*** yb86 p. 186-190 Le Nigeria ***
Le Nigeria
CETTE nation est née au début du XXe siècle, lorsque la Grande-Bretagne réunit dans des frontières communes une étonnante diversité de groupes ethniques parlant plus de 250 langues. Pendant de nombreux siècles, ces gens avaient eu leurs propres royaumes, cités et systèmes sociaux. Cependant, le 1er octobre 1960 le Nigeria est devenu un état souverain indépendant du point de vue politique et, de l’avis des Nigérians eux-mêmes, c’est ce jour-là que la nation est réellement venue à l’existence. Des origines si diversifiées ont profondément marqué le pays.
La superficie du Nigeria équivaut à peu près à quatre fois la Grande-Bretagne ou plus de deux fois la Californie. Ce vaste pays est traversé par le Niger, le troisième fleuve d’Afrique, d’une longueur de 4 200 kilomètres, et par la Bénoué. Ce réseau fluvial découpe grosso modo le pays en trois régions. Au nord vivent les Haoussas, les Foulanis et de nombreuses petites tribus. Au sud, à l’ouest du Niger, on trouve les Yoroubas et à l’est les Ibos, ainsi qu’environ 200 autres groupes tribaux. Ces cultures, traditions, langues et religions différentes sont autant de facteurs de division. Mais la langue anglaise a été un important lien unificateur qui a fait des habitants de ce pays une seule nation, la plus peuplée d’Afrique.
UNE VÉRITABLE GAGEURE
Prêcher la bonne nouvelle du Royaume de Dieu dans ce territoire est une véritable gageure. Le Nigeria se trouve juste au nord de l’Équateur. Le long de la côte, le climat est chaud et humide, et on trouve aussi de vastes marécages. Avec de telles conditions, le pays a été ravagé par diverses maladies, telles que le paludisme, la fièvre jaune, la lèpre et les parasites intestinaux. En fait, le Nigeria appartient à cette région d’Afrique occidentale qu’on appelait autrefois “la tombe de l’homme blanc”. Au nord, la situation est quelque peu différente; le pays s’étend jusqu’au Sahara et devient semi-désertique à certains endroits.
La religion prédominante est l’islam. Elle aurait été introduite vers l’an 900 de notre ère, et elle s’est fermement établie dans le nord du pays. Environ la moitié de la population est musulmane, un tiers est “chrétien” et le reste des habitants demeurent attachés à leurs religions ancestrales. Des communautés entières, surtout au sud, ont été “christianisées”, mais cette conversion s’est effectuée à peu près de la même façon qu’en Europe, par la contrainte ou par la séduction. Toutefois, les Nigérians ne sont pas devenus disciples sur le plan personnel. Il n’est donc pas surprenant que les pratiques des cultes ancestraux exercent encore une forte influence dans leur vie.
Les ministres chrétiens doivent aussi faire face à un problème d’une grande ampleur: l’analphabétisme. D’autre part, ils prêchent dans des villages où les gens offrent régulièrement des sacrifices à leurs dieux fétiches, avec de nombreux rites démoniaques. Ils se heurtent à l’opposition de sociétés secrètes, telles que l’Odozi Obodo ou des organisations “juju” comme l’Ekpo. Ils rencontrent souvent des sorciers.
Mais ce n’est là qu’un aspect des choses. Le chrétien qui vient d’un autre continent ne peut s’empêcher d’être impressionné par l’empressement des gens, même de certains musulmans, à parler de religion. De nombreux Nigérians sont de véritables “amoureux” de la Bible. Les journaux consacrent généralement une place importante à des sujets religieux. On voit souvent des noms et des slogans religieux qui font sourire les visiteurs. Une boutique appelée “Société commerciale bénie” ou “Magasin d’alimentation ‘Dieu a la première place’”. Les véhicules portent parfois la devise “Dieu est mon aide”, et il n’est pas rare de lire sur un vieux camion accidenté: “L’homme propose, Dieu dispose.”
DE MODESTES DÉBUTS
L’activité de prédication au Nigeria a été très étroitement liée aux progrès théocratiques des autres pays d’Afrique occidentale. À une certaine époque, la filiale de la Société Watch Tower d’Afrique occidentale, située à Lagos, s’est occupée de l’œuvre au Ghana, en Sierra Leone, au Bénin, au Togo, au Niger, au Cameroun et en Guinée équatoriale. Des pionniers nigérians, des pionniers spéciaux et des missionnaires ont servi dans ces pays ainsi qu’en Gambie, en République centrafricaine et au Liberia. Comment tout cela a-t-il commencé?
De toute évidence, c’est vers la fin de l’année 1921 que la bonne nouvelle est arrivée au Nigeria, lors d’une brève visite de Claude Brown dans le pays, visite au cours de laquelle il a prêché essentiellement dans le nord. Frère Brown était Antillais et il avait vécu à Winnipeg, au Canada. Il est revenu au Nigeria en 1923 et a donné plusieurs discours à Lagos.
À cette époque-là, Vincent Samuels, un Noir américain qui s’était installé comme tailleur à Tinubu Square, à Lagos, conduisait déjà des groupes d’étude de la Bible. Il a pris l’initiative de prêcher de maison en maison et il utilisait le livre La Harpe de Dieu, publication de la Société Watch Tower, dans des groupes d’étude d’une quinzaine de personnes au domicile d’une certaine Mme Odunlami.
James Namikpoh, relieur et imprimeur à l’imprimerie nationale de Lagos, a entendu parler de ces classes et il a commencé à se joindre au petit groupe en 1923. Il a fait de rapides progrès et est devenu le premier Nigérian actif dans la prédication. Mme Odunlami a rapidement suivi. Plus tard cette année-là, Joshua Owenpa a vu le livre La Harpe de Dieu sur la table d’un collègue de travail au bureau des chemins de fer, à Lagos. Il le lui a emprunté, l’a lu toute la nuit et s’est très vite mis à fréquenter le petit groupe. Il est donc devenu le troisième Nigérian actif dans le service de Jéhovah.
C’est la même année qu’un Jamaïcain du nom de William Brown est apparu sur la scène d’Afrique occidentale. Il venait de La Trinité, île à partir de laquelle il avait prêché dans toutes les Caraïbes. Comme il avait donné le témoignage dans presque toutes ces îles, J. Rutherford, président de la Société Watch Tower, l’a invité à ‘partir pour la Sierra Leone, en Afrique de l’Ouest, avec sa femme et son enfant’.
De là, il a visité le Nigeria en novembre 1923 et a donné son premier discours au Glover Memorial Hall. Au cours de cette brève visite, il a distribué aussi des centaines de publications dans les quartiers d’affaires et dans les bureaux du gouvernement. W. Brown était de retour à Lagos en 1926 et il a donné cette fois des discours devant des foules toujours au Glover Memorial Hall. Lors de cette visite, il a encouragé également frères Namikpoh et Owenpa à élargir leur champ d’activité. Frère Owenpa a raconté par la suite:
“Frère Brown m’invita à entreprendre le service de colporteur [aujourd’hui appelé service de pionnier]; j’ai donc démissionné des chemins de fer (...) le 1er juillet 1927. J’ai aussitôt commencé le service de colporteur. Frère Brown m’a donné des instructions basées sur les Écritures et m’a encouragé en attirant mon attention sur Philippiens 1:28, où il est dit: ‘Sans vous laisser effrayer en rien par vos adversaires; c’est là précisément pour eux une preuve de destruction, mais, pour vous, une preuve de salut.’”
C’est ainsi que Vincent Samuels, originaire d’Amérique du Nord, et deux Antillais nommés Brown ont joué un rôle essentiel dans les débuts de l’œuvre au Nigeria. L’activité avait pris un bon départ et elle allait continuer de croître.