église méthodiste et vaudoise et interprète la récente prise de position du pape sur la fin de vie comme un coup porté aux « pro-life » (17 novembre 2017). Croire ou ne pas croire est estimé secondaire par rapport aux questions sociales et politiques à affronter. Un lecteur considère que le christianisme peut être la « boîte à outils » pour les affronter et que la publication est une excellente initiative pour construire des alliances (6 octobre 2017).
La publication par un quotidien communiste d’un livre reprenant des discours du pape peut s’expliquer comme un bon coup de « com’ » pour le journal. Mais il faut la restituer dans le climat de désarroi idéologique de la gauche. Le pape reprend le témoin abandonné par les politiques socialistes et récupère avec les conflits sociaux une possibilité d’évangélisation. Il offre, dans un climat de personnalisation de la politique, un visage rassurant. Oubliant ce que des générations de communistes ont pensé et dit du caractère anesthésiant (ou intrinsèquement nuisible) de la religion, beaucoup de militants de gauche, devenus sceptiques face à la politique, peuvent se raccrocher au pape François comme à un ultime espoir.
Lors d’un conflit social dans un « Shopping Center », cathédrale de la consommation griffée italienne, des travailleurs demandaient à ne pas devoir travailler tous les dimanches. L’un d’eux répondit au journaliste qui l’interrogeait : « Je ne suis pas catholique mais il me semble que pour nous défendre désormais il n’y a que le pape François quand il parle de la sacralité du dimanche » (19 octobre 2017). Une prise de position théologique qui apparaît donc à certains comme un appui syndical.
Anne Morelli (Université libre de Bruxelles).

Marmhonie

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MODERATEUR
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1517 – 1917: la révolte de Luther et la révolution bolchevique


En ce mois d’octobre 2017, sont réunis trois anniversaires qui ont déterminé le cours de l’histoire des hommes et de l’Eglise : la révolte de Luther, la révolution bolchévique et le miracle de Fatima.

Il y a cinq cents ans, le 31 octobre 1517, Martin Luther commençait sa révolte contre l’Eglise catholique. Il y a cent ans, le 7 novembre, la révolution éclatait en Russie. Selon le calendrier julien, elle a reçu le nom de « révolution d’Octobre ».

Il y a cent ans, quelques jours plus tôt, le 13 octobre, le Cœur Immaculé scellait d’un miracle spectaculaire son message annonçant les grands événements futurs de l’Eglise et du monde, dont certains appartiennent maintenant au passé, comme la Deuxième Guerre mondiale, et d’autres ne sont pas encore arrivés, comme le triomphe du Cœur Immaculé et la conversion de la Russie.

La réforme lancée par Luther apparaît au premier abord comme un événement religieux. Et certes l’hérésiarque allemand a bouleversé dans ses fondements l’Eglise catholique, s’attaquant à la papauté, la grâce, la Sainte Messe, le sacerdoce, la Sainte Eucharistie… La foi et les moyens donnés par Dieu aux hommes pour leur procurer le salut éternel, ont été rejetés ou profondément falsifiés.

Mais vu les liens indéniables entre l’ordre surnaturel de l’Eglise et de la grâce, d’une part, et l’ordre temporel des gouvernements humains et de la société civile, d’autre part, bien vite la révolte contre l’Eglise s’est étendue à la société humaine, divisant l’Europe jusqu’à ce jour, ouvrant des siècles de persécution contre l’Eglise dans les pays réformés, et marquant toute l’Europe de terribles guerres, dont la plus douloureuse fut la guerre de Trente Ans. Vraiment notre incompréhension est totale lorsque nous voyons aujourd’hui des prélats catholiques célébrer, et même fêter cet événement si triste et si épouvantable pour la chrétienté.

La révolte de Luther repose sur un principe qui est comme la base de la pensée moderne, et qui gouverne toute la société contemporaine, qu’elle se prétende libérale ou socialo-communiste. Ce principe vise à affranchir les hommes de la dépendance envers Dieu et l’ordre établi par lui, tant au niveau naturel qu’au niveau surnaturel.

Pourtant, au plus profond de la nature de l’homme se trouve la réalité ontologique d’une dépendance totale à l’égard de son Créateur, totale car il n’existe aucun domaine où l’être humain pourrait s’y soustraire. La notion même de création indique cela clairement. Et du côté de la créature, cette dépendance objective engendre immédiatement le devoir d’une soumission tout aussi absolue envers son Créateur, qui est Dieu. Cette soumission s’étend à bien plus que ce qui apparaît aux hommes comme son expression la plus commune : l’obéissance aux commandements de Dieu, l’obéissance morale. Elle s’étend aussi à l’ordre de l’intelligence, à notre connaissance. C’est la soumission de notre raison à la réalité qui s’impose à nous, de telle manière que la définition exacte de la vérité est « l’adhésion de l’intelligence à la réalité », à la réalité objective. Le domaine de la foi suit le même chemin, la raison de cette soumission étant cependant là différente. Alors que notre raison naturelle se soumet à la lumière de l’évidence, la foi surnaturelle se soumet à l’autorité de Dieu, Vérité qui se révèle sans se tromper, ni nous tromper, comme nous le disons dans l’acte de foi.

Luther, par le principe du libre examen, a fait voler en éclats cette soumission. Et depuis, le grand mot qui résonne dans l’univers est ce cri : « liberté » ; en fait, révolte contre Dieu et l’ordre des choses voulu par Dieu. Cette liberté moderne flatte l’âme déchue depuis le péché originel, elle est la tentation de l’époque présente, elle est illusoire. C’est un rêve chimérique, celui qui inspirait le péché de l’archange Lucifer, et de tout péché à sa suite. Ce soi-disant affranchissement se termine très mal, et pour finir il n’a pas grand-chose à voir avec la vraie liberté. Car si l’homme a été créé libre, ce n’est pas pour se rebeller contre Dieu, sa fin ultime, son souverain bien, mais pour choisir de lui-même les moyens qui le conduisent à Dieu, et pour rendre ainsi méritoire l’obtention de la béatitude éternelle que Dieu tout-puissant veut partager avec ses créatures.

Qu’ils sont peu nombreux les hommes d’aujourd’hui, immergés qu’ils sont dans cette atmosphère libérale, à comprendre ces vérités pourtant fondamentales !

Les excès immanquables du libéralisme poussé jusqu’au bout de sa logique, que ce soit l’anarchie ou la tyrannie de la puissance matérielle, tout comme ceux du socialo-communisme, dont les horribles débordements ont tragiquement marqué le XXe siècle par au moins deux cent cinquante millions de morts, ne semblent pas faire réfléchir nos contemporains.

La révolution russe part de cette révolte contre le joug du pouvoir temporel, mais son origine n’est pas russe. On la trouve dans l’Europe de l’Ouest. Karl Marx est allemand ; la Russie sera le terrain d’application des principes élaborés par l’Allemand Marx, avec le soutien financier de milieux d’affaires occidentaux, selon certains historiens. Cependant, très vite, la révolution s’attaquera à la religion. Et le communisme verra toujours dans l’Eglise catholique plus qu’en tout autre, un ennemi juré à détruire, si c’était possible. C’est du communisme qu’est venue la plus grande des persécutions contre l’Eglise, et qui dure encore aujourd’hui, ainsi en Chine, en Corée du Nord ou au Vietnam.

Tout cela a été annoncé à Fatima, où Notre Dame demande des actes très simples aux autorités religieuses et à tout chrétien, pour conjurer ces malheurs qui menacent de s’abattre sur la terre : la dévotion à son Cœur Immaculé, les cinq premiers samedis du mois en réparation des outrages faits à la Mère de Dieu, la consécration de la Russie.

On est frappé par l’apparente disproportion des moyens proposés par le Ciel pour remédier aux maux de l’humanité, face au destin dramatique des nations à ce moment de l’histoire de l’humanité. Mais Dieu, tout-puissant, infiniment au-dessus de l’agitation humaine, n’a aucunement besoin des moyens humains. Une seule parole lui suffit pour créer l’univers, pour le régénérer, pour le sauver. Mais cela ne se fera qu’à travers des hommes qui auront enfin reconnu sa souveraineté. « La guerre va finir, mais si l'on ne cesse d'offenser Dieu, sous le règne de Pie XI en commencera une pire encore. » « Si l'on écoute mes demandes, la Russie se convertira et l'on aura la paix ; sinon, elle répandra ses erreurs à travers le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l'Eglise. » La paix du monde - et de l’Eglise - est liée à la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie. D’après un témoignage indubitable qui m’a été personnellement rapporté, sœur Lucie, peu de temps avant sa mort, a dit à un prêtre que « la consécration de la Russie SE FERA, mais ce sera très difficile ».

Le triomphe du Cœur Immaculé de Marie viendra, nous n’en avons aucun doute, mais pour l’instant la lutte fait rage, et cette fois-ci jusqu’à l’intérieur de l’Eglise. Les piliers de notre foi qui semblaient inébranlables tremblent sur leur base ; des évêques, des cardinaux dépassent leur nouveau maître, Luther, dont ils célèbrent l’anniversaire de la révolte, cette année. Et bien peu nombreux sont ceux qui défendent la vérité révélée. La Voix dont tout dépend dans l’Eglise sur terre, se tait résolument. Elle laisse les ténèbres de la confusion doctrinale et morale envahir la Cité de Dieu.

Déjà Paul VI, le 29 juin 1972, avait remarqué que « par quelque fissure la fumée de Satan [était] entrée dans le temple de Dieu ». Aujourd’hui ce n’est plus une fumerolle, c’est l’épaisse fumée d’une éruption volcanique. Déjà saint Pie X affirmait : « Qui pèse ces choses a droit de craindre qu'une telle perversion des esprits ne soit le commencement des maux annoncés pour la fin des temps, et comme leur prise de contact avec la terre, et que véritablement "le fils de perdition" dont parle l'Apôtre n'ait déjà fait son avènement parmi nous » (Encyclique E Supremi Apostolatus du 4 octobre 1903). Que dire, cent ans plus tard, à la vue de l’Eglise qui se désagrège petit à petit ? Notre sang se glace lorsque nous entendons cette même Voix dire, au sujet de la justification, que Luther ne s’était pas trompé sur ce point, lors de la conférence de presse dans l’avion au retour d’Arménie, le 26 juin 2016 : « Je crois que les intentions de Martin Luther n’étaient pas erronées : c’était un réformateur. (...) Et aujourd’hui, luthériens et catholiques, avec tous les protestants, nous sommes d’accord sur la doctrine de la justification : sur ce point si important, lui (Luther) ne s’était pas trompé. »

Aussi, nous n’avons pas d’autre ligne pour la Fraternité Saint-Pie X, pour vous chers fidèles, que celle de continuer ce qu’a toujours fait la Sainte Eglise, quoi qu’il arrive. La voie de vérité qui a fait les saints en tout temps, restera toujours le chemin sûr du Ciel, celui des Evangiles, à l’imitation de Notre Seigneur et Notre Dame. Nous prenons les moyens indiqués par le Ciel, avec la certitude que nous ne pouvons pas mieux faire. Notre croisade du rosaire s’est officiellement terminée le 22 août dernier, cependant nous vous supplions et demandons instamment de conserver les bonnes habitudes acquises : la prière du rosaire, ces petits sacrifices si agréables à Dieu et qui ont la puissance de sauver des âmes pour l’éternité, pourvu que l’on y mette un grain d’amour du Bon Dieu !

A la fin de cette année où nous célébrons le centenaire des apparitions de Fatima, retenons bien les enseignements et les demandes de Marie, toujours Vierge et Mère de Dieu. Selon ses propres paroles, son Cœur sera notre refuge et le chemin qui conduit à Dieu. Nous vivons de cette espérance, sans nous décourager devant les événements terribles qui nous entourent, bien conscients que nous pouvons et devons tous faire beaucoup de bien à nos contemporains en conservant fidèlement les trésors de la Tradition.
Source : FSSPX/MG / La Porte Latine du 23 novembre 2017

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